Quel projet ? Quel scénario ?
Un projet privé pour le moins original a été présenté le 4 juin. Les représentants des deux départements et de la Région ont exprimé leurs intentions le 6 juin. En attendant la suite des événements, faisons le point.
Durant la semaine qui a précédé le premier tour des législatives, la base aérienne 103, dans le Cambrésis, a donné matière à deux conférences de presse concurrentes mais à caractère économique. La fermeture de la BA et sa reconversion sont en marche et, ces jours-là, deux scénarios ont été esquissés. S’ils sont bien de sources différentes, ils ont malgré tout en commun, au-delà de cet antagonisme apparent, de parler tous deux de transports et de mobilité…
355 hectares à reconvertir. L’annonce de la fermeture de la BA 103 remonte, officiellement, à juillet 2008. Comme d’autres décisions de l’Etat liées à la recomposition de la carte des armées, elle a été suivie de la mise en place de dispositifs et de mesures destinées à compenser les effets négatifs immédiats sur l’économie locale. Les 355 hectares du site (dont 218 sur le Pas-de- Calais) représentaient un peu plus de 1 500 emplois (dont 113 de civils). La fermeture de la base commencera cet été pour s’achever un an plus tard. Que faire de ces surfaces militaires et de leurs équipements ?
Le projet “Mobilopolis”. Ce projet privé (cf. encadré) a été présenté officiellement le 4 juin, à l’initiative de Guy Bricout, maire de Caudry et président de Cambrésis développement économique (CDE, l’agence qui s’occupe pour l’arrondissement du développement économique venu de l’extérieur). L’initiateur de Mobilopolis, c’est Jean-François Jayez, qui se présente comme consultant du cabinet d’études Stratège plus, à Villeneuve- d’Ascq. Il explique être entré en contact avec le groupe régional de BTP Ramery (qui fête ses 40 ans cette année) et sa filiale de promotion et d’aménagement Pream, pressentis pour être partenaires de ce projet. Philippe Beauchamps, président du directoire du groupe, participait d’ailleurs à la présentation…
“Ce projet, c’est un an et demi de travail, précisait, quelques jours après, Jean- François Jayez. Deux cabinets d’architectes de la métropole lilloise ont travaillé dessus et une collaboration s’est mise en place avec la communauté d’agglomération de Cambrai et Cambrésis développement économique. Aujourd’hui, nous en sommes à un master plan et à des négociations avec les partenaires. Mobilopolis, c’est pour l’instant un scénario, une histoire que l’on aimerait écrire.” Environ 150 000 euros de frais d’études auraient été engagés pour l’instant et cette requalification proposée a apparemment séduit CDE ainsi que la communauté d’agglomération de Cambrai présidée par François- Xavier Villain.
Enthousiaste, Jean-François Jayez a ajouté que d’autres études seraient de toute façon nécessaires, les 355 hectares à vocation militaire de la base demandant un audit complet. Pour sa part, il estime que si le projet se fait, des bâtiments et infrastructures militaires seront, selon leur intérêt ou la difficulté à les faire disparaître, conservés, démolis, enfouis. D’autres seraient construits. Selon Jean-François Jayez, ce projet pourrait être entièrement porté et financé par le privé. Il explique pourquoi : “En fait, dans ce projet, avec nos partenaires on jouerait un rôle d’assembleur autour d’un thème commun, et je peux vous dire qu’il y a déjà pas mal de sociétés intéressées par un emplacement.” Le chiffre de 300 millions qui a été annoncé correspond, fait-il remarquer, non pas à un investissement unique mais à une valeur globale d’investissements privés juxtaposés. Les 2 000 emplois qui ont été évoqués n’ont qu’un caractère indicatif. Ça pourrait être plus !
Trois présidents et une position commune. Daniel Percheron (Région), Patrick Kanner (conseil général du Nord) et Dominique Dupilet (conseil général du Pas-de- Calais) ont souhaité le 6 juin, dans un autre point presse officiel, que la reconversion de la BA profite aux deux territoires du Cambrésis et de l’Arrageois. Ils estiment, pour leur part, qu’il y avait une unité à trouver entre la base et les projets du canal Seine-Nord Europe (qui passera à 450 m de là) et de la toute proche plate-forme multimodale de Marquion.
Ils y voient, pour leur part, un ensemble dédié au transport et à la logistique où se conjuguent et se connectent les autoroutes, le canal, le rail (une ligne de fret connectée au réseau serait à réaliser), et la piste aérienne de 2 300 m de la BA. Ils préconisent, ou souhaitent, la création avant la fin de l’année d’un syndicat mixte ouvert réunissant la Région, les deux départements, les intercommunalités de l’Ouest-Cambrésis et de Marquion. Ce syndicat serait, à leurs yeux, l’interlocuteur des éventuels porteurs de projet et partenaires économiques. Ils n’oublient pas l’Etat, toujours propriétaire et occupant des lieux.
La BA pourrait, selon eux, en attendant de voir se dessiner son avenir, servir de “village de chantier” au projet de canal et de plateforme. Des services de l’armée pressentis pour investir le site des anciens docks de Cambrai pourraient s’y installer le temps que les travaux soient menés à bien.
Des inconnues. Dans ce dossier de reconversion de la BA 103, des questions restent en suspens : le rêve d’architecte que représente pour l’instant Mobilopolis est-il réaliste, faisable ? L’Etat va-t-il rétrocéder rapidement les terrains et que vat- il rester de l’existant après son départ ? En principe, dit-on, l’Etat devrait rendre gratuitement les terrains aux communes concernées (Epinoy-Sancourt, Haynecourt, Sauchy-Lestrée, Raillencourt- Sainte-Olle). Autre question : un rapprochement est-il possible entre les deux scénarios ?
Il faut bien constater que les rivalités politiques entre les instances départementales et régionales et locales ne manquent pas, et que les intercommunalités ont encore des débats à mener entre elles (cf. en encadré la position de M. Villain).
Jean-François Jayez estime que les communes riveraines directement concernées par le projet, et dont il a entamé une tournée, étaient plus intéressées qu’hostiles.