Pollution industrielle à Fos: le sidérurgiste ArcelorMittal mis en examen
Déjà mis à mal par la crise de l'acier, qui l'a amené à suspendre d'importants projets en France, le sidérurgiste ArcelorMittal et deux de ses dirigeants ont été mis en examen pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "faux et usage de faux" pour...

Déjà mis à mal par la crise de l'acier, qui l'a amené à suspendre d'importants projets en France, le sidérurgiste ArcelorMittal et deux de ses dirigeants ont été mis en examen pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "faux et usage de faux" pour pollution industrielle dans la région de Fos-sur-mer (Bouches du Rhône).
"ArcelorMittal Méditerranée et deux de ses dirigeants ont été mis en examen pour mise en danger d'autrui, faux et usage de faux et atteintes à l'environnement", a précisé l'association Défense et protection du littoral du Golfe de Fos (ADPLGF) à l'origine d'une plainte collective en novembre 2018, dans un communiqué transmis mardi par son avocate.
Interrogé par l'AFP, le procureur de la République de Marseille Nicolas Bessone, a confirmé ces mises en examen, révélées par Mediapart, assorties d'un contrôle judiciaire avec une caution de 250.000 euros et la constitution d'une garantie bancaire de 1,7 million d'euros.
Installé dans l'immense zone industrialo-portuaire (ZIP) de Fos, ArcelorMittal Méditerranée était poursuivi par quelque 260 riverains, associations, syndicats, pour avoir exposé la population de la région à des rejets de polluants illégaux par son usine. Des accusations que le groupe "conteste fermement".
Pour l'ADPLGF, ces mises en examen, prononcées à l'issue de six ans d'instruction du Pôle santé publique du Tribunal judiciaire de Marseille, sont justifiées "par la récurrence des violations de la règlementation et par la gravité des conséquences sur la santé humaine et l'environnement".
"Il est notamment reproché à la société et à ses dirigeants d'avoir falsifié certaines données (chiffres) d'autosurveillance en matière d'émission de polluants dans l'air", indique l'ADPGF qui "se félicite de ces mises en examen historiques".
Symphonie de couleurs
"On ne s'attendait pas au début à ce que ce soit aussi énorme", a déclaré à l'AFP le président de l'ADPLGF Daniel Moutet, qui documente depuis 2004 les fumées émises par le site d'ArcelorMittal de Fos avec des milliers de photos prises depuis le quai de déchargement où il travaillait. "Une symphonie de couleurs, avec des fumées noire, marron, jaune, orange, rouge...", dit-il.
"Arcelor a caché des informations, falsifié des documents. Au delà du CO2, leurs émissions contenaient du benzène, des particules fines, du plomb, du cadmium -tous classés cancérogènes et mutagènes-, mais aussi des agents toxiques comme des oxydes d'azote ou du dioxyde de soufre", affirme-t-il.
"On comprend pourquoi il y a autant de cancers dans notre région, trois fois plus qu'ailleurs, c'est pas pour rien !", ajoute M. Moutet.
Dans un communiqué transmis à l'AFP, le groupe sidérurgique, qui dit "coopérer pleinement avec les autorités", "conteste fermement les accusations".
ArcelorMittal "a investi depuis 2014 plus de 735 millions d'euros afin notamment de moderniser ses installations ou d'innover pour réduire des niveaux d'émissions dont les seuils normatifs sont toujours plus exigeants", selon le communiqué. "Ces actions ont permis de réduire de 70% les émissions atmosphériques de ce site par rapport à 2002", selon l'entreprise.
Après avoir exploité pendant de nombreuses années deux hauts-fourneaux à Fos, Arcelor, qui avait repris en 2005 une emprise sidérurgique datant de 1974, avait arrêté l'un de ses hauts fourneaux en 2023, en invoquant la baisse de la consommation d'acier.
Investissements suspendus
Selon un document récent d'ArcelorMittal, le site, d'une capacité de production de plus de 4 millions de tonnes d'acier par an, "produit entre 2 et 3,5 mt/an selon les besoins du marché, et ses émissions directes de CO2 ont atteint en moyenne 5,6Mt/an sur les cinq dernières années".
ArcelorMittal Méditerranée, qui dit vouloir "réduire ses émissions de CO2 de 35% d'ici 2030 pour atteindre zéro émission directe ou liée à l'énergie d'ici 2050", emploie environ 2.400 salariés et 1.100 sous-traitants à Fos-sur-Mer, dont il est le principal employeur.
C'est l'une des deux usines du groupe en France, avec celle de Dunkerque (Nord) — le plus important site d'ArcelorMittal en Europe —, à compter des hauts-fourneaux.
En septembre 2024, le groupe avait, dans le cadre de sa stratégie de décarbonation, inauguré un four-poche électrique à Fos, permettant d'accroître l'utilisation d'acier recyclé et de réduire les émissions de CO2 de près de 10%.
ArcelorMittal a depuis annoncé suspendre ses projets d'investissements colossaux dans la décarbonation en Europe, dans l'attente de mesures de soutien de l'UE.
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