Pesticides: l'agence sanitaire alerte sur des effets néfastes pour la santé des jeunes enfants
Les autorités sanitaires alertent jeudi sur l'effet néfaste pour la santé humaine de pesticides très utilisés en agriculture mais aussi en usage domestique, pointant en particulier des risques pour "le neurodéveloppement des très...

Les autorités sanitaires alertent jeudi sur l'effet néfaste pour la santé humaine de pesticides très utilisés en agriculture mais aussi en usage domestique, pointant en particulier des risques pour "le neurodéveloppement des très jeunes enfants", notamment ceux exposés in utero.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) avait mandaté un collectif d'experts indépendants pour évaluer les risques potentiels à partir des résultats d'une expertise de l'Inserm de 2013 mise à jour en 2021.
Celle-ci dresse un état des lieux des connaissances sur les liens entre l'exposition aux pesticides - produits phytopharmaceutiques à usage agricole, produits biocides, vétérinaires- et la survenue de pathologies.
Ces experts ont croisé les données disponibles sur les présomptions de lien entre expositions aux pesticides et pathologies humaines établies par l'Inserm, celles sur les usages autorisés et sur les toxicités des différents pesticides.
Au terme de ce travail l'Anses pointe des "signaux sanitaires", dont "les plus importants concernent les organophosphorés, et surtout les pyréthrinoïdes".
Ces substances "sont utilisées comme insecticides, mais certains produits phyto-pharmaceutiques et des médicaments vétérinaires, en contiennent également", précise à l'AFP Matthieu Schuler, directeur général délégué en charge du pôle sciences pour l'expertise à l'Anses.
Parmi elles, "la ciperméthrine est utilisée pour protéger les cultures, et en tant que médicament vétérinaire pour les moutons ou contre les tiques", précise-t-il.
L'agence lance ainsi quatre alertes (niveau le plus élevé du "signal sanitaire" qu'elle peut émettre): l'une porte sur "les effets de l'exposition aux pyréthrinoïdes pendant la grossesse et la petite enfance sur le neurodéveloppement des enfants", notamment révélés par une étude de 2022 - réalisée en population générale en Chine, elle montre des effets "particulièrement prononcés" à des niveaux d'exposition élevés - suscitant des "préoccupations importantes et croissantes", pointent les experts.
Une autre porte sur "l'altération des capacités motrices, cognitives et des fonctions sensorielles chez l'enfant" exposés in utero aux organophosphorés qui sont des ingrédients d'insecticides.
Les deux autres sont relatives à des "troubles cognitifs chez l'adulte" et des leucémies, "en lien avec une exposition professionnelle aux organophosphorés".
Aussi, des "atteintes spermatiques ont également été identifiées dans la population générale, toutes sources d'exposition confondues, néanmoins avec un niveau de présomption plus faible", révèle l'Anses.
Utilisation très importante
En outre, "une substance de la famille des pyréthrinoïdes, la deltaméthrine, est également associée à un risque accru de leucémie" en "lien avec une exposition professionnelle", avec "un niveau de présomption moyen", poursuit l'agence sanitaire.
Or l'utilisation de ces substances insecticides est "encore très importante", tant pour "des usages professionnels agricoles" que "des usages biocides professionnels et amateurs", souligne l'Anses.
Ainsi, "la source principale d'exposition de la population générale, ce sont les bombes et les prises insecticides utilisées pour éloigner les insectes, ou les colliers pour chiens et chats", indique M. Schuler.
Si "l'on n'est pas capables aujourd'hui d'être très précis sur les sources d'exposition" qui doivent être davantage étudiées, l'étude Esteban de Santé publique France a montré en 2021 des "niveaux importants" d'imprégnation de la population française pour les pyréthrinoïdes, "plus élevées chez les enfants que les adultes", rappelle-t-il.
Pour "mettre en place des mesures de prévention en santé publique, l'Anses recommande d'identifier les sources d'expositions les plus importantes aux pyréthrinoïdes parmi tous les usages insecticides possibles: médicaments, produits phytopharmaceutiques et biocides", "matériaux de construction et d'ameublement, textiles".
En revanche l'usage des organophosphorés est "très limité aujourd'hui en France".
L'Anses a transmis ses travaux aux autorités européennes -Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), Agence européenne des médicaments (AME) - alors que l'autorisation de mise sur le marché de certains de ces produits (téfluthrine, lambda-cyhalothrine, deltaméthrine) est en cours de réexamen niveau de l'UE.
L'agence appelle d'ores et déjà à informer les professionnels de santé et la population à "limiter l'utilisation" des produits contenant des pyréthrinoïdes, "en particulier lors de la phase prénatale et la petite enfance".
Ces produits sont épandus pour éradiquer les moustiques vecteurs de l'épidémie de dengue à la Réunion, un "usage qui paraît essentiel", contrairement aux "usages de confort contre des araignées, à la maison", dit M. Schuler.
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