Quand l’agriculture locale produit de l’énergie
En première ligne pour mesurer l’impact des changements climatiques et l’importance d’une transition énergétique, les agriculteurs s’engagent dans cette voie. Coopératives agricoles, Dijon Céréales et Alliance BFC multiplient les expérimentations pour cultiver autrement tout en préservant les ressources alimentaires et en assurant un revenu complémentaire à leurs adhérents.
Méthanisation collective ou micro-méthanisation, agrivoltaïsme … Dijon Céréales, avec Alliance BFC qui réunit les trois coopératives agricoles de Bourgogne-Franche-Comté, s’engage sur plusieurs chemins pour concilier agriculture, transition écologique et énergétique. « Le contexte agricole est instable avec un besoin de se diversifier tant à cause de la volatilité des prix que des changements climatiques. Il faut donc envisager d’autres schémas de production » explique Laurent Druot, chargé de développement des énergies renouvelables chez Dijon Céréales. Il est ainsi convaincu que l’agriculture a son rôle jouer avec la production de gaz vert par exemple. Pour autant, la production alimentaire ne doit pas diminuer face aux différents débouchés qui s’ouvrent, au risque de mettre en péril l’indépendance alimentaire.
Du champ à l’usine
Les usines de méthanisation se déploient partout sur le territoire avec la promesse d’un gaz plus responsable tout en offrant un débouché aux effluents d’élevage ou aux cultures intermédiaires, qui protègent les sols, entre deux cultures principales, mais ne sont pas valorisés directement aujourd’hui. A côté de la micro-méthanisation adaptée à la taille d’une exploitation, Dijon Céréales et Alliance BFC lancent un projet d’envergure dans le Châtillonnais en Côte-d’Or : Sécalia. Cette unité réunira 150 exploitants. « Ce projet va créer dix emplois directs et sans doute une cinquantaine d’indirects. Il produira le gaz nécessaire pour chauffer 25 000 foyers et économisera le dioxyde de carbone équivalent à 17 000 véhicules. »
L’unité, d’un coût de plusieurs dizaines de millions d’euros, devrait être opérationnelle en fin d’année 2023. Ce méthaniseur vise à garantir une lisibilité financière aux exploitants. Ces derniers valoriseront ainsi un seigle fourrager, une culture intermédiaire à vocation énergétique, dont ils ne tirent aucun profit actuellement. En mai 2023, 4 000 hectares devraient s’inscrire dans un nouveau système de rotation triennale pour alimenter la future usine.
Réduire les intempéries
Une autre piste pour concilier agriculture et transition énergétique passe par l’agrivoltaïsme. Il s’agit d’installer des panneaux photovoltaïques au-dessus des cultures agricoles afin de favoriser la production et de protéger des aléas climatiques. « Nous faisons des tests avec des panneaux solaires en haie ou en ombrière, chacun sur trois hectares, et nous comparons à une surface similaire voisine, sans panneaux, pour mesurer les impacts et différences » détaille Pierre Détain, ingénieur agronome des nouvelles énergies.
Les installations, mais surtout les récoltes associées, sont observées et étudiées à la loupe pour une durée de neuf ans. « Nous avons déjà des résultats positifs tant sur les rendements que la qualité. Les panneaux participent de la réduction du stress hydrique et thermique, protège du gel et de la grêle. C’est aussi positif pour le bien-être animal. » Les baux, de 40 ans, passés avec des exploitants tels que Total Energies ou TSE, viennent en complémentarité du rendement agricole tandis qu’un hectare exploité en agrivoltaïsme produit l’équivalent de la consommation électrique de plus de 300 personnes.
Pour Aletheia Press, Nadège Hubert