Petites recettes de marketing territorial
Dans la concurrence que se livrent les territoires, comment rendre le sien plus attractif ? Forte d'une douzaine d'années d'expérience, une agence de développement (InvestinReims) témoigne, lors d'une conférence tenue au Salon des maires, début juin.
Concurrence entre les territoires oblige, le marketing territorial s’impose parmi les sujets qui préoccupent les acteurs publics. Le 1er juin dernier, à Paris, dans le cadre du Salon des maires et des collectivités locales, une conférence “Marketing des territoires, comment valoriser son territoire et soutenir son développement économique. Usages et bonnes pratiques” était consacrée à ce sujet.
Depuis une dizaine d’années, en effet, à l’image de Lyon ou Toulouse, par exemple, de nombreuses collectivités se sont lancées dans des campagnes de communication, pour tenter de développer leur attractivité économique. Mais ces stratégies supposent de promouvoir aussi la qualité de vie ou les possibilités de logement et d’éducation dans le territoire concerné, précise Nicolas Braemer, rédacteur en chef de La Lettre du Cadre territorial et animateur de la conférence. Par ailleurs, cette tendance suscite de nombreuses questions, pointe Nicolas Braemer : ces politiques sont-elles accessibles aux collectivités qui disposent de peu de moyens ? A quelle(s) cible(s) faut-il s’adresser? Quelle structure doit porter cette politique ? Faut-il la confier à l’agence de développement économique locale, par exemple, ou bien créer une structure ad hoc? En 2003, Reims a choisi de créer une agence spécifique, InvestinReims, dotée de 1,1 million d’euros de budget et d’une équipe de six salariés. Son directeur général, Jean- Yves Heyer, qui témoignait lors de la conférence, rappelle qu’il s’agissait, à l’origine, de préparer l’arrivée du TGV, prévue pour 2007. Financée par Reims Métropole et la CCI de Reims et Epernay, l’agence de développement économique a été chargée de rentabiliser cet investissement (100 millions d’euros) par la création de 500 emplois par an, provenant d’entreprises venues s’implanter sur le territoire. Depuis sa création, l’agence affiche un bilan de 203 entreprises créées pour environ 8 000 emplois, avec un taux de pérennisation de l’ordre de 87%.
“Il faut dépasser les 500 000 habitants”. Attirer les entreprises constitue un déf i de taille, car la concurrence est rude. “En France, le développement économique se fait plutôt sur le littoral.(…) Le marché des entreprises exogènes est un marché de niche”, explique Jean-Yves Heyer, qui évoque le chiffre annuel de 350 projets d’implantation d’entreprises de plus de 20 salariés en France, courtisées par quelque 130 agences de développement économique locales… “ Il faut être marathonien. Il nous faut trois ans pour ‘attraper’ une entreprise. Et en quatre mois, il faut être opérationnel. Pour tout cela, il faut avoir un esprit startup”, commente Jean-Yves Heyer.
Au delà de l’efficacité du service, il est également indispensable de cultiver sa différence avec les autres territoires pour attirer les entreprises. A ce titre, “Reims est une marque forte”, estime Jean-Yves Heyer. Pour autant, l’agence de développement communique sur “Reims, pôle métropolitain de 1,1 million d’habitants, à 40 minutes de Paris”. “Il vaut mieux raisonner en bassin de vie”, juge le responsable. Car le message s’adresse en réalité à trois cibles : les entreprises, les familles et les étudiants. “On s’installe dans une région à cause d’un travail, et on y reste à cause des conditions de vie (…), il faut travailler aussi sur la fidélisation de ces familles. Quand vous avez passé dix ans dans une ville, vous avez du mal à partir”, théorise Jean-Yves Heyer, pour qui touristes et retraités constituent des cibles spécifiques, qui appellent une stratégie à part.
Quant aux chefs d’entreprises, “la bataille à gagner, c’est celle du sourcing”, souligne le responsable : il faut qu’ils puissent recruter sur place, sinon ils ne viendront pas. Autre élément clé de la stratégie de l’agence de développement, la collaboration avec divers partenaires. “Nous avons créé l’agence avec la chambre de commerce, et c’est l’une des clés du succès”, estime Jean-Yves Heyer. Par ailleurs, “pour être visible, il faut travailler sur la coopération. Nous sommes sur un territoire avec dix agglomérations, et nous travaillons ensemble. C’est la règle du succès économique : pour parvenir à une taille minimale, il faut dépasser les 500 000 habitants”, poursuit-il. L’ensemble de la communication de l’agence est relayée largement, notamment via Internet et les réseaux sociaux. Et elle passe également par ses quelque 350 “ambassadeurs”, des chefs d’entreprises qui se font – gracieusement – les promoteurs du territoire.