Entreprises
Pourquoi un tel succès de la micro-entreprise en Moselle ?
Sur les six premiers mois de l’année, jamais autant de micro-entreprises n’avaient été lancées dans le périmètre mosellan, pas loin de 4 000. Dans le contexte de la crise sanitaire, on a longtemps cru que cette hausse était un phénomène passager, un effet Covid, lié à une certaine uberisation. À mesure du temps, il s’avère que c’est un changement complet de la création entrepreneuriale qui s'opère devant nos yeux. Une lame de fond ? Pourquoi un tel engouement ? La réalité est qu'un nombre croissant d'hommes et de femmes aspirent à accéder à une certaine indépendance professionnelle.
En 2022, selon les chiffres de Bpifrance, 27,4 % des entreprises se sont créées sous forme de sociétés, 11,4 % sous forme d’entreprises individuelles, et 61,2 % sous forme de micro-entreprises. Par rapport à l’année précédente, la progression de ces micro-entreprises était de 2,8 %. Malgré l’ambiance morose, les incertitudes économiques, un climat social tendu, cette hausse de 2,8 % en 2022 faisait suite à 9 % de hausse moyenne continue sur les dix dernières années, soit largement plus que la moyenne de 6 % de création de sociétés.
Les seuils... mais pas que
La Moselle n’est pas en reste, selon la grille de lecture des données statistiques de l’Insee sur les six premiers mois de l’année. Dans le département, de janvier à juin, 3 882 micro-entreprises se sont créées. C’est, sur la même période, + 7,2 % par rapport à 2022, + 7,90 % par rapport à 2021 et… + 108,8 % par rapport à 2019. La micro-entreprise mosellane représente en cet été 67 % de l’ensemble des créations. C’était 44 % il y a quatre ans. Comment trouver des explications rationnelles et pragmatiques à cette déferlante ? Ce succès de la micro-entreprise peut s’expliquer en partie par le doublement des seuils de chiffre d’affaires permettant d’accéder au régime fiscal simplifié, qui s’élèvent aujourd’hui à 176 200 € de chiffre d’affaires annuel pour les activités de vente de marchandises, de vente à consommer sur place et de fourniture de logement et à 72 600 € pour les prestations de services relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC). Mais l’augmentation des seuils n’explique pas tout, loin de là. Car non, l’engouement pour la micro-entreprise n’est pas un épiphénomène ni un gadget, comme elle a été trop souvent caricaturée depuis son lancement en 2009.
Choix de vie
C’est un véritable phénomène de fond, un changement de paradigme, une révolution sociétale : de plus en plus de gens veulent être indépendants, ne plus être salariés, donner du sens à leur vie professionnelle. Tenter autre chose, se faire plaisir de manière professionnelle, voire compléter ses revenus salariés par une activité plaisir. La crise de la Covid-19 a sans nul doute été un déclencheur psychologique pour nombre de Mosellans : entre ceux qui, en arrêt forcé, ont été obligés de trouver de nouvelles ressources en eux et se sont découverts de nouveaux talents et d’autres qui avaient, au fond d’eux-mêmes, envie de changer de voie mais qui n’osaient pas, la voie du micro-entrepreneuriat s’est révélée être un tremplin vers une nouvelle vie. Logiquement, les secteurs du transport, de courrier et de restauration rapide, ou encore les activités de vente à domicile et de vente à distance, qui avaient fleuri lors de la crise du Covid, sont en décroissance. En revanche, ce sont les activités scientifiques et techniques, la construction et le commerce de détail qui ont le vent en poupe.
De vrais métiers...
Voilà remisée au placard cette idée reçue que la micro-entreprise, ce serait principalement pour les coursiers, une ubérisation des métiers… Dans la réalité, de très nombreux micro-entrepreneurs développent des activités intellectuelles, de conseil, sont artisans ou commerçants, professions libérales. Ainsi, on retrouve souvent la nomenclature des activités spécialisées, scientifiques et techniques. Ces tendances peuvent expliquer que de nombreux métiers sont en tension. La restauration en est un bon exemple : un grand nombre de salariés n’ont pas souhaité reprendre leur poste après la crise du Covid et se sont orientés vers d’autres secteurs qui correspondaient mieux à leurs attentes et à leur choix de vie. Ils se testent désormais pour partie en tant qu’auto-entrepreneurs. Il n’est être devin que d’affirmer que cette vague de micro-entreprises n’est pas prête de retomber. À sa genèse, il y a 15 ans, elle était davantage un moyen pour tester une activité. C’est encore vrai aujourd’hui. Le grand bouleversement de 2009 à 2023 est qu’elle est devenue une quasi-norme pour lancer son entreprise. Et il n'y a pas de raison que cela s'arrête.
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C’est le nombre de micro-entreprises lancées en Moselle ce mois de juin 2023. C’est + 9,3 % sur le même mois de juin en 2022. En juin 2019, le département avait vu 288 micro-entreprises créées.