Promouvoir l’emploi qualifié, l’enjeu de demain
Trois fédérations professionnelles, de la banque, de l’assurance et Syntec, se sont associées pour débattre de la question de l’emploi qualifié et formuler six propositions au sein d’un livre blanc commun intitulé «Promouvoir l’emploi qualifié - un enjeu stratégique pour la France».
Six
propositions pour faire de l’emploi qualifié un véritable atout
stratégique pour la France et répondre à ses enjeux. C’est ce
qu’ont formulé main dans la main la Fédération bancaire
française (FBF), la Fédération Syntec
(organisation représentative de la branche professionnelle
des bureaux d’études) et France Assureurs (Fédération française
de l’assurance). Objectifs, renforcer les compétences,
rééquilibrer les territoires et créer un choc de confiance social
et fiscal. «Nous voulons alerter sur l’enjeu essentiel que
représente l’emploi qualifié pour l’avenir de notre économie
et de nos territoires», a présenté Florence
Lustman, présidente de France Assureurs.
Quatorze
changements d’emploi, en moyenne
Les premières propositions s’articulent autour de l’adaptation des compétences via la formation et l’apprentissage : «rendre plus efficients le fonctionnement et le financement de la formation professionnelle» ; «mieux former les emplois qualifiés de demain par le développement de l’apprentissage» ; «renforcer la présence et les compétences des femmes dans les filières scientifiques et techniques», via notamment des objectifs de mixité, le développement de réseaux de mentoring et des états généraux sur les femmes et les sciences. Laurent Giovachini, président de la Fédération Syntec, regrette que les écoles d’ingénieurs ne comptent ainsi que 30% de femmes et les filières numériques seulement 20%.
Et enfin, «mieux accompagner les transitions et les reconversions des emplois qualifiés». Ce dernier enjeu de la transition professionnelle est d’autant plus important du fait de la plus grande fragmentation des carrières aujourd’hui. Pôle Emploi estime ainsi que «les jeunes actifs vont changer d’emploi environ 14 fois au cours de leur carrière», note Florence Lustman. La présidente de France Assureurs souhaite que le dispositif de projet de transition professionnelle (PTP), qui a remplacé le Congé individuel de formation (CIF), favorise davantage des projets de formation vers des métiers émergents ou à forte perspective d’emploi.
Les
trois fédérations souhaitent également rééquilibrer les zones
d’emploi et «attirer et accueillir les entreprises à forte
concentration d’emplois qualifiés dans de nouveaux territoires».
Dernière proposition, la création d’un «choc de confiance»
social et fiscal, garantissant une stabilité des prélèvements
sociaux et fiscaux pour les salariés qualifiés et leurs employeurs.
«Avec la même somme, un employeur allemand peut embaucher trois
ingénieurs quand un employeur français ne pourra en embaucher que
deux», compare Laurent Giovachini. Constatant le choix opéré
pour préserver les emplois peu qualifiés dans le pays, via
notamment le système de baisse de charges, les fédérations
appellent à «un rééquilibrage en faveur de l’emploi qualifié
pour ne pas courir le risque de délocalisation».
Vers
un meilleur équilibre des territoires
Les enjeux pour maintenir l’emploi qualifié sont nombreux, avec, au premier rang, la formation. Constatant que le décalage entre les formations disponibles et les compétences requises se creuse, l’objectif est de faire correspondre l’offre de formation initiale avec les besoins réels des entreprises et de renforcer l’insertion et la cohésion sociale. Deuxième défi, un enjeu territorial pour ouvrir de nouvelles possibilités aux territoires et aux villes moyennes, tout en répondant aux aspirations à un cadre de vie différent de la part d’une partie des salariés.
Pour l’heure, les experts constatent que l’emploi qualifié demeure concentré dans les grandes métropoles, principalement en Île-de-France. «A la faveur des évolutions technologiques récentes et de la crise du covid qui a modifié les comportements, c’est l’occasion d’inverser la vapeur et de réinvestir et revitaliser les villes moyennes, le Graal étant aujourd’hui de s’installer dans un autre environnement» et de délaisser les grandes métropoles, constate Laurent Giovachini.
Enfin,
les fédérations alertent sur le fait que l’industrie de la
connaissance que forment les emplois qualifiés pourrait davantage
être sollicitée dans les différents plans de relance, de
transformation et de création d’emplois. «C’est un fleuron
pour la France, mais un fleuron méconnu. Pourtant impliquées dans
l’ensemble des défis politiques et économiques à relever, comme
la transition écologique, numérique, la redynamisation des
territoires ou, bien sûr, la souveraineté numérique, nos
compétences ne sont pas assez mises à contribution», déplore
ainsi le président de la Fédération Syntec.
Un
actif sur cinq est cadre
Toutes les mesures présentées ont pour vocation de soutenir la bonne dynamique de l’emploi qualifié, garant à la fois de croissance économique et de cohésion sociale. Bruno Mettling, président fondateur du cabinet de conseil Topics, spécialisé dans la transformation numérique et sociale, constate ainsi une «corrélation étroite entre l’intensité de l’emploi qualifié sur un territoire et la création de richesses». Autre constat, le rôle joué par les cadres dans la cohésion sociale du pays, ces derniers contribuant pour une large part au système social français, et l’emploi qualifié constituant un rouage essentiel de l’ascenseur social. Ce que confirme Maya Atig, directrice générale de la FBF : «Nos cadres sont une force pour les entreprises, notamment face aux transitions qu'elles engagent ; ils sont, en outre, la preuve que l’ascenseur social fonctionne».
Du fait de la place grandissante prise par les cadres ces dernières années, Bruno Mettling évoque «la révolution silencieuse du marché du travail dont l’emploi qualifié est à l’origine». Ainsi, alors qu’ils étaient 2,4 millions en 1990, soit un actif sur dix, ils étaient en 2005 deux fois plus nombreux : 5,2 millions, soit un actif sur cinq. Et «La France compte plus de cadres que d’ouvriers» signale-t-il. En outre, si en 1985 moins d’un tiers des cadres étaient titulaires d’un bac+5, ils sont plus de 55% aujourd’hui. «Les cadres sont une chance pour notre pays : nous devons collectivement en faire une priorité», conclut Florence Lustman.