Point de vue
Entretien avec Sébastien Horemans, président de la CPME Somme, quelques jours après les annonces gouvernementales sur les aides apportées aux entreprises.
Picardie La Gazette : Que pensez-vous des mesures d’aides aux entreprises annoncées par le Gouvernement ?
Sébastien Horemans : Notre priorité, c’est déjà d’informer les entreprises sur les démarches qu’elles peuvent effectuer, de façon pratique. Le gros défaut de la France, c’est d’avoir des dispositifs extrêmement complexes, et qu’on ne comprend pas. Je pense que les premières mesures annoncées vont évoluer fortement, parce qu’elles sont à mon sens totalement insuffisantes et surtout pour certaines d’entre elles, totalement inadaptées.
À quelles mesures en particulier pensez-vous ?
Au fonds d’aide de la Région et de BPIfrance : il faut passer par le banquier, qui a aujourd’hui fermé le parapluie parce qu’il pleut… Il va y avoir des blocages, beaucoup de banquiers ne jouent pas le jeu, c’est ce que nous font remonter les entreprises, et ce que nous à la CPME Somme faisons remonter à la préfecture. Nous avons le sentiment que malgré la garantie à 90% de l’État, il y a un manque de souplesse à ce niveau, et des critères “ante crise”. Il va falloir que cela évolue ! Idem pour le dispositif compensatoire de la perte de revenus pour les travailleurs indépendants, il est inadapté. Ce sont des réformes bureaucrates, nous demandons des propositions pragmatiques.
“Ce sont des réformes bureaucrates, nous demandons des propositions pragmatiques”
Êtes-vous inquiets pour l’avenir des PME ?
Ce qui me rassure, c’est que l’État ne peut pas se permettre de perdre 30 à 40% des PME françaises, sous peine de mettre à terre les Finances publiques et le budget de la Sécurité sociale, et c’est ce qui va arriver si rien de plus n’est fait. Parce qu’il ne faut pas oublier que les PME payent beaucoup plus que les grands groupes, au niveau fiscalité et charges sociales. Le ministre de l’Économie et des finances va donc devoir revoir sa copie… Ce qui est en revanche très bien, efficace et intelligemment conçu, et je tiens aussi à le souligner, c’est le report des charges sociales et des prêts. Le gros souci à solutionner, c’est l’apport en trésorerie, c’est une usine à gaz. Nous sommes face à une situation inédite, si le Gouvernement n’est pas un peu plus fort, plus pragmatique dans ces mesures pour passer ce cap de manque de trésorerie, il y aura des drames.
Que demande la CPME Somme ?
Il faudrait une avance de trésorerie garantie par l’État, versée aux PME en fonction de leur chiffre d’affaires perdu pour les sauver. Ce serait une mesure toute simple et qui permettrait de faire patienter les entreprises. La France est le pays où les taxes sont les plus élevées au monde, les entreprises sont donc assez faibles et ne peuvent jamais faire de réserves, elles sont logiquement beaucoup plus fragiles face à la crise que par exemple les PME Allemandes. L’Italie et les États-Unis sont aussi partis à mon sens pour être plus dynamiques. Ce n’est pas en faisant peser des poids énormes sur les épaules des PME qu’on leur permet de se développer, en France, on n’a jamais compris ça… Je pense qu’on risque de le payer dans le cadre de cette crise. J’espère que d’ici trois semaines, l’activité va commencer à redémarrer mais rien n’est garanti et il va falloir agir de façon urgente.
Nous voulons aussi une indemnité des indépendants, je rappelle quand même qu’un chef d’entreprise n’a pas droit au chômage. On sait que c’est en train de bouger, reste à savoir si ce sera dans notre sens, si la réaction sera à la hauteur. Une de mes grandes inquiétudes, c’est qu’avant cette crise, on comptait déjà deux suicides de chefs d’entreprises par jour en France. Je reçois une vingtaine d’appels par jour d’entrepreneurs, pas uniquement des adhérents CPME Somme, désespérés. Nous allons continuer à nous exprimer, à être dynamiques, à faire remonter les informations au Gouvernement, en espérant que ça bouge.