Première campagne publique depuis 20 ans contre les violences sexuelles aux enfants

Le gouvernement lance mardi une campagne sur l'inceste --une première en France-- et les violences sexuelles que subissent 160.000 enfants chaque année, selon les experts, tandis que la télévision diffuse un documentaire et un...

Le juge Edouard Durand, coprésident de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) le 16 févreir 2022 à Paris © JULIEN DE ROSA
Le juge Edouard Durand, coprésident de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) le 16 févreir 2022 à Paris © JULIEN DE ROSA

Le gouvernement lance mardi une campagne sur l'inceste --une première en France-- et les violences sexuelles que subissent 160.000 enfants chaque année, selon les experts, tandis que la télévision diffuse un documentaire et un film de fiction sur ce sujet longtemps tabou.

"J'ai souhaité mettre en place une campagne en mode sécurité routière, pour taper dans l'estomac de nos concitoyens", a commenté mardi sur BFM TV/RMC la secrétaire d'Etat à l'Enfance Charlotte Caubel.

"C'est la première fois qu'un gouvernement utilise le mot +inceste+ dans une campagne, la première fois qu'il parle de ces violences sexuelles au sein de la famille", a-t-elle précisé à l'AFP.

Cette opération nationale commence mardi sur les réseaux sociaux et médias, avant de s'afficher dans les lieux publics et les salles de cinéma. Le spot sera également diffusé jeudi 21 septembre sur TF1 à la mi-temps du match du mondial de rugby France-Namibie.

Il s'agissait d'une préconisation de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), associée à sa conception. La dernière campagne gouvernementale sur la pédocriminalité remonte à 2002 et n'évoquait pas l'inceste.

"Une campagne courageuse, qui ne cherche pas à minimiser la réalité et la peur, la souffrance d'un enfant", commente pour l'AFP le juge Edouard Durand, coprésident de la Ciivise.

"Il est fondamental que par cette campagne, le gouvernement dise +l'inceste existe+ et +c'est un problème public, et pas privé+. La tentation de chacun est de se dire +ça ne me regarde pas, je ne veux pas me mêler des affaires des autres+", ajoute-t-il. 

Charlotte Caubel a rendu visite mardi au service national d'écoute, la ligne 119-Enfance, accompagnée du porte-parole du gouvernement Olivier Véran et de l'actrice Muriel Robin.

L'inceste, sujet longtemps tabou, est le thème de plusieurs films et livres qui sortent cet automne, dont un téléfilm avec Muriel Robin, "Les yeux grands fermés", diffusé le 2 octobre sur TF1.

Dans la continuité de la vague #MeTooInceste, M6 diffuse le 24 septembre le documentaire ""Un silence si bruyant", de l'actrice Emmanuelle Béart, qui donne la parole à des adultes --dont elle-même--, victimes d'inceste dans leur enfance.

Un adulte sur 10

"Triste tigre" de Neige Sinno raconte les viols dont la romancière a été victime dans son enfance, perpétrés par son beau-père. C'est l'un des événements de la rentrée littéraire et le livre a déjà remporté le prix littéraire du journal Le Monde.

Et le 11 octobre sortira au cinéma "Le Consentement", avec Laetitia Casta, adapté du livre de Vanessa Springora (sorti en janvier 2020), qui évoque les pratiques pédocriminelles de l'écrivain Gabriel Matzneff.

"Il faut qu'à la fin de l'automne plus personne ne puisse dire +je ne savais pas, je ne connaissais pas l'ampleur de ces faits ou le traumatisme qu'ils occasionnent+. Cela doit devenir un combat de tous", déclare la secrétaire d'Etat.

"Un adulte sur dix a connu l'inceste, selon les associations, cela veut dire que vous croisez tous les jours des gens qui ont vécu l'inceste, et d'autres qui l'ont commis", ajoute-t-elle.

Deux ans après sa création --dans le sillage du récit de Camille Kouchner, "La Familia Grande", sur l'inceste commis sur son frère par leur beau-père, le politologue Olivier Duhamel--, des préconisations de la Ciivise sont en passe d'être mises en oeuvre.

Les professionnels en contact avec les enfants devraient pouvoir bénéficier, à partir du premier trimestre 2024, d'une cellule de soutien - un "119-pro" - pour les aider à gérer des soupçons ou révélations, indique Mme Caubel à l'AFP.

Une proposition de loi de la députée socialiste Isabelle Santiago, visant à retirer l'autorité parentale en cas de crime incestueux, est examinée au Parlement.

Reste la question de l'avenir de la Ciivise: une soixantaine de personnalités ont appelé au maintien de cette instance indépendante, qui en deux ans a reçu les témoignages de 25.000 victimes d'inceste, via sa ligne d'appel ou ses réunions publiques à travers la France.

Le président Emmanuel Macron pourrait se prononcer sur son avenir à l'occasion de la remise de son rapport final en novembre.

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