Radioscopie du bassin laitier Nord-Picardie

Avec 2,5 milliards de litres de lait de vache produits – soit un peu plus de 10% de la production nationale – en 2013, la filière laitière du bassin Nord- Picardie arrive en 4e position des neuf bassins laitiers du pays. Quatre mois après la suppression des quotas laitiers, l’Insee Picardie et la Direction régionale alimentation, agriculture et forêt (Draaf) se sont penchés via une étude sur la filière, à l’heure de la libéralisation de la production.

L’exploitation laitière moyenne dans le bassin comprend une cinquantaine de vaches, un nombre proche de la moyenne française.
L’exploitation laitière moyenne dans le bassin comprend une cinquantaine de vaches, un nombre proche de la moyenne française.
L’exploitation laitière moyenne dans le bassin comprend une cinquantaine de vaches, un nombre proche de la moyenne française.

L’exploitation laitière moyenne dans le bassin comprend une cinquantaine de vaches, un nombre proche de la moyenne française.

Exit depuis le 1er avril 2015 les quotas laitiers instaurés en 1984 – époque où la production laitière était excédentaire – qui avaient pour but de réguler le marché. Depuis quelques années déjà, la filière laitière anticipe cette libéralisation de la production. Car dans le bassin, « la fin des quotas laitiers constitue (…) un enjeu économique pour un continuum d’acteurs, de l’exploitation agricole à l’entreprise de collecte et de transformation », peut-on lire dans l’étude. Et la mutation de la filière laitière de se poursuivre, pour faire face à une concurrence internationale qui s’accroît. Le bassin laitier Nord-Picardie regroupe six départements (le Nord, le Pas-de-Calais, l’Aisne, l’Oise, la Somme et les Ardennes), et sa production a augmenté entre 2000 et 2013 plus rapidement que dans les autres bassins laitiers de l’Hexagone, avec +4% (soit 100 millions de litres de lait) contre 2,5% au niveau national. Et ce malgré la diminution du nombre de vaches, de 60 000 têtes depuis 2000, portant le cheptel à environ 350 000 bêtes. Une baisse compensée par les gains de productivité : la production annuelle moyenne par vache est passée de 5 800 litres en 2000 à près de 7 400 litres au pic de 2011, avant d’accuser un léger fléchissement depuis 2012. Le lait produit est principalement destiné à l’industrie laitière, dans le bassin, mais aussi en dehors.

Spécificités

Si la production a augmenté, le nombre d’exploitations laitières a lui suivi une courbe inverse, passant de 11 000 en 2000 à 7 100 en 2013, avec une raréfaction des petites exploitations (moins de 25 vaches). Les élevages de plus 1 000 vaches, qui étaient en 2000 quasiment inexistants, représentent eux aujourd’hui 6% des exploitations. La collecte et la transformation du lait sont elles assurées par 73 établissements qui emploient 5 100 salariés, plaçant le bassin laitier Nord-Picardie en 6e position des bassins laitiers. Avec une spécificité : « La prédominance de la fabrication du lait liquide et de produits frais [ndlr, auxquels il faut ajouter la fabrication de glaces et de sorbets et le lait en poudre] qui, par ses process élaborés, emploie une main d’oeuvre plus qualifiée que dans les autres bassins [ndlr, 83% des ouvriers qualifiés contre 69% dans les autres secteurs]. » La fabrication de glaces et sorbets, qui emploie à elle seule 24% des salariés, est concentrée dans trois établissements (1 100 personnes au total) dont l’usine Nestlé Grand-froid de Beauvais. Et comme dans les autres secteurs industriels, l’industrie laitière dépend de plus en plus de grands groupes nationaux ou internationaux, neuf salariés sur dix du secteur dépendant d’un groupe.

 Trois questions à…

Olivier Thibaut est le président de l’Union des producteurs de lait en Picardie depuis un an et demi. Il est éleveur et producteur de lait à Belloy-sur-Somme.

Picardie La Gazette  : Pouvez-vous nous expliquer quel est le problème, à l’heure actuelle, pour les producteurs de lait ? Olivier Thibaut : On a un problème conjoncturel avec des prix bas et des charges hautes. Il faut rajouter un problème de sécheresse et un problème avec la grande distribution. Ces problèmes conjoncturels font ressortir des problèmes structurels. On manque de compétitivité vis-à-vis de nos voisins. Les normes nous font des charges en plus, ce qui fait que l’on manque de compétitivité. C’est quelque chose que l’on dit depuis des années, il n’y a rien de fait là-dessus. Aujourd’hui, il n’y a plus de trésorerie, les gars sont excédés. Malheureusement, on est obligé de se faire entendre de façon excessive, car tant qu’on ne sort pas dans les rues, on n’est pas entendu. On le regrette, mais on n’a pas trop le choix.

P.L.G  : Êtes-vous satisfait de l’accord récemment obtenu avec les intermédiaires et la grande distribution ?
O.T. :
Non. Le problème, c’est que l’on trouve un accord sur les prix, plus personne ne peut jouer dessus puisque l’on est sur des marchés européens et mondiaux. C’est un accord sur les prix franco-français. Il y a trop de lait sur le marché, il faut que l’on essaye de résoudre le problème sur le fond c’est à dire celui de la compétitivité. Quant à la grande distribution, elle ne joue pas le jeu. Le citoyen a des exigences, vis-à-vis de nous, concernant l’environnement, etc. Puis en tant que consommateur, il va au moins cher, ça lui est égal que ce soit français ou pas, il n’y a aucune reconnaissance sur nos spécificités, On est sur des “mesurettes” à court terme. Sur le fond, on n’a strictement rien résolu.

P.L.G.  : Les actions des producteurs de lait sont-elles finies ?
O.T. :
Non, nous allons beaucoup insister, dans les prochains mois, sur les mesures à long terme. On va vraiment maintenir la pression, mais de façon différente des blocages, en mettant la pression sur la grande distribution qui joue double jeu. À la fois elle utilise notre image de “nous, Français avec petites fermes”, mais derrière elle ne se gêne pas pour importer du lait et faire baisser les prix. On va faire pression sur la restauration collective qui achète le moins cher, quelle que soit la provenance du produit. Et après, on va maintenir la pression sur l’État et les politiques. Il faut une harmonisation européenne, sinon on les producteurs seront toujours le dindon de la farce.