Procès de Trèbes: les gendarmes relatent l'intervention hors "protocole" d'Arnaud Beltrame
Au procès des attentats de Trèbes et Carcassonne en mars 2018, les gendarmes intervenus au Super U ont semblé marcher sur des oeufs pour raconter l'initiative "pas du tout dans les procédures" du colonel Arnaud Beltrame, qui s'est substitué...
Au procès des attentats de Trèbes et Carcassonne en mars 2018, les gendarmes intervenus au Super U ont semblé marcher sur des oeufs pour raconter l'initiative "pas du tout dans les procédures" du colonel Arnaud Beltrame, qui s'est substitué à une otage au prix de sa vie.
Le major Garcia fait un salut militaire à la cour d'assises spéciale de Paris, pose son képi sur le pupitre. Ce 23 mars 2018 il dirigeait la première unité à intervenir au supermarché de Trèbes.
De l'extérieur, ils avaient aperçu les victimes au sol au niveau des caisses, perçu qu'un homme se servant d'une femme "comme d'un bouclier" criait Allah Alkbar.
Ils entrent, entendent un bruit derrière eux. C'est Arnaud Beltrame qui les a rejoints.
Le lieutenant-colonel (plus gradé) n'est pas équipé, contrairement à eux: "Je lui demande de rester derrière les rayons de façon à se protéger, et de ne pas intervenir", raconte le militaire à la barre.
Le major ne le dit pas, mais on comprend qu'Arnaud Beltrame ne lui obéit pas. Et quand l'unité se retrouve face à Radouane Lakdim, qui a déjà tué trois personnes et a un pistolet braqué sur la tempe d'une hôtesse d'accueil, dit-il, le lieutenant-colonel "prend la main".
"Il décide de négocier, de s'échanger avec la caissière. Je lui réponds que non, il ne peut pas faire ça. Il me répond que si", raconte d'un ton égal le major Garcia, dont l'accusation saluera le récit "clair, professionnel, pudique".
Arnaud Beltrame pose son arme, "ne laisse pas le temps de réfléchir" à l'assaillant, "impose" l'échange. La caissière de 39 ans est évacuée.
"Vous lui aviez demandé de ne pas le faire", relève le président Laurent Raviot.
"Effectivement le fait de s'échanger n'est pas prévu par nos circulaires, c'est pas prévu par le protocole", répond le militaire.
"C'est quoi le protocole ?"
"Nous sommes relevés par des unités plus compétentes, mieux équipées et entraînées, et ils reprennent position au plus près de la zone rouge, c'est-à-dire là où il y a l'attentat".
Soldat et terroriste
L'avocat de la mère et des frères d'Arnaud Beltrame, Me Thibault de Montbrial lui tend une perche: quand "un tel individu" détient un otage, ne vaut-il pas mieux que cet otage soit un "spécialiste" comme Arnaud Beltrame, plutôt qu'un "civil qui n'y connaît rien ?"
"L'un ou l'autre, c'est pareil", répond le témoin. "Comme il n'y a pas de protocole prévu, ça n'est rien de plus qu'un échange d'individu".
Le colonel Gay prend sa suite à la barre. Même salut, même képi posé sur le pupitre, il admet sa "surprise professionnelle, tactique" face au choix d'Arnaud Beltrame, collègue et ami.
"Est-ce un choix qui lui ressemble ?", demande l'avocat de la femme prise en otage, Me Henri de Beauregard.
"Je pense que pour lui, une fois qu'il se substituait il solutionnait une partie de la crise", avance le militaire, dont la voix s'était cassée en évoquant l'appel de l'hôpital l'informant de la mort d'Arnaud Beltrame, blessé au cou par l'assaillant.
"Plus de civils dans le supermarché" ça voulait dire que "c'était un problème entre un soldat et un terroriste".
"Effectivement", témoigne ensuite le négociateur du GIGN (unité d'élite d'intervention de la gendarmerie), "ce n'est pas du tout dans les procédures, et c'est une erreur dans le sens militaire", dit David Corona, aujourd'hui passé dans le privé. "Mais c'est un acte de courage héroïque".
Vers 14H30, alors qu'Arnaud Beltrame a passé plusieurs heures enfermé dans un local avec Radouane Lakdim, les négociateurs au téléphone entendent comme un bruit de lutte, et l'assaillant est "coupé dans sa phrase", se souvient le témoin.
"Attaque, assaut, assaut !", crie Arnaud Beltrame, selon la retranscription.
Mais la ligne est mauvaise et "sur le coup, nous n'entendons pas le mot assaut", explique David Corona. "On suppose qu'il a tenté sa chance et a sauté au cou du terroriste".
Les forces de l'ordre mettront plusieurs minutes à intervenir, note le président, reprenant la retranscription de l'audio: "On entend +il a une plaie au niveau du cou+… +on s'accroche mon colonel+... et puis, plus rien".
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