Que d’émotions à venir !
La dernière fois, je vous avais laissé sur la série de réunions que je vous suggérais de conduire pour informer vos équipes d’un changement à venir. Une fois ces réunions menées, la deuxième phase de gestion du changement débute. Cette phase sera plus délicate à appréhender. En effet, autant vous garderez le contrôle sur la première puisque vous resterez maître du contenu des réunions et de leur calendrier, autant vous le perdrez ensuite : Parce que vous ne savez ni quand ni comment chacun réagira. Et à c’est à ce moment que l’on se retrouve face au fonctionnement apparemment imprévisible de l’être humain.
Apparemment seulement car heureusement, plusieurs recherches ont montré que face à un changement majeur, l’homme va traverser cinq phases clairement identifiables. Les connaître et surtout savoir quoi faire pour chacune d’elle vous permettra d’être plus serein et plus efficace dans l’accompagnement au changement de votre équipe. Vous pourrez ainsi rester patient et compréhensif par rapport aux attitudes forcément dérangeantes que certains de vos collaborateurs adopteront. Ceux qui ont eu la douleur de vivre un deuil se rappelleront sans doute qu’ils ont également traversé ces étapes. Et c’est vrai que pour chaque changement que nous sommes amenés à vivre, nous avons presqu’à chaque fois à faire le deuil de quelque chose ou de quelqu’un : le confort d’habiter proche de son lieu de travail dans le cas du déménagement de son entreprise ou le plaisir de travailler avec certains collègues dans le cas d’un départ à la retraite.
C’est pas possible, pas moi !
C’est en entendant une phrase de ce style que vous saurez que votre interlocuteur vient d’entrer dans la 1ère phase. Cette phase, c’est la phase du déni, du refus. A ce stade, la personne n’est pas en train de résister au changement, car cela voudrait dire qu’elle a entamé un processus de réflexion et d’assimilation «rationnel» de l’information. Non ! Pour l’instant, c’est uniquement la partie émotionnelle qui prend le dessus. Et plus l’intensité du choc émotionnel sera important, plus ce déni sera profond. Certains vont croire à une blague, d’autres vont se dire que ça ne les concerne pas et d’autres enfin vont «zapper» votre annonce. Ils ne vont pas «l’imprimer» en eux et vont réellement nier sa réalité. Pour vous en convaincre, pensez aux phrases (presque) anodines qui sont passées dans le langage courant et que nous prononçons dans ces caslà : Non pas possible, c’est pas vrai, j’y crois pas… A ce moment-là, il est très important que la personne prenne conscience de la réalité du changement. Puis, tout de suite derrière, qu’elle accueille les émotions qu’il provoque en elle. Enfin, elle doit se donner le droit de vivre ces émotions sans se culpabiliser et surtout sans vouloir les refouler ou les nier. Et puisque nous en sommes à parler des émotions, laissez-moi en profiter pour faire une petite digression à leur sujet. Depuis quelques années, le monde de l’entreprise découvre les émotions. Malheureusement, pas d’une façon très glorieuse puisque nous entendons surtout parler de mal-être, de harcèlement moral voir même de suicide au travail. Or nous avons tous en nous ce que j’appelle une compétence émotionnelle. C’est-à-dire qu’au lieu de subir nos émotions et de nous laisser submerger par elles, il est possible au contraire de les utiliser pour être plus efficace. D’où cette notion de «compétence émotionnelle» qui peut être développée. Et je vous dirai comment faire après cette série d’articles sur l’accompagnement au changement. Mais d’ores et déjà, retenez que tout commence par la reconnaissance puis l’acceptation de l’émotion que l’on est en train de vivre.
Comportement à suivre
Comment vous comporter avec des personnes qui se trouvent dans cette 1ère phase ? Tout d’abord, annoncer le changement le plus tôt possible. Car la personne a avant tout besoin de temps pour digérer cette phase. Comme je l’ai dit plus haut, prendre conscience de la réalité de l’annonce et de son caractère souvent inéluctable, puis accueillir ses émotions, cela prend un peu de temps. Si au lieu de laisser du temps pour ce processus, vous exigez de votre équipe qu’elle mette immédiatement en oeuvre le changement après que vous l’ayez annoncé, vous courez au devant de belles déconvenues… En second lieu, ménagez des temps d’expression au cours desquels les personnes partageront leurs émotions avec les autres. Cela leur montrera ainsi qu’ils ne sont pas seuls à ressentir ce qu’ils ressentent et donc à accueillir ces émotions sans en avoir honte ou peur. Ces temps d’expression peuvent être organisés au cours des réunions de service ou d’équipe ou, à l’extrême si le changement est vraiment important, au cours de permanences tenues par des spécialistes du soutien psychologique. Si vous accompagnez correctement vos collaborateurs dans cette 1ère phase du déni, ils entreront alors dans la 2nde phase. Je ne vous en dis pas plus pour le moment, histoire justement, de préserver encore un peu votre système émotionnel. Mais attendez-vous à du gratiné ! D’ici là, prenez bien soin de vous … et de votre équipe !