Entreprises

Quel impact sur les entreprises mosellanes aura la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ?

Le projet de loi portant sur les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a été entérinée par le Parlement. Dans ce dispositif complexe et dense figure la pérennisation de la «prime Macron», techniquement dénommée «prime de partage de valeur». Rappel de ses évolutions en la matière. Cette prime concerne-t-elle l'ensemble des quelque 40 000 entreprises de Moselle et leurs250 000 salariés ?Éléments de réponse.


La prime de partage de la valeur a été pérennisée ce début août.
La prime de partage de la valeur a été pérennisée ce début août.

20 Mds €. C’est le coût des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, à propos desquelles la représentation nationale a ferraillé ces dernières semaines. Après la navette entre Assemblée et Sénat et le passage en commission mixte paritaire, le texte a été adopté. Dans la longue liste des mesures figure celle relative à la «prime Macron», dont on rappellera la genèse, les tenants et les aboutissants. On la nommera  «prime de pouvoir d’achat» ou «prime de partage de la valeur», peu importe. Elle est née, en urgence, face à la crise des Gilets jaunes de décembre 2018.

L’évolution de la prime dans les crises

Version 2019, elle se matérialisait par un bonus de 1 000 € pour les salariés rémunérés jusqu'à 3 600 € net, l'équivalent de 3 Smic, mais uniquement dans les entreprises volontaires pour la distribuer. Initialement, la prime 2020 était moins généreuse. Sauf qu'à la fin de l'hiver 2020 survenait la pandémie de Covid-19. La prime se mettait au diapason de cette crise inédite : 1 000 € totalement défiscalisés pour les salariés et entreprises, cette fois avec un bonus à 2 000 € en cas d'accord d'intéressement, ainsi que pour les salariés dits de la «2e ligne». En pleines turbulences sanitaires, la date limite de versement était repoussée à la fin août 2020... puis à fin décembre 2020. En 2021, en pleine «conférence du dialogue social» le Premier ministre, Jean Castex, annonçait mi-mars remettre à l’ordre du jour «la prime Macron», avec un versement à cheval sur deux années. La «prime Macron 2022» est en effet encore en cours de distribution, depuis le 1er juin 2021. Date limite pour la verser aux salariés : le 31 mars 2022. Passé ce 31 mars, l'exonération fiscale est caduque. Les conditions étaient quasi identiques à celles de la version 2020 : 1 000 € totalement défiscalisés pour les mêmes salariés payés jusqu'à 3 Smic, sans condition. Mais aussi 2 000 €, sans condition, dans les sociétés de moins de 50 salariés, pour la «2e ligne face Covid», et en cas d'intéressement pour les plus grosses entreprises.

Des résultats contrastés

On le voit, le dispositif a suivi un chemin tortueux dans son adaptation aux crises successives apparues depuis l’hiver 2018. Quant au bilan, c’est un peu le verre à moitié vide, à moitié plein. Ses défenseurs parlent de succès, les sceptiques sont dubitatifs. L’an passé, selon les chiffres du gouvernement, 4 millions de Français l’ont touchée - sur 25 millions de salariés en France - pour un montant moyen de 506 €. Tout de même loin des 1 000 € possibles. Ils étaient 5 millions de bénéficiaires en 2020 pour une moyenne de 590 € et 5 millions en 2019 pour 401 €, première année de son application. En cet été 2022, la prime, à discrétion de l'employeur, défiscalisée et exonérée de charges patronales, se voit donc renforcer dans la future loi sur le pouvoir d’achat. Pour les petites entreprises, aux marges de manœuvre réduites, le dispositif est jugé intéressant. Si pour l'heure, seulement 1 TPE sur 5 y participe, en revanche, c’est au sein de cette économie locale et de proximité que le versement moyen est le plus élevé (540 €).

Pour l’ensemble du secteur privé

Après un débat autour de la portée de la mesure - le Sénat voulait la limiter aux seules entreprises de moins 50 salariés-, les parlementaires réunis en commission mixte paritaire ont acté la pérennisation de cette prime pour l’ensemble du secteur privé à compter de 2024. Dans le détail, la somme pourra être versée par une entreprise à un salarié payé en dessous de 3 Smic pour un montant de 3 000 à 6 000 € (selon qu’un accord d’intéressement a également été conclu ou non). La prime sera exonérée d’impôt sur le revenu, de cotisations salariales et patronales jusqu’au 31 décembre 2023. Versée à un salarié gagnant plus de 3 Smic, la prime sera uniquement exonérée de cotisations salariales. À compter du 1er janvier 2024, elle sera ouverte à tous les salariés dans des conditions identiques avec une exonération de cotisations sociales. La modification du Sénat visant à limiter le fractionnement de la prime à quatre versements pour éviter qu’elle ne remplace les augmentations de salaire a été approuvée dans la version finale du texte. Entre sa mise en place progressive en 2019 et aujourd’hui, la donne a bien changé. L’inflation qui pourrait atteindre 8 % en fin d’année, du jamais vu depuis plus de quatre décennies, pourrait la rendre moins «cosmétique», à l’heure où les budgets des salariés sont directement impactés par la flambée des prix et que les trésoreries des entreprises ne sont pas extensibles, évoluant par les temps présents à flux tendu.

Des questions en suspens

Dès lors, les questions se posent. Les capacités des TPE seront-elles suffisantes pour assumer le triplement du plafond de versement ? Son mode de modulation dans l’entreprise dépendant de la rémunération du salarié, de son niveau de classification, de sa durée de présence effective, sa durée de travail ne ressemble-t-il pas trop à un intéressement ou à la participation ? Et si elle est bien sûr toujours bienvenue pour le salarié, a-t-elle cette vocation à durer ? Enfin, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, le Code du travail stipule «que l’épargne salariale ne peut se substituer à la rémunération, prime incluse». Quand on sait que le montant moyen de la prime est de 506 € et que l’intéressement est de 1 909 € en moyenne. Fiscalement parlant, les chefs d’entreprise doivent-ils privilégier cette prime de partage de la valeur à un dispositif d’épargne salariale ? Si la première citée à cet avantage de la simplicité, par contre, fiscalement, avec un forfait social à zéro pour les TPE et PME (jusqu’à 250 salariés pour l’intéressement, jusqu’à 50 salariés pour la participation, les dispositifs existants présentent des avantages certains.

Éphémère ou durable ?

En somme, on aurait tort de prendre la prime comme un alpha et un oméga, au cœur de la crise économique actuelle. Elle sera un levier, parmi d'autres, pour traverser ces temps incertains. Quant à son impact dans les mois à venir, il dépend de beaucoup de paramètres. Les incertitudes sont tellement grandes que toutes les prévisions peuvent être remises en question rapidement. «Gouverner, c’est prévoir», certes. Mais la maxime la plus opportune actuellement serait davantage, «s’adapter au jour le jour». On a tendance à dire qu'"il y a du provisoire qui dure". Sans lire dans le marre de café, on peut cependant penser que cette prime est là à un instant donné, pour répondre à une urgence. Un retour à la normalité - quand ? - scellera logiquement son sort. D'ailleurs, le discours général axé sur le «quoi qu'il en coûte» s'est mué en «combien ça coûte ?»...