Pauvreté: les associations débordées par les demandes d'aide

Les associations de lutte contre la pauvreté alertent sur la forte hausse de demandes d'aide, à l'instar des Restos du Coeur qui ne parviennent plus à faire face à cet afflux et ont décidé...

Des bénévoles des "Restos du coeur" mettent en place un point de distribution alimentaire, à Paris le 21 mars 2023 © Christophe ARCHAMBAULT
Des bénévoles des "Restos du coeur" mettent en place un point de distribution alimentaire, à Paris le 21 mars 2023 © Christophe ARCHAMBAULT

Les associations de lutte contre la pauvreté alertent sur la forte hausse de demandes d'aide, à l'instar des Restos du Coeur qui ne parviennent plus à faire face à cet afflux et ont décidé de réduire le nombre de personnes accueillies.

Après avoir vérifié la carte d'inscription d'une femme accompagnée de son bébé, Corine Lemeunier se retourne pour attraper derrière elle une boîte de lait infantile, des petits pots et un paquet de couches, qu'elle glisse rapidement dans le sac cabas de la bénéficiaire. "C'est très dense, on n'arrête pas", commente auprès de l'AFP cette bénévole des Restos du Coeur.

Ce centre de distribution du XIe arrondissement de Paris, calibré pour recevoir 1.400 personnes par semaine, en accueille désormais 3.500. "Il y a eu un afflux de demandes d'aide pendant la pandémie et cela n'a pas baissé depuis, au contraire, cela augmente", indique à l'AFP Philippe Blanc, le responsable adjoint. Le centre a reçu cette année 37% de personnes supplémentaires par rapport à l'an dernier.

Les bénéficiaires, majoritairement des femmes avec des enfants en bas âge ce vendredi-là, se pressent le long d'une petite allée centrale. Des bénévoles, installés à côté des piles de cageots de pommes de terre, tomates et pastèques, remettent à chacun la quantité qui lui revient, selon la composition de la famille.

Noëlle, 32 ans, ressort avec des compotes, yaourts et produits bébé, calés en bas de sa poussette. "Vu leur coût, les produits du quotidien ne sont plus à notre portée", témoigne cette mère de famille, dont le mari travaille au noir. "Avec l'inflation, tout est chamboulé, on n'arrive plus à manger normalement".

Restriction

L'inflation en France a progressé de 4,8% sur un an en août, selon l'Insee. L'un de ses principaux moteurs reste le prix des produits alimentaires, qui ont bondi de 11,1% sur un an le mois dernier, une envolée moins rapide qu'en juillet (12,7%) mais toujours significative. 

Dans ce contexte, les Restos du Coeur constatent également au niveau national une hausse significative du nombre de demandes d'aide: l'association a déjà accueilli 1,3 million de personnes en 2023, contre 1,1 million sur l'ensemble de l'année dernière. En parallèle, ses coûts de fonctionnement s'alourdissent, notamment celui de ses achats de produits alimentaires, redistribués ensuite gratuitement aux bénéficiaires. 

"C'est une situation extrêmement complexe, qu'on n'a jamais connu aux Restos", depuis leur création en 1985 par Coluche, et qui a plongé les comptes dans le rouge, indique à l'AFP son président, Patrice Douret.

L'association, qui assure 35% de l'aide alimentaire en France, s'est résignée à réduire cet hiver le nombre de bénéficiaires. Pour cela, elle va baisser le seuil du reste à vivre (montant des revenus disponible après la déduction des charges fixes, comme le loyer, l'électricité) permettant une inscription.

"C'est un véritable crève-coeur, nous allons devoir massivement dire non à des personnes que nous aurions pu accueillir avant l'inflation" mais "nous n'avons pas le choix", souligne Patrice Douret, qui appelle à "une mobilisation massive" des pouvoirs politique et économique pour aider l'association à "franchir ce cap difficile".

Approvisionnement

Contactées par l'AFP, d'autres grandes associations de lutte contre la pauvreté observent cet afflux de demandes d'aide, mais n'envisagent pas pour l'heure de restreindre leur action. 

Au Secours Populaire, elles progressent "de 20 à 40%, selon les territoires", une situation "très inquiétante", selon Houria Tareb, secrétaire nationale. "On manque de moyens humains et financiers".

A la Croix-Rouge, les demandes d'aide alimentaire ont progressé de 7% au premier semestre, par rapport à la même période l'an dernier, également marquée par un bond des demandes. "La tendance se perpétue, on est encore capable de répondre grâce à nos donateurs mais il ne faudrait pas que cela continue", commente auprès de l'AFP Audrey Boursicot, responsable du programme de lutte contre la précarité alimentaire. 

Plusieurs associations travaillent notamment sur de nouvelles solutions pour continuer de s'approvisionner en produits, tout en préservant leurs finances. 

L'Armée du Salut, qui a "pratiquement doublé" l'aide alimentaire qu'elle apporte par rapport à la période d'avant la crise sanitaire, tente par exemple de passer des accords avec des agriculteurs.

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