Précarité : le premier confinement a mis à mal les ménages fragiles
Alors que les organisations caritatives alertent le gouvernement sur la montée inquiétante de la pauvreté, une récente étude de l’Insee confirme que les inégalités se sont creusées et que les ménages les plus fragiles ont davantage subi les effets du premier confinement.
Du 17 mars au 11 mai, la France s’est confinée pour faire face à la propagation du virus. Suite à cette décision, l’activité économique a enregistré une baisse de 19 % au deuxième trimestre 2020, par rapport à la même période de 2019. Si les mesures exceptionnelles entreprises par le gouvernement ont permis d’amortir le choc, les inégalités entre les différentes catégories sociales se sont creusées davantage. C’est ce que confirme l’enquête ÉpiCov (Épidémiologie et conditions de vie) réalisée dans le contexte de la pandémie par la Drees, l’Inserm, Santé Publique France et l’Insee, dont les résultats ont été publiés mi-octobre par l’Institut de statistique. Grâce à l’adoption du chômage partiel ou technique, le revenu disponible brut des ménages n’a reculé globalement «que» de 2,6 %, au deuxième trimestre. Mais la crise a révélé des disparités. Alors que les deux tiers des ménages interrogés dans le cadre de l’enquête, entre le 2 mai et le 2 juin, estiment que leur situation financière est restée stable, près du quart (23 %) se sont appauvris. Il s’agit principalement des ménages les plus démunis. Ainsi, 35 % des familles dont le niveau de vie se situe en dessous du premier décile (les 10 % les plus modestes) ont souffert d’une détérioration de leur situation financière, suite à la chute de l’activité économique.
La moitié des indépendants en difficulté
Par catégorie socioprofessionnelle, sans surprise, la baisse d’activité a touché principalement les artisans et les commerçants : plus de la moitié des indépendants ont ainsi déclaré une dégradation de leur situation financière. Une situation vécue par 37 % des ouvriers, contre 25 % des cadres et professions libérales et 30 % des agriculteurs. Ces écarts entre catégories socioprofessionnelles s’expliquent en partie par le fait que les mesures destinées à maintenir l’emploi et les revenus «ne sont pas accessibles à tous de la même façon», note l’Insee. Aussi par la possibilité différenciée de recourir au travail à distance : 80 % des cadres ont pu télétravailler, au moins partiellement, en mai contre 35 % des employés et 6 % seulement des ouvriers. La mise en chômage partiel s’est aussi traduite par une baisse de revenus pour les salariés. Autre public davantage impacté, les couples avec enfants : 33 % des ménages avec enfants ont signalé une détérioration de leurs revenus, contre 18 % seulement pour ceux sans enfant. Cette tendance peut s’expliquer par plusieurs facteurs : certains parents ont été contraints de réduire leur temps de travail pour assurer la garde de leurs enfants, suite à la fermeture des établissements scolaires. Ils ont également dû prendre en charge des repas supplémentaires, en raison de la fermeture des cantines. La généralisation des arrêts de travail pour garde d’enfants a également contribué à cette baisse de revenu.
Précarité de l’emploi des jeunes
Si le gouvernement a agi rapidement pour diminuer les effets de la crise, certains salariés n’ont bénéficié d’aucune mesure de maintien en emploi, note encore l’Insee. Une grande majorité de ceux qui ont perdu leur emploi suite à une fin de contrat ou à un licenciement (3 %) étaient toujours au chômage au moment de l’enquête (80 %). Ce sont les 15 à 24 ans qui ont le plus souffert (9 % ont perdu leur emploi, contre 2 % pour les 40-65 ans). Cette situation traduit la précarité de l’emploi des jeunes : nouvellement arrivés sur le marché du travail, ils sont souvent amenés à occuper des postes temporaires. Face à l’incertitude et à la baisse de la demande, les entreprises ont préféré mettre fin aux contrats intérimaires et CDD ou réduire leurs embauches.
Jihane MANDLI et B.L