Etude du groupe bancaire BPCE
Portrait de la France des propriétaires bailleurs
Qui sont ces propriétaires bailleurs dont les biens assurent le logement de 7,5 millions de Français ? Le groupe bancaire BPCE dresse leur portrait et analyse leurs incertitudes face aux contraintes de la rénovation énergétique imposées par la loi.
Ils représentent 13% de la population et détiennent 7,5 millions de logements : ce sont les propriétaires bailleurs. Le 14 décembre dernier, lors de sa conférence de presse consacrée au bilan et perspectives 2023, en matière d’immobilier, BPCE l’Observatoire a dévoilé les résultats d’une étude exclusive sur le locatif privé. «Il s’agit d’un sujet d’ampleur en matière résidentielle», note Alain Tourdjman, directeur des études et prospective du pôle finance et stratégie chez BPCE.
En effet, le parc locatif privé assure le logement de 7,5 millions de ménages, soit 24,7% d’entre eux, devant les logements sociaux (5,3 millions de ménages). Côté propriétaires bailleurs, ce parc est détenu à 97% par des personnes physiques. «Ce n’est plus un sujet d’investisseurs institutionnels», souligne Alain Tourdjman. Loi Besson, dispositif Robien, Scellier, loi Pinel… Depuis 1995, et même avant, les dispositifs publics se sont succédé afin d’encourager la détention de biens immobiliers locatifs par les ménages. Avec succès : en 1984, ces derniers n’en possédaient que 5,4 millions…
Aujourd’hui, au total, c’est 13% de la population française qui est propriétaire d’un bien locatif, directement ou via une SCI, à titre individuel ou avec d’autres. La majorité de ces propriétaires ont entre 50 et 64 ans, mais cette population se renouvelle régulièrement avec l’arrivée de nouvelles générations. Le cas le plus fréquent : la mono-détention d’un petit appartement loué nu, en gestion directe. Seuls 38% des propriétaires sont multi-détenteurs. Ce qui n’empêche pas la concentration du marché : d’après l’Insee, rappelle l’étude de BPCE l’Observatoire, 3,5% des ménages détiennent la moitié des logements en location. Il s’agit de ménages détenant cinq logements ou plus.
Dessine moi trois propriétaires bailleurs
Au delà de ces caractéristiques générales, l’étude BPCE distingue trois grands types de bailleurs propriétaires avec des profils, des approches et des stratégies différentes. Première catégorie (29% de cette population) : des personnes dans une logique de diversification de leur portefeuille d’investissements. «Le bien immobilier locatif constitue pour eux un actif qui doit produire une rentabilité, pas uniquement via les loyers, mais plutôt dans une vision d’investissement qui prend en compte la défiscalisation et vise une revente ou une valorisation de long terme», détaille Alain Tourdjman. Les 50-64 ans, soumis à une plus forte pression fiscale avec le départ des enfants, sont surreprésentés dans ce groupe. Autre caractéristique, ils délèguent, en général, la gestion de leurs biens à des professionnels.
La deuxième catégorie de propriétaires bailleurs (33% du total) disposent généralement de revenus plus faibles que les premiers. La possession de leur bien immobilier ne leur vient pas d’un achat, mais d’un héritage, d’un don, ou de la reconversion d’usage d’une ancienne résidence principale. Ils sont donc personnellement attachés à leur bien. Le rendement de ce dernier est plus limité et destiné à couvrir les frais (entretien, taxes..) liés à la propriété. Ces individus suivent donc une logique de conservation d’un patrimoine, permise par la location. Lorsque celle-ci est saisonnière, cela leur permet aussi de continuer à se servir du bien. Plus souvent que les autres, ces propriétaires connaissent des difficultés avec leurs locataires, dont le taux de rotation est particulièrement élevé.
La troisième catégorie (39%) suit une logique de «semi-professionnalisation» du locatif, commente Alain Tourdjman. La détention de biens immobiliers constitue l’essentiel de leur stratégie patrimoniale. Ils ont acquis une expertise en la matière, déployé une stratégie de développement et d’efficacité économique globale qui combine multipropriété, utilisation de crédits, revenus dégagés via les loyers et valorisation à long terme. Ces stratégies ne sont pas toutefois pas exclusives l’une de l’autre.
L'enjeu crucial du classement DPE
Parmi les raisons susceptibles de conduire les propriétaires bailleurs à se séparer de leur bien, la nécessité de réaliser des travaux, en raison de sa classe énergique, concerne 18% d’entre eux. L’enjeu est de taille, au vu de la proximité des échéances imposées par la loi Climat et Résilience, concernant la rénovation énergétique des logements destinés à la location, de ceux classés G ou F, les «passoires thermiques». Déjà, l’augmentation des loyers y est interdite. A partir de 2025, la location des biens classés G sera interdite, puis, en 2028, celle des classés F. Au total, 1,6 million de logements sont concernés. «Cela promet des situations difficiles», pointe Alain Tourdjman qui estime probable un ajustement des objectifs publics.
Car les difficultés sont multiples, à commencer par le grand flou qui semble régner sur le sujet : 49% des propriétaires bailleurs ne connaissent pas le classement DPE de leur bien ! Autre souci, 1,2 million de passoires thermiques sont des appartements situés dans un immeuble. Réaliser des travaux «suppose l’assentiment de la copropriété. Il faut convaincre des non-bailleurs qui ne sont pas nécessairement dans la même urgence», note Alain Tourdjman.
L’étude BPCE met en lumière plusieurs autres obstacles. Plus de la moitié des propriétaires bailleurs s’inquiètent du coût et du financement des travaux. 34% expriment une incertitude sur le rapport coût/bénéfice de l’opération, 30% estiment difficile de trouver des artisans compétents et fiables, 25% invoquent la présence du locataire comme bloquante… Certains leviers peuvent néanmoins être mobilisés pour accompagner les propriétaires bailleurs. Ainsi, 32% d’entre eux déclarent que les aides et les avantages fiscaux constituent une motivation à entreprendre des travaux et 27% estiment important de le faire, pour la planète. Pour l’heure, ils sont 36% à déclarer avoir réalisé des travaux de rénovation énergétique dans les logements qu’ils proposent à la location, comme l’isolation ou un système de chauffage, dans les cinq dernière années. Et ils sont 32% à l’envisager dans les cinq ans à venir. Bien loin du compte…