Quels sont les voyants «à l'orange» à surveiller ?
Le dirigeant d’une PME ou PMI familiale qui souhaite céder son entreprise est souvent très seul et démuni face aux aléas, à la durée et à la complexité du processus de cession transmission d’une entreprise. Il y a de nombreuses particularités de son entreprise qui sont considérées par les repreneurs comme des points sensibles assimilables à des voyants à l’orange.
Aucune préparation et anticipation
Il faut plusieurs années pour préparer la cession d’une entreprise. Il faut identifier en amont les points de friction possibles pour tout repreneur. Pas d’échappatoire. Il faudra mettre le moment venu les cartes sur la table et jouer la transparence. Souvent le cédant ne percute sur ces aspects que lorsqu’il a compris que la cession des parts sociales de son entreprise sera assortie d’une garantie d’actif passif. À ce stade amont du processus, je conseille au cédant de demander à son expert-comptable d’établir un diagnostic ou audit de cession assorti d’observations sur les points qu’il faut traiter (immobilier d’entreprise, passif social, passif environnemental, disponibilité des titres et passif juridique, provisions nécessaires, sortie de trésorerie excédentaire…).
L’entreprise est en perte
Le voyant passe au rouge dans une entreprise en perte et la probabilité statistique de vente diminue fortement. Quelles explications ? Quels arguments pour intéresser un repreneur ? Quelle valorisation ? De plus dans ces circonstances, une dette d’acquisition est très difficile à obtenir, sauf si le repreneur est du métier et peut apporter la preuve de sa capacité à obtenir des effets de synergie et économies.
Le dirigeant a déclenché sa retraite et ne se rémunère plus
C’est la situation classique du dirigeant qui n’a pas vendu avant de déclencher sa retraite. Le repreneur effectue un retraitement des comptes pour tenir compte d’une rémunération «normale» de dirigeant. Souvent, le compte de résultat est alors simplement équilibré, voire déficitaire. Quelle est la valeur d’une entreprise qui ne gagne pas d’argent ? Comment financer son acquisition ?
Le dirigeant dit : «je veux bien vendre mais cela dépend à quelles conditions ?»
La quasi-totalité des chefs d’entreprise sont prêts à vendre leur société s’ils reçoivent une offre intéressante de reprise. Mais il y a généralement un long chemin à parcourir avant d’obtenir une offre sérieuse de reprise, franchir les autres obstacles (audit d’acquisition, bouclage du plan de financement du repreneur, levée des conditions suspensives, ajustement du prix de vente…) et concrétiser la vente avec succès. Assez souvent l’envie de vendre est abandonnée quand le dirigeant prend conscience qu’il doit se découvrir et communiquer des informations confidentielles sur son entreprise pour permettre au repreneur de se positionner.
Il y a des risques non provisionnés
L’audit d’acquisition ne peut pas passer à côté des points sensibles de l’entreprise. Au mieux, ces aspects négatifs impactent le niveau de la garantie d’actif passif. Au pire, ils suscitent de la méfiance, peuvent remettre tout en question et conduire le repreneur à abandonner les négociations.
Le cédant n’a pas de tableau de bord
Le tableau de bord de pilotage de l’activité (suivi des marges, carnet de commandes, suivi des flux de trésorerie, gestion des risques, gestion des impayés et relances clients…) est un élément très important dans le processus de négociations avec les repreneurs. Il faut présenter des indicateurs et des données chiffrées, claires, réalistes et étayées. Ces indicateurs permettent de négocier les conditions de la reprise.
L’entreprise est dirigée par un couple de dirigeants ou plusieurs membres d’une même famille
C’est un schéma très classique dans les TPE et PMI familiales. Cette situation sous-entend beaucoup «d’intuitu personæ» dans l’entreprise à reprendre, c’est-à-dire une grande dépendance de l’entreprise des cédants, principale difficulté de tout repreneur. La présence d’autres membres de la famille dans l’entreprise peut également poser problème au repreneur s’ils veulent rester, ce qui n’est pas toujours souhaitable s’ils occupent des postes à responsabilité.
Le cédant fait un blocage sur un prix psychologique de vente
Il est très fréquent qu’une entreprise ne se vende pas pour une question de prix. Nombreux sont les dirigeants qui, faute de préparation, manquent pour cette question une opportunité de vendre qui ne se représentera plus. Il y a toujours une valeur de marché pour une société. On ne peut la connaître qu’en étant dans une démarche dynamique d’échanges et de négociations avec des repreneurs potentiels. Ce processus peut s’étaler sur des années. La valorisation va fluctuer au gré de l’évolution de l’entreprise, activité, résultats, trésorerie, investissements, rémunération dirigeant, politique de distribution de dividendes… La valeur des entreprises est aussi impactée aujourd’hui à la baisse par le fait qu’il y a, pour les repreneurs, de belles opportunités d’entreprises en difficulté à reprendre à la barre des tribunaux. Il arrive que le cédant préfère au fond de lui-même ne pas vendre plutôt que d’accepter, selon son expression, de «brader son entreprise».
Le dirigeant est imprévisible et a une forte personnalité
Diriger une entreprise n’a jamais été un long fleuve tranquille. Tous les dirigeants de sociétés, petites moyennes ou grandes, le vivent au quotidien et ont une forte personnalité. C’est grâce à ce tempérament de décideur et d’entrepreneur qu’ils ont réussi. L’inconvénient, c’est parfois un manque d’humilité des chefs d’entreprise qui doivent se remettre en question et comprendre les interrogations des repreneurs.
Le résultat est insuffisant pour supporter le remboursement d’un emprunt d’acquisition
Une entreprise à acquérir se finance quasiment toujours par une dette d’acquisition. Sans rentabilité et sans résultat, elle entre dans une sorte de no man’s land car elle n’est pas finançable ou sa valorisation demeure symbolique.
Le cédant veut se débrouiller tout seul pour vendre son entreprise
La cession d’une société est encore plus compliquée sans l’aide de professionnels, cabinets spécialisés en transmission d’entreprise, avocats, experts comptables, conseillers financiers… Ces spécialistes mettent tout en œuvre pour rendre possible et concrétiser l’opération avec succès. Ils permettent au cédant d’aller vers l’action, trouver le recul nécessaire, être en confiance. Ils ont une obligation de valeur ajoutée et de résultat. Vouloir s’en passer pour faire des économies n’est pas une bonne idée. Les entreprises à vendre qui sont accompagnées par des professionnels de la cession ont une probabilité statistique de vente nettement plus élevée.
Le cédant augmente le loyer avant la mise en vente de l’entreprise
L’acquisition de la société passe par un emprunt à moyen terme dont le remboursement va réduire la marge de manœuvre du repreneur en pesant sur les résultats. Le poste immobilier, qui concerne le loyer versé à la SCI du dirigeant, n’est jamais anodin dans la négociation et le fait de l’augmenter avant la mise en vente peut constituer un point de blocage pour le repreneur.
Le besoin en fonds de roulement n’est pas maîtrisé
Il faut être particulièrement attentif à l’évolution de la trésorerie et aux fluctuations des besoins en fonds de roulement de l’entreprise. Le raisonnement des banques portent sur la globalité du financement du projet avec, au-delà du crédit d’acquisition, les crédits d’investissements et de fonctionnement bien adaptés à l’entreprise.
Le bilan est déficitaire ; pour masquer cette situation, le dirigeant décide de prolonger l’exercice sur 18 mois
Cette décision s’apparente à un «habillage de bilan». Elle complique la bonne compréhension et lisibilité des comptes de l’entreprise. Faute d’explications claires et convaincantes, elle conduit souvent le repreneur potentiel à abandonner l’étude du dossier.
L’immobilier fait partie des actifs de l’entreprise
Il est toujours préférable que les actifs immobiliers soient séparés des actifs d’exploitation dans une société distincte. La question de la valeur des actifs immobiliers d’une entreprise à vendre est compliquée car ils ne sont pas productifs d’un loyer. Il ne faut pas oublier que les bâtiments n’ont de valeur que si une entreprise les utilise.
Le cédant «ne donne pas envie» et des salariés quittent l’entreprise
Bien sûr que la passion et l’implication du dirigeant dans son entreprise peut s’éroder au fil des années. Mais le cédant doit être crédible et convaincant avec les repreneurs potentiels, rester optimiste, mettre en avant les points forts de son entreprise et les pistes de développement. Il doit aussi veiller, dans une période d’interrogations et d’incertitudes, au climat de travail et à ses relations avec le personnel de l’entreprise. Quand on visite une entreprise, on sent l’ambiance de travail. Il faut éviter le départ de salariés qui peut dissuader les repreneurs de poursuivre les négociations.
Le dirigeant est «mollement» réactif
Les contacts, les rencontres, les échanges, les négociations concernant la cession d’une entreprise exigent de la réactivité. Il faut toujours répondre rapidement aux questions posées. La sincérité et la transparence sont les règles de base. On n’élude pas les points de fragilité. Le cédant fait son maximum dans cet exercice et il a compris que le manque de réactivité dans toutes les étapes du processus de vente peut condamner tous les acquis.
Aucune entreprise n’est impossible à vendre
Pas de découragement pour le cédant qui coche plusieurs cases avec «voyants à l’orange». Cette situation est très courante dans les entreprises familiales à reprendre. Par ailleurs, selon le profil des repreneurs, les points de faiblesse peuvent parfaitement être perçus comme des points plutôt intéressants. Toutes les entreprises ont des atouts à faire valoir. Mais dans tous les cas, le cédant doit anticiper, être animé d’une motivation et d’une volonté absolue de vendre, s’armer de patience et surtout se faire aider pour réussir à vendre son entreprise.
Jean-Yves LESTRADE
Conseil et rapprochement d’entreprise