Procès des viols de Mazan: des avocats évoquent un risque "d'erreur judiciaire"

Les avocats de cinq accusés au procès des viols de Mazan ont mis en garde la cour criminelle de Vaucluse contre le risque "d'erreur judiciaire", l'appelant vendredi à ne pas suivre les réquisitions "déconnectées"...

Gisèle Pelicot à la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, le 4 décembre 2024 © Christophe SIMON
Gisèle Pelicot à la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, le 4 décembre 2024 © Christophe SIMON

Les avocats de cinq accusés au procès des viols de Mazan ont mis en garde la cour criminelle de Vaucluse contre le risque "d'erreur judiciaire", l'appelant vendredi à ne pas suivre les réquisitions "déconnectées" du parquet, pour qui "tous sont coupables".

Vingtième avocat à s'exprimer depuis le début des plaidoiries, Me Roland Marmillot a souligné que le ministère public avait requis près de "sept siècles de réclusion" criminelle au total pour la cinquantaine d'hommes accusés de viols ou tentatives de viols sur Gisèle Pelicot, préalablement sédatée par son ex-mari, Dominique Pelicot.

"A trop vouloir embrasser, vous acceptez d'embrasser l'erreur judiciaire en estimant que tous sont coupables", a lancé Me Marmillot aux deux avocats généraux, qui n'ont requis aucun acquittement dans leur réquisitoire fin novembre.

"Or, je ne trouve en rien une volonté de commettre un crime", ni chez Didier S., 68 ans, qui s'est rendu une fois au domicile des Pelicot à Mazan (Vaucluse) et contre qui le parquet a requis 10 années de réclusion, ni chez Mohamed R., 70 ans, venu une fois sur leur lieu de vacances sur l'île de Ré (Charente-Maritime), contre qui 17 ans ont été requis, a-t-il ajouté à l'intention de la cour.

"En réalité, ils cherchaient l'aventure, celle d'un soir et, dans le cas de Didier S., une aventure homosexuelle", a plaidé Me Marmillot, soulignant qu'en droit pénal une infraction n'est pas constituée sans la "clairvoyance et l'intelligence nécessaire pour évaluer la situation et prendre une décision".

Comme bon nombre d'avocats de la défense, Me Marmillot a fait porter la responsabilité des faits sur Dominique Pelicot, 72 ans, qui a reconnu avoir recruté ces dizaines hommes sur internet et contre qui la peine maximale de 20 années de réclusion a été requise.

Effondrement moral" du parquet

Dominique Pelicot "entend parachever son oeuvre", a dénoncé Me Marmillot: "Des accusés qui emportent avec eux 50 personnes dans le même trou, c'est rare".

L'avocat a plaidé l'acquittement pour Didier S., estimant que son client, accusé de viols pour avoir "mis Dominique Pelicot dans une position favorable pour violer sa femme" en lui prodiguant une fellation, n'aurait en fait "commis que des attouchements". 

Quant à Mohamed R., actuellement traité par chimiothérapie pour deux cancers, "il n'a pas compris ce qui se jouait devant lui", assure l'avocat, plaidant là encore l'acquittement à titre principal et, à titre subsidiaire, qu'il "ne croupisse pas dans les geôles de la République" s'il était condamné.

Même demande d'acquittement et même charge à l'encontre du parquet de la part de Me Rami Chahine et Louis Rousseau, pour Karim S., informaticien de 40 ans qui avait expliqué à l'audience avoir été convaincu que Dominique et Gisèle Pelicot "étaient complices dans une sorte de jeu".

Karim S. "doit être acquitté car il n'était au courant de rien", a plaidé Me Rousseau, alors que l'accusation a requis 14 années de réclusion à son encontre.

Me Yannick Prat, conseil de Simone M., 43 ans, contre qui le parquet a requis 10 ans, a ensuite dénoncé "l'effondrement moral" du ministère public qui, dans un réquisitoire "déconnecté des peines habituelles, multipliées par deux ou trois", n'a "jamais imaginé qu'un des accusés ait pu être manipulé ou berné": "Je vous en supplie, ne vous effondrez pas à votre tour, ne cédez pas à la pression populaire. Je crois en son innocence sans le moindre doute et vous l'acquitterez", a insisté l'avocat.

Généralement impassible dans le box des accusés, Dominique Pelicot est subitement sorti de ses gonds lorsque Me Prat a rappelé que son propre frère, Joël Pelicot, avait remis en cause le récit d'un viol dont aurait été victime son cadet à l'âge de neuf ans: "C'est une honte de dire ça ! Mon frère a menti et il le sait", a lancé l'accusé principal, pointant du doigt l'avocat.

Cyprien C., 44 ans, contre qui 13 ans ont été requis, "avait-il les armes pour décrypter ce qui se passait ce jour-là ?", a poursuivi son avocate, Me Magali Sabatier, dans la même veine. "Non", a-t-elle répondu.

"Je vous demanderai, au regard de l'absence d'intention, d'acquitter Cyprien C. Et si au grand jamais vous deviez le considérer coupable, de vous demander s'il ne peut pas être considéré comme atteint d'un trouble du discernement", et donc de "réduire la peine", a conclu Me Sabatier.

Les plaidoiries doivent s'achever le 13 décembre, le verdict est attendu le 20 décembre au plus tard.

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