Projet de loi numérique: débats houleux en vue sur l'anonymat sur internet
Contre l'avis du gouvernement, la majorité revient à l'offensive pour lutter contre l'anonymat sur les réseaux sociaux, un sujet qui rencontre un fort écho dans l'opinion, mais risque de cliver l'Assemblée, entre partisans d'une meilleure régulation de l'espace numérique...
Contre l'avis du gouvernement, la majorité revient à l'offensive pour lutter contre l'anonymat sur les réseaux sociaux, un sujet qui rencontre un fort écho dans l'opinion, mais risque de cliver l'Assemblée, entre partisans d'une meilleure régulation de l'espace numérique, et défenseurs d'un Internet libre ou "libertaire".
Rapporteur général du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), qui arrive en première lecture à l'Assemblée mercredi, le député Renaissance Paul Midy est en pointe sur le sujet.
"On passe en moyenne deux heures dans l’espace numérique par jour, plus que dans l’espace public. Pour nos jeunes de 15-24 ans c’est même 4 heures en moyenne par jour (...) Il faut qu’on y mette de l’ordre et qu’on y assure la sécurité à nos concitoyens", dit-il à l'AFP.
Cyberharcèlement, arnaques sur internet, propos haineux, accessibilité des sites pornographiques aux mineurs... autant de fléaux auxquelles le projet de loi SREN tente d'apporter une réponse, en prenant notamment appui sur deux règlements européens, le DSA (Digital Services Act) et le DMA (Digital Markets Act).
Paul Midy souhaite aller plus loin, en limitant "le sentiment d'anonymat" sur les réseaux sociaux, qui favorise selon lui un "sentiment d'impunité".
Il imagine une "fusée" à trois étages: premier étage, la généralisation de l'affectation à chacun d'une "identité numérique" - telle que la propose déjà une entreprise comme La Poste.
Ensuite, l'obligation pour les réseaux sociaux de proposer aux utilisateurs un service de certification de compte, à partir du 1er janvier 2025. Enfin l'obligation pour "toute création de nouveau compte par un utilisateur" de respecter "une procédure de certification" de son identité numérique, à partir du 1er janvier 2027.
Une "ligne rouge" pour le PS
M. Midy a déposé des amendements en ce sens en début de semaine dernière, qu'il a finalement retirés face à l'opposition exprimée par de nombreux députés et surtout par le gouvernement lors de l'examen du texte en commission.
Le ministre délégué chargé du numérique Jean-Noël Barrot avait approuvé l'idée que les réseaux sociaux soient encouragés "à l'avenir" à proposer à leurs utilisateurs de déposer une preuve d'identité, afin que ceux-ci puissent choisir de ne communiquer qu'avec d'autres utilisateurs certifiés.
Mais il avait souligné que ces amendements risquaient d'"empiéter sur les compromis européens au moment de l'adoption du DSA", le règlement sur les services numériques qui donne de nouvelles obligations aux plateformes, voire d'être inconstitutionnels et de susciter la défiance du public.
Interrogé par l'AFP lundi, le cabinet du ministre a répondu que le gouvernement s'opposerait de nouveau à ces amendements, "pour les mêmes raisons que la dernière fois".
M. Midy a redéposé ces amendements samedi, avec cette fois-ci l'approbation d'une large partie de la majorité. "La différence, c'est qu'il y a quelques jours je portais ces amendements seul avec quelques collègues, là on est quasiment 200 députés à les proposer pour le débat en séance (...) On verra si on arrive collectivement à convaincre", a-t-il dit à l'AFP.
Les débats risquent en tout cas d'être vifs dans l'hémicycle. Le député PS Hervé Saulignac juge "complètement dingue" l'amendement obligeant les utilisateurs des réseaux sociaux à faire reconnaître leur identité numérique. Ce sera une "ligne rouge" pour le PS: "si jamais c'est adopté on ne vote pas le texte", assure-t-il.
Si LR discute encore de sa position, le RN est lui aussi très hostile, le député Aurélien Lopez-Liguori dénonçant une "logique liberticide". En commission, la députée LFI Ségolène Amiot avait pointé moins un "problème d'anonymat" qu'un "problème de répression", avec des moyens trop faibles pour la justice.
Même au sein de la majorité des voix divergentes s'élèvent, comme celle du député MoDem Philippe Latombe pour qui M. Midy "cherche à exister médiatiquement", avec des propositions "juridiquement pas fondées".
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