Plus d'étudiants en médecine ? Les doutes de la communauté universitaire
Le nouveau coup d’accélérateur demandé par Gabriel Attal sur les effectifs d'étudiants en médecine suscite des doutes dans le monde universitaire, qui souligne l'ampleur des moyens à utiliser et le...
Le nouveau coup d’accélérateur demandé par Gabriel Attal sur les effectifs d'étudiants en médecine suscite des doutes dans le monde universitaire, qui souligne l'ampleur des moyens à utiliser et le risque d'une sur-réaction face aux besoins actuels.
Aiguillonné par les difficultés d’accès aux soins des Français, le Premier ministre a annoncé il y a quelques jours qu’il voulait porter à 16.000 le nombre d’étudiants en deuxième année de médecine en 2027.
Ce nombre a déjà progressé ces dernières années, avec presque 11.000 étudiants de 2e année aujourd'hui (après le difficile concours en fin de première année), contre 8.000 en 2017, notamment grâce à la fin du numerus clausus - le système de plafonnement du nombre d'étudiants - voulue par Emmanuel Macron.
Mais plusieurs syndicats ou responsables universitaires font part de leurs doutes sur la capacité de l'Etat à mobiliser les moyens nécessaires pour franchir ce nouveau palier.
"Nous sommes très méfiants car les capacités de formation sont aujourd'hui limitées", explique à l’AFP Jérémy Darenne, président de l’Association nationale des étudiants en médecine (Anemf).
"Les universités peinent déjà à absorber les augmentations récentes, donc nous ne voyons pas" comment ces capacités peuvent augmenter aussi fortement "en préservant la qualité de la formation", dit-il.
Manque d'enseignants
De fait, la hausse continue du nombre d'étudiants en médecine ces dernières années a poussé les facs près de leurs limites, confirme le Professeur Benoît Veber, président de la Conférence des doyens de médecine.
"L'immense majorité des facs n'est pas loin de leur plafond" de capacités de formation, a-t-il relevé mercredi lors d'une table ronde organisée par l'Ordre des médecins.
Pour aller plus loin que les quelque 12.000 étudiants déjà prévus pour 2025, il va falloir notamment "des créations de postes de professeurs de médecine, maîtres de conférence, chefs de clinique", souligne-t-il.
Or les facultés ont déjà du mal à trouver les enseignants nécessaires dans certaines spécialités, comme la dermatologie, la chirurgie pédiatrique ou l'anatomopathologie, selon lui.
"Il va falloir aussi du personnel administratif, des bibliothèques universitaires et des amphis de taille suffisante", relève-t-il auprès de l'AFP.
"On a déjà un problème aujourd'hui pour trouver des maîtres de stage" pour les futurs généralistes, rappelle Guillaume Bailly, président de l'intersyndicale nationale des internes (Isni). "Vous avez beau ouvrir les vannes sur les étudiants en médecine, si vous n'avez pas les moyens de les former, c'est plutôt délétère."
Départs en retraite
S'ajoute une question: en continuant d'augmenter fortement le nombre de carabins dans les années à venir, ne risque-t-on pas d'aller trop loin face aux futurs besoins du pays ?
En 2037, au moment où les 16.000 étudiants en médecine prévus par Gabriel Attal commenceront à être opérationnels, la situation aura déjà commencé à s'améliorer sur le front de la densité médicale, selon les prévisions de la Drees, la direction statistique du ministère de la Santé.
Ce sera la période lors de laquelle "le nombre de départ en retraite de médecins sera au plus bas", rappelle également Benoît Veber. Car elle correspondra aux départs des médecins formés pendant les années les plus strictes du numerus clausus - quand 3.000 à 3.500 praticiens étaient formés chaque année.
Par ailleurs, certains facteurs peuvent venir peser à la baisse sur la demande médicale, ou du moins la transformer profondément, ajoute Guillaume Bailly, de l'Isni.
"L'intelligence artificielle va se développer, assister les médecins" et "un essor des autres professionnels de santé" est en train de se produire, comme le montre le développement actuel de l'accès direct aux kinés, sage-femmes, infirmières de pratique avancée et autres para-médicaux, souligne-t-il.
"On manque de travaux prospectifs sur l'évolution des besoins" futurs concernant les médecins, reconnaît Emmanuel Touzé, doyen de la faculté de médecine de Caen et président de l'Observatoire de la démographie des professions de santé (ONDPS).
"On aura sûrement besoin d'une densité médicale plus forte à celle qu'on avait dans le passé, mais il est difficile de savoir à quel niveau", dit-il à l'AFP. "C'est l'objectif de travaux que nous allons mener dans les prochains mois."
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