Procès de l'attentat de la basilique de Nice: c'est "légitime" de "tuer ceux qui tuent les musulmans"

"Le musulman a le droit de tuer celui qui le tue", a affirmé mardi le Tunisien Brahim Aouissaoui, 25 ans, jugé devant la cour d'assises spéciale de Paris pour l'attentat de la basilique de Nice qui...

Des policiers bloquent l'accès à la basilique Notre-Dame de l'Assomption à Nice le 29 octobre 2020 après qu'un homme armé d'un couteau a tué trois personnes dans l'église © VALERY HACHE
Des policiers bloquent l'accès à la basilique Notre-Dame de l'Assomption à Nice le 29 octobre 2020 après qu'un homme armé d'un couteau a tué trois personnes dans l'église © VALERY HACHE

"Le musulman a le droit de tuer celui qui le tue", a affirmé mardi le Tunisien Brahim Aouissaoui, 25 ans, jugé devant la cour d'assises spéciale de Paris pour l'attentat de la basilique de Nice qui a fait trois morts le 29 octobre 2020.

Le jeune homme, qui soutient ne se souvenir de rien concernant le meurtre avec un couteau de trois paroissiens, était interrogé sur sa personnalité et son parcours avant l'attentat.

"Est-ce légitime de prendre les armes pour combattre ceux qui ne sont pas de votre religion ?", l'interroge le président, Christophe Petiteau, après avoir évoqué l'enfance et l'adolescence de l'accusé.

"C'est un droit légitime" de combattre "quand on défend sa mère, sa soeur, sa terre", répond Brahim Aouissaoui calmement. "Toutes les cibles sont légitimes", insiste-t-il dans le silence atterré de la salle d'audience.

"Quand vous tuez les musulmans c'est normal mais quand les musulmans répondent et tuent, ça c'est pas normal ?", demande l'accusé par le filtre d'un interprète.

"Vous êtes d'accord avec les terroristes ?", veut savoir le président de la cour d'assises. "Il ne s'agit pas des terroristes, c'est la vérité", rétorque l'accusé.

Il se défend d'être radical. "Je suis juste musulman", dit-il.

Le président évoque le jeune Brahim Aouissaoui, qui buvait de l'alcool et fumait du cannabis avant de se tourner vers la religion. "Le cannabis ça me détendait mais la religion ça me détend encore plus, ça me relaxe", explique l'accusé qui reconnait avoir regardé "des vidéos religieuses" mais "pas des vidéos de propagande".

Avant son interrogatoire, des experts avaient balayé "l'amnésie" qu'il revendique pour éluder son rôle dans l'attentat du 29 octobre 2020.

Au grand dam des parties civiles, Brahim Aouissaoui n'a cessé de dire depuis sa mise en examen qu'il ne se souvenait pas de l'attentat ni même de son départ de Tunisie en septembre 2020.

"Si je me souviens de quelque chose j'en parle sinon je n'en parle pas", dit-il.

Amnésie factice

Grièvement blessé par la police après l'attaque dans la basilique de Nice, Brahim Aouissaoui avait dû subir une anesthésie générale avant d'être opéré. S'il arrive qu'une anesthésie générale puisse "altérer la mémoire", c'est dans "un délai restreint", a expliqué à la cour un des experts, médecin neurologue.

Son confrère psychiatre évoque une "amnésie factice".

Brahim Aouissaoui ne souffre "d'aucune lésion cérébrale", "son cerveau est morphologiquement intact", insiste le neurologue. "Il a gardé des capacités cognitives tout à fait correctes", poursuit le médecin.

Avant les deux experts, une psychologue, ayant rencontré Brahim Aouissaoui en détention il y a un mois, avait expliqué à la cour que l'accusé s'était montré "peu coopératif", se contentant de "réponses lacunaires" à ses questions.

En fait, précise la psychologue, l'accusé se montre disert seulement pour évoquer les "conditions inhumaines", selon lui, de sa détention.

Sous le statut de détenu particulièrement surveillé (DPS), à l'isolement total, entravé aux poignets et aux chevilles avec ceinture abdominale lors de sa rencontre avec la psychologue, Brahim Aouissaoui se dit "victime" de l'administration pénitentiaire.

La psychologue évoque les griefs de l'accusé qui accuse notamment l'administration "d'empoisonner" sa nourriture en y versant de "l'urine" ou "des choses sales".

"On viole mes droits en prison. C'est inacceptable. J'ai des droits et j'ai le droit de les réclamer", a fait valoir Brahim Aouissaoui à l'audience.

Quand il ne s'agit pas de ses conditions de détention, l'accusé "fait preuve de détermination et de constance dans le refus de répondre", indique l'expert psychiatre, habitué à rencontrer des jihadistes emprisonnés.

L'accusé, raconte l'expert, a du mal à cacher "son agacement" quand on l'interroge. "Il y a une exaspération à peine contenue", poursuit le psychiatre.

Brahim Aouissaoui doit être entendu sur les faits le 24 février.

Le matin du 29 octobre 2020, armé d'un couteau de cuisine, il avait quasiment décapité Nadine Vincent, épouse Devillers, une fidèle de 60 ans, blessé de 24 coups de couteau une mère de famille franco-brésilienne, Simone Barreto Silva, 44 ans, qui avait réussi à s'enfuir avant de succomber, et égorgé le sacristain Vincent Loquès, 55 ans, père de deux filles.

Brahim Aouissaoui comparaît pour assassinats et six tentatives d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste. Il encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité.

Le procès est prévu jusqu'au 26 février.

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