Politique Zéro Déchet : quels enjeux financiers ?
Dans le prolongement des dix ans du Zéro Déchet à Roubaix, la ville accueillait les 6 et 7 février 2025 une Rencontre des collectivités territoriales Zéro Déchet de la France entière. L’occasion de mesurer le coût de cette politique municipale et son retour sur investissement.

Toulouse, Lyon, Clermont-Ferrand, Troyes mais aussi des villes de région parisienne et de Belgique s’étaient déplacées à Roubaix pour échanger sur les bonnes pratiques du Zéro Déchet. «En 2014, quand on m’a proposé de lancer une telle démarche, c’était réellement un objet politique non identifié», se souvient le maire Guillaume Delbar lors de cette Rencontre. Aujourd’hui, elle fait partie de l’ADN de la ville et est reconnue en France et au niveau européen. 25 villes de la métropole lilloise mais aussi des agglomérations comme Angers ou Grenoble l’ont déjà mise en place.
800 familles
En 2014, la mairie roubaisienne avait répondu à un appel d’offres du ministère de l’Écologie en faveur du Zéro Déchet. Une première saison «Défi famille» était organisée avec une centaine de ménages invités à réduire de 50% leurs déchets. Il s’agissait de repenser leurs courses, de tester les potagers individuels ou collectifs, de modifier la manière de cuisiner et de consommer et de s’engager dans le tri ou recyclage des déchets. «Aujourd’hui, l’expérience compte 800 cellules familiales, auxquelles se sont rajoutés 80 commerçants, 70 entreprises, 2 000 enfants des écoles et des associations», annonce Alexandre Garcin, adjoint au maire à la transition écologique qui porte le projet. Roubaix est alors devenue ville pilote pour l’Europe de l’économie circulaire.
200 000 euros par an
Le budget municipal consacré à la Démarche Zéro déchet avoisine les 200 000 euros par an pour l’animation. Mais comment mesurer le retour sur investissement ? Un cabinet de conseil en développement durable basé à Douai - Anthesis - a utilisé la méthode internationale «Retour social sur investissement» (SROI) pour quantifier la valeur sociale créée par la démarche Zéro Déchet. Cette méthode avait été développée par les ONG dans les années 2000 pour mesurer l’impact de leurs campagnes. En 2021, le cabinet est alors allé sonder pendant six mois familles et entreprises engagées, pour comprendre l’impact du Zéro Déchet dans leurs vies depuis 2014, en termes de croyance et de comportement.
9,81 euros de valeur créée par euro investi
Les impacts se sont révélés nombreux pour les familles : une réduction des déchets mais surtout 150 euros d’économies par mois (jusque 500 euros pour certaines d’entre elles) générant de nouvelles possibilités d’épargne, moins de cholestérol et de problèmes de santé grâce à la réduction d’achats de produits transformés, moins de solitude grâce aux jardins potagers partagés, des emplois créés… bref une vie plus saine avec une stabilité financière et une confiance restaurées. Publiés en 2022, les résultats de l’étude sont surprenants. «Habituellement, une mesure sociale génère entre trois et quatre euros de valeur sociale créée par euro investi. La démarche Zéro Déchet a produit 9,81 euros par euro investi ; c’est exceptionnel», explique Alexandre Lemille, directeur France d’Anthesis, qui tient à préciser cette notion de valeur sociale créée : «On ne parle pas d’argent, mais cette valeur quantifie les économies liées aux frais de santé non engagés par la CPAM, aux dépenses évitées grâce à la création d’un potager personnel sur son balcon, l’épargne créée … L’étude montre que la santé et la confiance révèlent des poches de valeur énormes». Et cette valeur peut augmenter en démultipliant le nombre de familles adhérant au dispositif. Le cabinet a également sondé les entreprises qui se sont lancées dans l’aventure avec de nouveaux modèles économiques circulaires. «La valeur créée est généralement générée par la mutualisation des matières ou des services de transport, de logistique avec des partenaires».

Pour autant, cette politique Zéro Déchet n’a pas empêché la ville de redevenir la ville la plus pauvre de France, avec 46% des habitants en dessous du seuil de pauvreté en décembre 2024 (selon l’Observatoire des inégalités). Pour Alexandre Lemille, «de nombreuses familles qui se sont engagées dans le Zéro Déchet sont sorties du cycle de pauvreté. Mais le retour d’un seuil de pauvreté élevé dans la ville est certainement du aux évolutions macroéconomiques comme le Covid, les changements de politique publique ou l’inflation. C’est David contre Goliath …».
Transition vers la low-tech
Alexandre Garcin se projette maintenant dans l’avenir : «On a comme objectif de continuer à rendre le dispositif Zéro Déchet accessible au plus grand nombre. Mais on souhaite aussi se focaliser sur la thématique du low-tech (techniques durables produisant des objets facilement réparables). Cela s’intègre dans la continuité du Zero Déchet, en incitant à sortir de la surconsommation pour aller vers l’essentiel dans tous les aspects de la vie courante». Et de citer le tiers-lieu du low-tech et de la frugalité au sein de l’ancien monastère des Clarisses à Roubaix. Et un projet Interreg européen sur l’habitat low-tech «Vivons Low Tech Leven» est en cours, piloté par Roubaix, avec d’autres partenaires européens (Vilogia, Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre, Science Po Lille, Centrale Lille, Université catholique de Louvain …) mobilisant 4,3 millions d'euros pour développer de nouveaux outils et faire de la recherche. Comme le soulignait Daniel Broz, responsable financements institutionnels à la mairie de Roubaix lors de ces Rencontres, «ce sont les effets positifs collatéraux de la dynamique Zéro Déchet».
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