Procès du TGV Est: premières auditions des prévenus

"Ça va aller..." A la barre mardi du tribunal correctionnel de Paris, le cadre chargé de donner au conducteur du TGV les consignes de freinage et d'accélération, tremble comme une feuille avant même d'évoquer...

Accident d'une rame d'essais de TGV tombée la veille après son déraillement dans un canal à Eckwersheim, près de Strasbourg, le 15 novembre 2015 dans le Bas-Rhin © Frederick FLORIN
Accident d'une rame d'essais de TGV tombée la veille après son déraillement dans un canal à Eckwersheim, près de Strasbourg, le 15 novembre 2015 dans le Bas-Rhin © Frederick FLORIN

"Ça va aller..." A la barre mardi du tribunal correctionnel de Paris, le cadre chargé de donner au conducteur du TGV les consignes de freinage et d'accélération, tremble comme une feuille avant même d'évoquer la "journée cauchemardesque" du 14 novembre 2015.

Agé de 64 ans, Francis L. est le premier prévenu à être interrogé, cinq semaines après l'ouverture du procès du déraillement de la rame d'essai à hauteur d'Eckwersheim (Bas-Rhin), près de Strasbourg, causant la mort de 11 personnes.

Le cadre SNCF était présent dans la cabine du pilotage au moment de l'accident.

"Je veux exprimer aux victimes et aux familles des victimes mes plus forts regrets par rapport à ce terrible accident et cette journée cauchemardesque du 14 novembre 2015", dit-il le corps secoué par des tremblements.

Est-ce le poids d'une responsabilité mal assumée qui pèse sur ses épaules ?

Au fur et à mesure de son audition, le prévenu s'en prend à tout le monde: à Systra, la société maître d’œuvre des essais, à sa hiérarchie à la SNCF mais aussi au conducteur de la rame qui, selon Francis L., n'a "pas suivi" ses consignes de freinage.

Sur son banc, Denis T., qui doit être entendu par le tribunal jeudi, fulmine.

Interrogé au début du procès, les experts judiciaires avaient dédouané le conducteur de la rame d'essai en expliquant qu'il n'était qu'un "exécutant", "pas censé calculer les points de freinage".

Sauf vous

"Sa mission était de suivre scrupuleusement les consignes" données par le cadre de la SNCF en cabine, avait souligné un des experts.

"Au fond, tout le monde est responsable sauf vous", fait remarquer à Francis L. un avocat de parties civiles, Me Gérard Chemla.

Le procureur Nicolas Hennebelle enfonce le clou. "Votre stratégie de freinage n'offrait aucune marge de sécurité", dit-il au prévenu, croquis à l'appui. "Etait-ce réalisable ?", demande-t-il.

"Je préfère ne pas répondre", dit Francis L.

En tant que "cadre CTT" ou "cadre traction", Francis L. était "le maître à bord" de la cabine de pilotage, selon les experts judiciaires.

"J'étais l'intermédiaire" entre le chef d'essais et le conducteur, rectifie le prévenu en chemise blanche et pantalon noir.

Le chef d'essais, Freddy M., un ingénieur de la Systra qui n'était pas présent dans la cabine de pilotage, a trouvé la mort dans l'accident.

Comme l'ont rappelé plusieurs témoins à l'audience, Freddy M. était "la plus haute autorité à bord".

Il était le seul à donner le feu vert aux essais ou à ordonner leur arrêt. Il était également la seule personne autorisée pendant l'essai à communiquer avec l'équipe de conduite, en l'occurrence Francis L.

Personne ne vous suit

Au cours de "la marche d'essai" du 14 novembre, Freddy M. se trouvait dans l'avant-dernière voiture de la rame, la "voiture-laboratoire", où 7 des 18 passagers, essentiellement des techniciens de la SNCF et de Systra, ont trouvé la mort.

Trois jours avant l'accident mortel du 14 novembre, un "presque accident" s'était produit sur le même tronçon en raison d'une vitesse excessive. Francis L. était déjà le "cadre CTT" en cabine.

Le cadre avait fait part à sa hiérarchie de l'incident mais il n'y avait pas eu de suite.

"Ça me faisait peur. J'ai été voir dans le +laboratoire+ en disant que c'était raide. On m'a dit que ça passait bien, qu'il n'y avait pas de problème", a-t-il rappelé.

"C'est comme si on disait à un automobiliste que là où il roule, le code de la route ne s'applique pas", insiste-t-il en mettant en cause l'omnipotence de Systra dans la marche des essais. "Ils sont chez eux, ils font ce qu'ils veulent".

Le prévenu n'est pas tendre non plus pour sa hiérarchie. "Vous réclamez, vous n'obtenez jamais ce que vous demandez. Personne ne vous suit", déplore-t-il en écartant les bras.

L'interrogatoire des deux autres prévenus, personnes physiques, aura lieu jeudi et vendredi.

Les trois autres prévenus, la SNCF, SNCF-Réseau et Systra qui comparaissent en tant que personnes morales, seront entendus à partir du 22 avril.

aje/pa/dch   

       

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