Pervers ou pionnier ? L'entrepreneur qui veut convertir la Corée du Sud au porno
Quand Lee Hee-tae a annoncé à ses parents qu'il se lançait dans l'industrie du porno dans la conservatrice Corée du Sud, il leur a conseillé de ne pas penser au qu'en dira-t-on, mais...
Quand Lee Hee-tae a annoncé à ses parents qu'il se lançait dans l'industrie du porno dans la conservatrice Corée du Sud, il leur a conseillé de ne pas penser au qu'en dira-t-on, mais seulement à l'argent qu'il allait se faire.
L'argument financier est clair, explique-t-il à l'AFP: une demande intérieure soutenue et un intérêt croissant à l'étranger où la Corée du Sud fascine grâce à ses séries télévisées et à la K-pop.
Mais le puritanisme local fait du secteur sud-coréen des films pour adultes un petit joueur par rapport à celui du Japon. D'après les recherches de M. Lee, la Corée du Sud produit environ 2.000 films pornographiques par an. Une minuscule fraction de ce qui se tourne dans le pays voisin où l'industrie du X pèse près de 34 milliards d'euros.
Pour M. Lee, il s'agit non seulement d'une opportunité économique manquée, mais aussi d'une tragédie personnelle pour de nombreux Sud-Coréens, incapables de parler correctement de sexe et de désir en raison de la nature taboue de tous ces sujets.
"J'aimerais que la Corée du Sud soit plus ouverte sur la sexualité", affirme M. Lee.
Sa société Play Joker, spécialisée dans les contenus pour adultes, est récemment passée de la production de films à l'organisation d'événements en direct afin, selon lui, d'essayer de faire évoluer les mentalités dans le pays.
Epidémie de caméras espionnes
La pornographie est légale en Corée du Sud, mais elle est sévèrement réglementée. Toute image d'organes génitaux doit être floutée.
Parallèlement, le pays est confronté à une épidémie de "molka" (caméras espionnes). Le phénomène va des femmes filmées à leur insu dans les WC jusqu'aux fuites de vidéos sexuelles de stars de la K-pop.
M. Lee soutient que les deux phénomènes sont liés, et que libéraliser le porno aiderait à lutter contre les caméras clandestines. Selon lui, certaines des personnes qui regardent des "molka" n'ont pas conscience de la différence entre pornographie professionnelle et vidéos sexuelles illégales, faute de connaître la première.
Ce qui est loin d'être l'avis des associations de défense des droits des femmes.
"L'affirmation selon laquelle la soi-disant +culture sexuelle libre+ contribuera à empêcher la diffusion de contenus illégaux pour adultes est un mensonge flagrant", a ainsi estimé la Suwon Women's Hotline dans un communiqué en avril. "Il ne s'agit de rien d'autre que d'une tentative de répandre encore plus largement la culture de la violence sexuelle".
Acteurs japonais
La société de M. Lee a produit environ 500 films pour adultes, dont la plupart ont été tournés au Japon avec des acteurs japonais.
La plupart s'adressent à un public masculin. Mais l'entrepreneur affirme qu'il existe dans l'industrie une tendance de fond en faveur du porno spécifiquement destiné aux femmes.
Il raconte qu'une chaîne câblée sud-coréenne pour adultes a eu la surprise de constater un bond d'audience entre 11h00 du matin et 12h30, ce qui a incité le secteur a mener des recherches.
"Il s'avère que les femmes allument la télévision après avoir envoyé leur mari au travail et leurs enfants à l'école", assure-t-il.
Mais en plus du conservatisme sexuel, une multitude de règlementations "empêchent l'industrie d'atteindre son potentiel maximal", regrette M. Lee.
Par exemple, il est hors de question de vêtir une actrice porno d'un uniforme d'écolière ou d'hôtesse de l'air. Dans le premier cas, cela enfreindrait les lois sur la protection de l'enfance. Dans le second, le producteur "s'expose à des protestations monstre de la part des syndicats du personnel aérien navigant", explique Lee Hee-tae.
Quasi-prostitution
"Grâce à la K-pop, la marque Corée s'est développée et de nombreux pays recherchent aujourd'hui des contenus pour adultes coréens", poursuit-il, regrettant que l'offre ne suffise pas à répondre à la demande
Frustré, il a décidé de se tourner vers l'organisation d'événements en direct. Mais sa tentative de tenir le plus grand festival sexuel de Corée du Sud en avril à Suwon, dans la banlieue de Séoul, s'est heurtée à une campagne au vitriol sur internet et à des actions en justice.
Des groupes féministes ont dénoncé une "manifestation d'exploitation sexuelle" et une "quasi-prostitution".
Face au tollé, les autorités locales de Suwon ont annulé l'événement. M. Lee a trouvé un nouveau local à Séoul. Mais la municipalité a menacé de suspendre les licences de l'établissement et de lui couper l'électricité, et il a dû annuler à nouveau, subissant une importante perte financière.
Il a intenté des procès contre la ville de Suwon et certaines organisations féministes pour leur réclamer des dommages et intérêts. Ses déboires ont attiré l'attention du député d'opposition Chun Ha-ram, qui a mis en doute le droit pour les autorités d'annuler un tel événement.
"Qu'y a-t-il de mal à organiser un festival réservé aux adultes ?" s'est-il interrogé sur Facebook. "Les autorités devraient rester à l'écart de cette question. Sauf en cas d'illégalité flagrante, l'Etat n'a pas le droit de s'immiscer dans la sphère culturelle".
Lee Hee-tae, qui espère que ce type de réaction soit le signe que le vent est en train de tourner, prévoit d'organiser un nouvel événement en juin, et jure qu'il ne se découragera pas.
"J'aimerais rappeler aux gens que nous avons tous été créés au moyen du sexe", dit-il.
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