Procès du meurtre du brigadier Masson: une famille de policiers, malgré tout

Au lendemain des aveux du meurtrier d'Eric Masson, la famille du policier a relaté mardi avec retenue comment "le loto du malheur" était venu les percuter, mais sans les couler ni remettre en question...

Des policiers rendent hommage à leur collègue Eric Masson, tué à Avignon, le 9 mai 2021 à Avignon © Nicolas TUCAT
Des policiers rendent hommage à leur collègue Eric Masson, tué à Avignon, le 9 mai 2021 à Avignon © Nicolas TUCAT

Au lendemain des aveux du meurtrier d'Eric Masson, la famille du policier a relaté mardi avec retenue comment "le loto du malheur" était venu les percuter, mais sans les couler ni remettre en question leur vocation de gardien de la paix.

Marc Masson, le père, 66 ans, retraité de la police nationale, déplie un bout de papier et commence par remercier "les citoyens qui ont participé aux hommages", la police judiciaire pour "son travail minutieux", et même la presse pour avoir respecté leur "réserve".

Depuis l'ouverture des débats, il y a dix jours, les parties civiles gardaient pour elles leurs émotions, laissant la place au procès et au jugement des trois accusés.

Tout juste mardi matin Marc Masson s'est-il permis de commenter les déclarations d'Ilias Akoudad qui a reconnu lundi, après presque trois ans de dénégations, avoir tiré sur son fils, tout en affirmant qu'il ne savait pas qu'il était policier. 

"Son arrogance m'a fait sortir" de la salle d'audience la veille. "Qu'on m'épargne les faux regrets", a-t-il ajouté à l'attention de celui "qui baisse la tête là-bas".

Ce 5 mai 2021, la vie de la famille a basculé. 

En voyant des appels inhabituels sur leurs téléphones, le père d'Eric Masson et la soeur de celui-ci, Fanny, comprennent qu'il s'est passé quelque chose.

En fin d'après-midi, quand Thierry, l'ancien chef de l'unité d'Eric Masson, s'apprête à sonner chez la compagne de son collègue, pour lui annoncer le drame, les deux fillettes du policier sont en train de se brosser les dents. Elles attendaient "papa pour le bisou du soir", raconte Emilie, 37 ans, leur maman.

Marc Masson veut voir son fils. Il arrive au commissariat. Il y a déjà le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et "une ambiance de plomb". Mais il a pu embrasser Eric une dernière fois.

Quitte la police !

A 36 ans, celui-ci était l’aîné des enfants Masson. Comme sa soeur Fanny et son frère Jean-Michel, il marchait dans les pas du père. Décrit comme un homme loyal, intègre, tolérant, Eric avait commencé à Paris puis Marseille, avant de revenir dans son Vaucluse natal où il avait intégré un groupe d'interventions. Il venait de réussir des tests pour être formateur ce qui l'aurait éloigné du terrain.

"Quitte la police !": lance Emilie à sa belle-soeur, juste après le décès.

"J'ai beaucoup hésité à arrêter", raconte Fanny, longue chevelure noire, à la barre. A l'époque, elle est à la "brigade des stups" de Créteil et enceinte de trois mois. Elle s'arrêtera 18 mois avant de reprendre, mais pas sur la voie publique.

Son grand frère, Jean-Michel, rattaché à un service d'investigations, a lui repris le boulot tout de suite. Le soir de la mort de son frère, il venait d'apprendre que sa mutation dans le sud de la France allait être acceptée.

Depuis, toute la famille fait corps autour d'Emilie et ses filles, 5 et 7 ans à l'époque des faits. Devant la cour, cette femme au visage fin entouré d'un long carré blond témoigne des peurs et cauchemars, de la difficulté à entretenir les souvenirs, ou de ces fêtes des pères où elles portent des dessins d'enfants sur une tombe.

Elle a dû quitter son emploi d'ingénieure. Son frère et le mari de celui-ci se sont rapprochés géographiquement. "On essaie de continuer à vivre, mais le manque est quotidien, éternel", témoigne-t-elle.

"Quand on perd un enfant, on n'est rien, il n'y a pas de mot", conclut Marc Masson.

Dans le box, Ilias Akoudad regarde ses chaussures. Il sera interrogé mercredi matin. Ses deux co-accusés, jugés pour l'avoir aidé dans sa fuite, ont eux été entendus dès mardi après-midi.

Ayoub Abdi, interpellé en compagnie d'Ilias Akoudad sur la route de l'Espagne, a expliqué à la cour d'assises de Vaucluse qu'il voulait juste "prendre du recul", assurant ne pas avoir "cherché à l'aider, à fuir la justice". Ismaël Boujti, soupçonné de les avoir logés, a juré qu'il ne savait pas que ses deux camarades étaient liés à la mort d'Eric Masson: "je suis pas assez bête pour rester avec eux s'ils ont tué un policier".  

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