Quêtes et enquêtes

Billy Summers

Maître incontesté du fantastique horrifique, Stephen King aime parfois s'aventurer sur les chemins escarpés du polar. Sauf que ce formidable roman est certes un redoutable thriller, mais aussi un récit de guerre, un road trip et une émouvante déclaration d’amour à l’Amérique des petites villes. L'antihéros de cette histoire est un ancien sniper vétéran de la guerre en Irak reconverti en tueur à gages à sang froid. Billy Summers aimerait se retirer mais on lui propose un dernier contrat, avec 2 millions de dollars à la clé, pour exécuter un «salaud». Difficile alors de refuser ce pactole avant de prendre sa retraite... Dans ce roman surprenant où Stephen King se montre aussi virtuose pour les scènes d'action qu'inspiré pour la profondeur psychologique de son personnage principal, le romancier brosse le portrait de l’Amérique d’aujourd’hui, rongé par la pauvreté, gangrené par la violence et le crime, mais peint aussi une Amérique populaire, dont le quotidien est ponctué de barbecues entre voisins ou d'une sortie familiale dans une fête foraine. Car, au-delà d'un suspense prégnant, de la noirceur de certaines scènes et de quelques références savoureuses à certains de ses romans (tel Shining avec l’Hôtel Overlook), Stephen King sécrète au long de son récit une profonde et touchante humanité.

Billy Summers de Stephen King (Editions Albin Michel – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch).

Cupidité

Deux ans après La Proie, Deon Meyer poursuit son exploration des plaies qui gangrènent l'Afrique du Sud sous le prisme du polar. Nous retrouvons donc Benny Griessel et Vaughn Cupido, relégués comme enquêteurs de base pour avoir transgressé les ordres de leur hiérarchie. Ils soupçonnent que cette mise à l'écart est liée au meurtre en plein jour d’un de leurs collègues et aux lettres anonymes qu’ils ont reçues récemment. Mais avant qu'ils puissent en avoir la certitude, leur hiérarchie les charge d’élucider la disparition de Callie, un étudiant en informatique. Dans le même temps, Jasper Boonstra, milliardaire et escroc notoire, confie à une agente immobilière endettée la vente de son prestigieux domaine viticole. Conscient que la commission de trois millions de rands réglerait tous les problèmes de la jeune femme, l’homme d’affaires exerce sur elle un chantage qui la contraint d'accepter. A priori, il n’y a aucun lien entre les deux affaires, sauf le lieu, Stellenbosch, au coeur des vignobles du Cap... A l'instar de ses précédents romans, Deon Meyer brosse avec maestria le tableau édifiant d’une société sud-africaine rongée par la cupidité et la corruption où l’argent serait la seule valeur qui importe. A travers une intrigue classique mais efficace, des personnages parfaitement campés et des dialogues ponctués d'humour, il signe un thriller dense à l'acerbe critique sociale.

Cupidité de Deon Meyer (Editions Gallimard – Traduit de l'afrikaans par Georges Lory).

Identités croisées

Au long de sa conséquente production littéraire, Harlan Coben renoue parfois le fil de l'histoire avec certains de ses personnages. Ainsi, après L’Inconnu de la forêt en 2020, il retrouve ici Wilde, «l’homme des bois», découvert enfant dans la forêt, qui cherche à résoudre le mystère de ses origines. Sur une banque de données où il a déposé son ADN, il reçoit de la part d’un supposé cousin un étrange message aux allures d’appel à l’aide. Wilde découvre qu’il s’agit d’une star de la télé-réalité, portée disparue depuis plusieurs semaines... Sur une solide trame narrative imaginée comme un jeu de pistes ponctué de rebondissements jusqu'au dénouement final, Harlan Coben nous plonge au cœur des dérives contemporaines comme la nocivité de la téléréalité, le business lucratif des influenceurs, la cyberviolence, ou encore les sectes aux pouvoirs effrayants. Au milieu de ce chaos sociétal, Wilde se débat avec la difficulté d’affronter une société violente en tentant de protéger la part d'humanité qui le tient debout. Soit une quête intime tissée au sein d'une enquête passionnante.

Identités croisées d'Harlan Coben (Editions Belfond – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Roxane Azimi).