Pour marcher contre l'antisémitisme, "il n'y a jamais assez de monde"

Pour les manifestants juifs présents dimanche à Paris dans la marche civique, cela fait "chaud au cœur" de voir une foule compacte rassemblée pour dire non à l'antisémitisme, même si beaucoup soupirent, fatalistes...

L'écrivain et militant des droits de l'homme Marek Halter (4e d) défile avec des responsables contre l'antisémitisme à Paris le 12 novembre 2023 © Geoffroy Van der Hasselt
L'écrivain et militant des droits de l'homme Marek Halter (4e d) défile avec des responsables contre l'antisémitisme à Paris le 12 novembre 2023 © Geoffroy Van der Hasselt

Pour les manifestants juifs présents dimanche à Paris dans la marche civique, cela fait "chaud au cœur" de voir une foule compacte rassemblée pour dire non à l'antisémitisme, même si beaucoup soupirent, fatalistes: "il n'y a jamais assez de monde".

Quelque 105.000 personnes ont défilé dans la capitale dans l'après-midi, selon la préfecture, outre des milliers ailleurs en France. 

Dans la foule, à Paris, beaucoup de drapeaux bleu-blanc-rouge, et quelques pancartes: "Juifs attaqués, République en danger", "libérez les otages", ou encore "l’antisémitisme n’a qu’un seul visage: la haine". 

Pour Jérôme, "juif laïcard" de 54 ans qui, comme beaucoup, ne souhaite pas donner son nom de famille, voir autant de monde "est rassurant pour mon pays". "Je n'aurais jamais pensé dans ma vie participer" à ce genre de marche", "c’est comme si des cicatrices vieilles de 3.000 ans se rouvraient", lâche-t-il.

"C'est bien, ça fait chaud au cœur de voir ça. On est là pour se redonner espoir, pour ne pas partir" de France, témoigne Gary Cohen. Rejoindre Israël, il confie y penser "pour la première fois". "Je ne suis pas religieux, je mange du porc... je suis très pessimiste pour l’avenir", ajoute-t-il.

Sa femme, Laura Cohen, la trentaine, embraye: "On a des grands-parents sauvés de la déportation, heureusement qu’ils ne sont pas là pour voir que ça revient, avec un antisémitisme différent, d’extrême gauche".

Elle s'inquiète aussi pour l'avenir: "On a retiré la mezouza (objet cultuel placé sur leur porte, ndlr), on veut retirer le nom de la sonnette. C’est pas normal en 2023 de se cacher".

Lucas, 17 ans, Juif, en Terminale dans un lycée public de Seine-Saint-Denis, n'a, lui, "pas envie de se cacher pour pouvoir vivre tranquillement". "Dans mon lycée, personne ne m'a agressé mais j'entends beaucoup de discours de jeunes qui relativisent ce qui s'est passé et viennent me poser des questions". 

"Malheureusement je vois beaucoup plus de jeunes dans les manifestations pro-palestiniennes où on entend des discours antisémites qui se banalisent", regrette-t-il.

Un mur est tombé

Malgré la foule, "il n'y a jamais assez de monde", estime Daniel, 60 ans, de confession juive. Il dénonce aussi l'absence de la France insoumise, qui a boycotté la manifestation du fait de la présence du Rassemblement national. 

"A partir du moment où le mot d'ordre est de lutter contre l'antisémitisme, je ne m'afficherai pas avec l'extrême-droite mais ils ont le droit de manifester", juge-t-il. "On fait partie d'une communauté française."

Jean-Claude, 66 ans, se dit pour sa part "un peu déçu" par l'affluence: "il n'y a pas assez de monde", estime-t-il. 

"Il faudrait des gens de toutes confessions, juifs, musulmans..." Ce n'est pas le cas, estime-t-il, car "les gens confondent lutte contre l'antisémitisme et soutien au Hamas".

Abderrahim, 39 ans, fait partie des musulmans venus dénoncer l'antisémitisme sur le pavé parisien: "C'est rare que j'aime manifester" mais "si on est des vrais musulmans, on doit venir", déclare-t-il. Selon lui, "les musulmans ne viennent pas parce qu’ils ont peur d’être considérés comme des traîtres. Ça peut être difficile pour eux d’assumer".

L'absence du président Emmanuel Macron est aussi pointée du doigt par certains manifestants, comme Gary Cohen: "Macron aurait dû venir. On s’en fout que Marine Le Pen soit là (...) On a promis à nos grands-parents de ne jamais voter RN et on ne le fera pas, mais force est de constater que c'est eux qui nous le rendent le mieux aujourd'hui".

Avant le début de la manifestation, Joël Mergui, président d’honneur du Consistoire central de France, faisait part sur BFMTV d'une "déception de la communauté juive" concernant "l’absence du chef de l’Etat".

En fin de manifestation, le président du Crif Yonathan Arfi, reconnaissait aussi que "sa présence aurait rendu cet événement encore plus historique". Mais "le pire pour les juifs c'est de se sentir seuls; ce mur là est tombé aujourd'hui", a-t-il jugé.

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