Polluants éternels: l'usine Daikin, près de Lyon, relance un atelier controversé
A l'arrêt depuis près de quatre mois, une extension de l'usine Daikin qui produit une substance de la famille des polluants éternels, les PFAS, a redémarré mardi près de Lyon...
A l'arrêt depuis près de quatre mois, une extension de l'usine Daikin qui produit une substance de la famille des polluants éternels, les PFAS, a redémarré mardi près de Lyon après la publication d'un nouvel arrêté préfectoral.
Les riverains, qui s'inquiètent des effets potentiellement nocifs de ces substances, ont dénoncé une "défaite", même si la préfecture assure avoir adopté un arrêté "très exigeant" pour encadrer le fonctionnement de cette nouvelle unité.
Située à Oullins-Pierre-Bénite, celle-ci produit et stocke des polymères additivés, dont certains composants sont des PFAS. Le produit fini, qui ressemble à du caoutchouc, sert notamment à fabriquer des joints et des durites pour l'industrie automobile.
En février, la préfecture du Rhône avait pris un premier arrêté pour fixer des règles à cet atelier, mais des voisins du site avaient saisi le tribunal administratif de Lyon qui, le 20 juin, a suspendu l'arrêté, au motif que le groupe Daikin n'apportait pas de garanties sanitaires suffisantes.
Dans la foulée, l'industriel avait mis à l'arrêt sa nouvelle unité et le gouvernement avait fait appel.
Sans attendre l'issue de cette procédure, la préfecture a demandé des précisions à l'industriel, qui a fourni de nouvelles études. Elle a également ouvert une consultation du public et a reçu plus de 800 contributions en 15 jours.
Filtres "absolus
"Les avis émis se disent majoritairement défavorables" à l'extension de l'usine, mais "beaucoup" portent sur "la problématique globale" des PFAS, explique mardi la préfecture dans un communiqué.
Sur la base de ces éléments, la préfète du Rhône, Fabienne Buccio, a signé un nouvel arrêté qui "a été renforcé (plafond d'émissions, fréquence de surveillance, délais de substitution) répondant ainsi aux préoccupations exprimées".
Le texte impose notamment un contrôle des rejets d'air du site tous les six mois, et non plus une fois par an, et exige de ramener à deux ans, et non trois, le délai de substitution d'un nouveau PFAS utilisé dans cette usine, le bisphénol AF.
Daikin Chemical France "respectera strictement" ces nouvelles prescriptions, a indiqué son président Gaël Marseille à l'AFP, précisant que l'activité du site reprenait dès ce mardi.
Le groupe Daikin met en avant la mise en place de nouveaux filtres dits "absolus", qui limitent les rejets de cette substance dans l'air à 2 grammes par an, contre 23 kilos retenus dans les premiers calculs.
L’État nous déclare la guerre
"Je prends acte de la décision de la Préfecture qui permet à Daikin de relancer son activité", a déclaré à l'AFP le maire d'Oullins-Pierre-Bénite Jérôme Moroge, qui promet de rester "très vigilant" face aux nombreux industriels présents au sud de Lyon, dans la zone baptisée "vallée de la chimie".
"Nous ne voulons plus aucun rejet de produits nocifs dans l'eau et dans l'air", a-t-il ajouté.
Pour Claudie Grizard, 65 ans, membre fondatrice du collectif citoyen PFAS contre Terre (qui avait saisi la justice aux côtés de l'association Bien vivre à Pierre-Bénite et de Notre affaire à tous), ce nouvel arrêté pris par la préfecture est une "défaite".
"C'est dommage que l’État nous déclare la guerre comme ça. Ils se trompent de cible", a déploré auprès de l'AFP cette femme qui vit à environ 800 mètres d'une plateforme qui rassemble les usines de Daikin et Arkema.
Dans un courrier adressé à la ministre de la Transition écologique le 4 octobre, cinq parlementaires écologistes estimaient que les nouveaux éléments fournis par Daikin "ne semblaient pas constituer une réelle étude d'impact" et dénonçaient un "empressement des services de l’État à revenir sur la suspension" de son nouvel atelier.
Les PFAS sont des substances chimiques très fréquentes dans les objets de la vie courante (ustensiles de cuisine, cosmétiques, textile...), dont certaines ont un effet néfaste pour la santé. Une proposition de loi visant à mieux les encadrer a été gelée par la dissolution.
rs-chp/epe/LyS
36K6878