Procès de l'accident du TGV Est: fin des auditions des premiers prévenus

Au procès de l'accident du TGV Est, les trois premiers prévenus auditionnés se sont renvoyé cette semaine la responsabilité du drame, qui a causé 11 morts le...

Accident d'une rame d'essais de TGV tombée dans un canal à Eckwersheim, au lendemain de son déraillement, près de Strasbourg, le 15 novembre 2015 dans le Bas-Rhin © Frederick FLORIN
Accident d'une rame d'essais de TGV tombée dans un canal à Eckwersheim, au lendemain de son déraillement, près de Strasbourg, le 15 novembre 2015 dans le Bas-Rhin © Frederick FLORIN

Au procès de l'accident du TGV Est, les trois premiers prévenus auditionnés se sont renvoyé cette semaine la responsabilité du drame, qui a causé 11 morts le 14 novembre 2015 près d'Eckwersheim (Bas-Rhin).

"Je n'avais rien à voir et je n'avais rien à dire concernant la conduite du train", a soutenu vendredi Philippe B., 65 ans, le technicien de Systra - la société maître d'oeuvre des essais - chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie.

Dernier prévenu interrogé avant une pause des débats - le procès reprendra le 22 avril -, Philippe B. est apparu extrêmement anxieux à la barre, serrant compulsivement ses mains pendant toute son audition.

Il était dans la cabine de pilotage le jour de l'accident aux côtés des deux autres prévenus: Francis L., 64 ans, le "cadre traction" (CTT) de la SNCF chargé de donner au conducteur les consignes de freinage et d'accélération, et Denis T., 57 ans, le conducteur de la rame accidentée, interrogés mardi et jeudi.

Si la fiche d'embauche de Philippe B. - un ancien conducteur de TGV - indiquait qu'il devait simplement être "en charge de renseigner l'équipe de conduite SNCF sur les particularités de la ligne", qu'il affirme "connaître par coeur", le tribunal a relevé que son rôle effectif allait bien au-delà.

"Je n'aime pas être inutile. Ce n'est pas mon genre", s'est défendu le prévenu pour expliquer son "interventionnisme".

Des ordres?

Lors des essais précédents et le jour-même de l'accident, Philippe L. n'a cessé de donner des consignes de freinage à l'équipe de conduite, souvent de façon fort directive.

- "Vous donniez des ordres au conducteur?", veut savoir Me Gérard Chemla, avocat de parties civiles.

- "Euh, plutôt des conseils", élude Philippe L.

Des retranscriptions de dialogues dans la cabine, lues à l'audience, montrent cependant que Philippe L. semble parfois être le maître à bord.

"Là, je pense que c'est faisable et puis, si c'est vraiment juste, tu feras un coup de pichenette et puis c'est bon, ça passe hein", dit-il au cadre CTT lors de l'essai du 11 novembre.

A la fin de cette marche d'essai, alors que la rame a frôlé l'accident en raison d'une vitesse excessive, Philippe L. lâche: "C'est sûr, si c'est moi qui fait le train on serait meilleur, mais bon."

"J'ai été un peu trop au-delà de mes attributions", concède le prévenu. "Mais je n'ai pas les responsabilités" du conducteur SNCF. "Je n'ai pas les compétences d'un CTT."

A la barre, Philippe L. donne l'impression de se noyer. "Je vois votre regard, vous semblez un peu perdu", lance l'avocat de Systra, Me Philippe Goossens.

"Pas un peu, complètement", répond le prévenu épuisé.

Dans la salle d'audience, des parties civiles regrettent qu'aucun des prévenus n'ait eu la force de reconnaître avoir commis une faute.

Analyses de risques

L'enquête a établi que ni le matériel, ni la voie ne pouvaient être mis en cause pour expliquer le déraillement du TGV, qui emportait 53 personnes.

Le TGV a abordé une courbe à 265 km/h, très largement au-dessus des 176 km/h prévus à cet endroit. Il a déraillé 200 mètres plus loin, heurtant le parapet du pont au-dessus du canal de la Marne au Rhin à la hauteur d'Eckwersheim, à 20 km de Strasbourg, à une vitesse estimée de 243 km/h.

Les trois autres prévenus, la SNCF, SNCF Réseau et Systra seront entendues via leurs représentants à partir du 22 avril.

Au début du procès, le patron de la SNCF à l'époque, Guillaume Pepy, avait souligné que "l'analyse des risques relève du maître d'oeuvre (en l'occurrence Systra, ndlr), lui-même sous le contrôle du maître d'ouvrage (SNCF Réseau, ndlr)".

"Je pense que l'analyse de risques n'a pas été assez poussée et exhaustive", avait ajouté M. Pepy.

"Systra n'est pas à l'origine de l'accident", avait répliqué le président de cette filiale de la SNCF et la RATP, Pierre Verzat.

Les trois personnes prévenues encourent des peines de trois ans de prison et 45.000 euros d'amende, les trois entreprises jusqu'à 225.000 euros d'amende.

Les débats s'achèveront le 16 mai, la décision du tribunal doit être rendue dans les mois qui suivent.

aje/pa/liu     

34NP9V9