Pénurie d'ivoire et boules de billard: aux origines du plastique

Dix mille dollars : c'est en quête de ce pactole, équivalant à 250.000 dollars actuels, qu'une poignée de Géo Trouvetou cherchent au XIXe siècle à créer un matériau pour remplacer l'ivoire...

Au XIXe siècle, les boules de billard étaient encore façonnées dans des défenses d'éléphants © YASSER AL-ZAYYAT
Au XIXe siècle, les boules de billard étaient encore façonnées dans des défenses d'éléphants © YASSER AL-ZAYYAT

Dix mille dollars : c'est en quête de ce pactole, équivalant à 250.000 dollars actuels, qu'une poignée de Géo Trouvetou cherchent au XIXe siècle à créer un matériau pour remplacer l'ivoire dans la fabrication des boules de billard.

A l'époque, ces sphères sont façonnées dans des défenses d'éléphants. L'ivoire comporte deux défauts majeurs : il est "affreusement cher" et ses stocks sont limités, "une défense standard fournissant suffisamment d'ivoire pour seulement quatre ou cinq boules de qualité", se désole Michael Phelan, star du billard et promoteur d'événements, dans son livre "The Game of Billiards" publié en 1858.

En 1863, son entreprise Phelan & Collender met les inventeurs au défi de trouver une alternative.

D'aucuns s'y étaient déjà cassé les dents. Comme l'Anglais Alexander Parkes (1813-1890), inventeur prolifique, (qui) trouva en 1856 un ersatz, la Parkesine, à base de cellulose, d'acide nitrique et d'éthanol. Mais cette matière était jugée onéreuse en raison de l'alcool entrant dans sa composition et présentait un vieillissement rapide.

John Wesley Hyatt, "jeune imprimeur à l'esprit inventif", aura plus de réussite, mais il devra remettre maintes fois son ouvrage sur le métier avant d'accéder à la postérité, comme le raconte le Lemelson Center, affilié à la Smithsonian Institution.

Dentiers, baleines et faux-cols

Motivé par la récompense promise, il dépose son premier brevet en 1865, à 28 ans. Son invention - de la fibre de bois recouverte d'un mélange de gomme-laque et de poussière d'ivoire - ne convainc pas les amateurs de billard.

En 1868, une bouteille de collodion (nitrocellulose mélangée à de l'éther et de l'alcool, NDR) se renverse et John Wesley Hyatt se rend compte qu'à l'air libre, ce liquide, utilisé par les imprimeurs pour protéger leurs doigts des brûlures, "se solidifie en une matière dure et claire".

Cette découverte fortuite ouvre la voie à l'invention fin 1869 du Celluloïd, mélange de collodion et de camphre. Pour se passer d'alcool, John Wesley Hyatt a l'idée d'incorporer les éléments "à chaud et sous pression", rapporte l'encyclopédie Universalis.

C'est un succès. Les boules de billard en celluloïd sont "difficiles à distinguer des boules en ivoire", malgré "un prix réduit de moitié", vante le New York Times en 1872.

John Wesley Hyatt et son frère commercialiseront également, selon Universalis, "des dentiers, (...) des baleines pour corsets, des faux-cols, des boutons, de grands peignes pour les dames, des plastrons de chemises, qui ne rétrécissaient pas au lavage et se nettoyaient d'un coup d'éponge".

Aujourd'hui, le celluloïd, dont le défaut est d'être inflammable, est encore parfois utilisé pour fabriquer des balles de tennis de table. 

Le premier plastique entièrement synthétique et vierge de toute molécule présente dans la nature (sans cellulose) sera pour sa part inventé juste après, en 1907, par le chimiste belge Leo Baekeland. 

Sa bakelite, qui appartient aujourd'hui aux plastiques vintages comme le celluloid, est issue d'une réaction entre le phénol et le formaldéhyde. Elle servira à fabriquer des cendriers, des boîtiers de téléphone ou des prises électriques.

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