Pointe-à-Pitre, un "coupe-gorge" en "faillite" qui veut se redresser
Son maire Harry Durimel lui-même n'a pas hésité à la qualifier de "coupe-gorge" en "faillite totale". L'insécurité et l'insalubrité ont envahi les rues de Pointe-à-Pitre mais élus et habitants retroussent leurs...
Son maire Harry Durimel lui-même n'a pas hésité à la qualifier de "coupe-gorge" en "faillite totale". L'insécurité et l'insalubrité ont envahi les rues de Pointe-à-Pitre mais élus et habitants retroussent leurs manches pour tenter d'en redorer le blason.
Ces derniers mois, la sous-préfecture de la Guadeloupe - 14.500 habitants en 2020 - a largement nourri la chronique des faits divers. En mars, une commerçante y a été tuée lors d'un braquage. Puis des touristes en croisière ont été blessés à l'arme blanche par une femme atteinte de troubles psychiatriques.
Quelques jours plus tard, le croisiériste Virgin Voyages annonçait la fin de ses escales à Pointe-à-Pitre la saison prochaine. Motif: ses clients n'ont pas aimé cette ville pauvre (36% de chômage) et ses quartiers défraîchis, en proie à la drogue, la prostitution et la violence.
Les maisons typiques en bois colorées du centre-ville, à la peinture écaillée par le temps ou le manque d'entretien, sont régulièrement la proie des flammes. En mars, trois ont encore brûlé en une seule nuit.
Alors il y a deux semaines, au lendemain d'une énième nuit d'émeutes urbaines, le maire écologiste a tapé du poing sur la table.
"Pointe-à-Pitre en l'état est un coupe-gorge. Sans forces de l'ordre à la hauteur des défis", a lancé Harry Durimel à la presse. "Si j'ai les moyens, je continue, si je n'ai pas les moyens, j'arrête !"
L'élu exige que le gouvernement assume ses responsabilités dans tous les domaines.
Plan Marshall
"On peut maquiller les vieux immeubles avec du street art, on a déjà commencé à le faire, mais on a surtout besoin de dispositifs qui nous permettent de passer au-dessus du caractère sacramentaire de la propriété pour détruire les habitations qui le nécessitent", explique-t-il à l'AFP. "L'Etat doit nous aider là-dessus".
"Et j'ai aussi appelé, en août, à un plan Marshall sur la question de sécurité", rappelle le maire.
Harry Durimel le reconnaît, la situation financière de la ville a commencé à se redresser grâce aux fonds de l'Etat. Son déficit a été ramené à six millions d'euros grâce à une subvention exceptionnelle, le contrat de redressement (Corom).
"Quand je suis arrivé à la mairie (en 2020), il avoisinait 80 millions: je passe mon mandat à redresser la barre".
"Le Corom a produit des effets très positifs sur les finances" de Pointe-à-Pitre, a déclaré à l'AFP le sous-préfet de Guadeloupe, Jean-François Moniotte. "C'est aussi pour cela, et du fait de l'engagement du maire, qu'il a été décidé de le prolonger jusqu'en 2026".
Côté sécurité, une réunion de toutes les autorités et forces de l'ordre de l'île a été organisée au lendemain du coup de gueule du maire. Des descentes de police sont régulièrement menées.
Entre le 3 et le 5 avril, 35 policiers ont investi le quartier de Beauperthuis, réputé difficile. Contrôles d'identité, amendes pour détention de stupéfiants, quelques retraits de permis, aussi, autour de la cité de Mortenol, connue pour abriter les membres d'un gang important.
"C'est une présence rassurante pour les habitants et ça dissuade", note Christophe Gavat, le directeur territorial de la police nationale en Guadeloupe.
Chez moi
"Pour ma part, je ne me sens pas en insécurité à Pointe-à-Pitre", note François-Xavier René-Boisneuf, un de ces entrepreneurs qui restent ou s'installent malgré tout à Pointe-à-Pitre.
A la tête d'une épicerie fine de produits locaux depuis 2017, ce petit-fils d'un célèbre maire pointois a lancé un tour historique de la ville en tuk-tuk. "C'était naturel de venir s'installer ici, c'est chez moi".
Un collectif d'artistes a occupé le Centre des arts de la ville à l'abandon pour lui redonner vie en attendant une action des pouvoirs publics. Ici, une auberge de jeunesse a ouvert. De l'autre côté de la place de la Victoire, une boutique d'artisanat d'art. Là, un restaurant ou une boutique de cosmétiques haut de gamme.
"La ville a des atouts", souligne Francesco Fautra, entrepreneur qui a ouvert un bar et entend contrer l'insécurité avec "des vigiles, des caméras et, au maximum, des paiements en carte bancaire".
"Nous devons être le changement qu'on promeut", martèle Pauline Montauban, trentenaire fondatrice de la Maison Victoire, boutique-hôtel qui vante "le raffinement à la créole". Ouvert en 2023, son succès ne se dément pas.
Comme les autres, elle garde le souvenir d'une Pointe-à-Pitre d'antan lumineuse et active, et entend redorer son image à coups d'activités économiques. "Cette année, j'ouvre un fonds qui financera de l'artisanat d'art. L'archipel ne produit rien, il faut changer ça".
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