Procès‑verbaux des conseils d’administration : les bons réflexes
Si, pour Leibniz, “nous sommes automates dans les trois quarts de nos actions”, dans le monde de l’entreprise, il peut être utile de rappeler certains réflexes propres à des opérations courantes telles que la rédaction, la tenue et le formalisme des procès‑verbaux.
Il est nécessaire de formaliser les décisions des organes de direction dans des procès verbaux. Le Code de commerce rappelle notamment que le défaut d’établissement du procès-verbal des décisions du conseil d’administration des sociétés anonymes (SA) est sanctionné par la nullité des délibérations du conseil (art. 235-14). Le procès-verbal des délibérations des organes des SA constitue le fondement et la légitimité à l’action de ses représentants.
Mentions impératives et signatures.
Tout d’abord, le procès-verbal de chaque séance du conseil d’administration doit indiquer le nom des administrateurs, membres du conseil de surveillance ou membres du directoire, présents, excusés ou absents, ainsi que celui des membres représentés. Cette mention est plus que nécessaire en cas de contestation du quorum et du calcul des majorités. Le procès-verbal doit, en outre, faire état de la présence, et à tout le moins, de la convocation de certains organes dont la convocation serait requise en vertu des dispositions légales. Ainsi, en est-il de la représentation des délégués du comité d’entreprise ou des commissaires aux comptes, si la réunion porte sur l’arrêté des comptes annuels. Le procès-verbal doit être signé par le président de séance et au moins un administrateur (art. R 225-23 alinéa 2 du Code de commerce). A défaut de signature par le président de séance, il devra être signé par deux administrateurs au moins.
L’impact des nouvelles technologies.
Les différentes évolutions techniques et technologiques ont permis de procéder notamment par visioconférences ou téléconférences pour l’organisation des conseils. Le procès-verbal devra alors indiquer le nom des administrateurs, des membres du conseil de surveillance ou membres du directoire ayant participé à la réunion grâce à ce procédé, et le cas échéant, faire état de toute incident technique relatif à ce système de communication.
Les faits et opérations à mentionner.
Au-delà des stipulations impératives, conformément à l’article R 225-23 alinéa 1er du Code de commerce, les procès-verbaux doivent contenir un résumé des débats. Ils doivent préciser avec exactitude l’étendue des résolutions et décisions qui seraient prises et mises aux voix ainsi que le résultat des votes. Aucun formalisme particulier n’est requis par le législateur au titre de la rédaction. Une synthèse sous forme de bullet points ou des minutes peuvent ainsi convenir, sous réserve que les décisions retranscrites le soient de manière suffisamment claire et précise. Ce, afin notamment d’éviter toutes contestations concernant l’étendue et la validité des décisions qui auraient pu être prises à l’occasion des réunions des organes de direction.
La justification des travaux des membres du conseil.
Le procès-verbal permettra de justifier de l’implication et du niveau d’information des différents membres des organes de direction de la société.
A l’heure où est souvent recherchée la responsabilité, notamment des investisseurs ou des actionnaires, non opérationnels représentés au sein des organes de direction, il convient de s’assurer que ces derniers ont eu, tout ou partie, des informations nécessaires à éclairer la prise de décision.
Par ailleurs, il pourra être fait mention des éventuelles interrogations, réserves que ces derniers auraient pu émettre afin notamment de limiter, le cas échéant, leur responsabilité en cas de faute de gestion.
L’administrateur qui refuserait de s’associer à une décision agira prudemment en exigeant que son opposition ou son abstention figure au procès-verbal de la réunion afin de dégager sa responsabilité.
L’anglais, langue de travail et de rédaction.
Compte tenu de l’internationalisation du monde des affaires, il est plus que courant qu’interviennent au sein des organes de direction des sociétés, des personnes ne maîtrisant pas la langue française.
Afin de s’assurer que ces derniers auront correctement compris les décisions prises et retranscrites au procès-verbal, la pratique a admis que des procès-verbaux soient notamment rédigés en anglais. Néanmoins, il est plus que nécessaire de rappeler que dans l’hypothèse où ceux-ci devraient être communiqués à des tiers, et notamment aux greffes des tribunaux de commerce pour procéder à des formalités liées à des modifications statutaires notamment, ils devront être accompagnés d’une traduction française.
Modalités de conservation.
Les procès-verbaux doivent être établis sur un registre spécial tenu au siège social, côté et paraphé notamment par un juge du tribunal de commerce. La numérotation et le paraphe des feuilles du registre des décisions des organes délibérant empêchent toute addition, suppression, substitution ou inversion de feuille.
Le procédé consistant à coller les feuilles sur lesquelles seraient rapportées les décisions des organes délibérant, puis à les coller sur les feuilles du registre spécial, tout en y apposant les signatures du président et/ou d’un membre de l’organe délibérant n’est pas conforme aux dispositions impératives de conservation applicables en la matière1 .
Procès-verbaux des conseils des SAS.
Une grande liberté est offerte aux associés des sociétés par actions simplifiées, afin d’organiser les pouvoirs au sein de la société. Peuvent ainsi être mis en place des organes de contrôle, de surveillance, de stratégie ou de direction.
Une distinction doit être opérée entre d’une part, les organes sociaux dont les règles statutaires qui les régissent renvoient aux dispositions applicables aux conseils d’administration et, d’autre part, ceux dont les pouvoirs et l’organisation sont fixés contractuellement. Dans le premier cas, la règle applicable à la tenue de ces procès-verbaux constatant la décision de ces organes au sein de SAS devrait être strictement respectée.
Dans le second cas, soit dans l’hypothèse où ces organes de direction seraient prévus dans des actes extra-statutaires (pacte d’associés) ou les statuts, il apparaît qu’une grande liberté puisse être attachée à la constatation des décisions de ces organes.Cependant, il conviendra d’être des plus rigoureux, afin notamment d’éviter les deux écueils récurrents que sont la mise en cause de la responsabilité des membres de ces organes délibérants des SAS et le risque de contestation au titre des procédures de consultation, contrôle et/ou approbation dont ils seraient dépositaires. Ceci milite pour que, dans un souci de sécurité juridique, l’ensemble des prescriptions rappelées en matière de société anonyme soit effectivement respecté pour les SAS.
Voici quelques uns des réflexes qu’il convient de préserver et/ou d’acquérir afin de s’assurer que les procès-verbaux des conseils, qui forment le corpus des décisions structurantes de la vie de l’entreprise, puissent être dûment établis et conservés par la société.
1. Question n° 76-11, JOAN Q. 13 novembre 1969, p. 3622
Charles DELAVENNE, avocat associé
Giovanna LICATA,
avocate inscrite aux barreaux de Lille et Rome.