Patrice Vergriete, président de la Communauté urbaine de Dunkerque : «Notre agglomération est devenue un laboratoire de…
En marge de la COP 27 qui s’est récemment tenue en Egypte, le maire de Dunkerque et président de la Communauté urbaine, Patrice Vergriete, a participé à une table-ronde sur les enjeux de la décarbonation dans les territoires à l’Elysée. Alors que le Président Macron vient d’annoncer «un pacte de décarbonation» doté de 10 milliards d’euros, pour accompagner les industriels les plus émetteurs de CO2 en France, l’élu local est venu témoigner de l’expérience dunkerquoise en la matière.
La Gazette Nord-Pas de Calais. Emmanuel Macron vient d’annoncer la mise en place d’un pacte de décarbonation pour les industriels les plus émetteurs de CO2. Qu’en pense l’élu local d’un territoire fortement émetteur que vous êtes ?
Patrice Vergriete. Je ne peux qu’applaudir des deux mains ! Il faut bien savoir que depuis plus de 30 ans, les bassins industriels ont été les grands oubliés des politiques. Alors, avoir un président qui se mobilise contre la désindustrialisation en anticipant l’industrie de demain issue des filières décarbonées, c’est une nouvelle presqu’inespérée. D’autant plus que cet accompagnement doit se faire bassin par bassin et même site par site. C’est, selon moi, le gage de la réussite. Aucune industrie ne peut être déconnectée de la réalité de son écosystème.
En marge de la COP 27 et de ces annonces, vous avez été convié à participer à une table-ronde à l’Elysée sur la décarbonation industrielle dans les territoires. En quoi l’agglomération dunkerquoise est-elle un exemple en la matière ?
Pour l’expliquer, il faut remonter à 2014-2015. A l’époque, cela faisait plus de 10 ans qu’aucun projet industriel, hormis la construction d’un terminal méthanier au port de Dunkerque, n’avait vu le jour. On était même dans une phase de perte d’emplois industriels, avec un taux de chômage de deux points supérieurs à la moyenne nationale. Alors, avec tous les acteurs économiques, institutionnels et portuaires, nous nous sommes réunis pour réfléchir à ce que nous voulions pour notre territoire et sa plateforme industrialo-portuaire issue des années 1960-1970. Il en est ressorti qu’il nous fallait anticiper l’industrie des 20 à 30 prochaines années qui serait forcément décarbonée.
Nous avons donc formé un collectif afin d’avancer ensemble, avec une vision commune des actions à mener : renforcer l’économie circulaire dont notre territoire est pionnier, d’abord. C’est ainsi que l’idée d’une «autoroute de la chaleur» entre industriels a germé. Cet appui à l’économie circulaire a amené les premières réimplantations industrielles à Dunkerque. Ensuite, commencer avant tout le monde notre transformation industrielle en décarbonant l’industrie existante, le sidérurgiste ArcelorMittal qui pèse plus de 3 000 emplois dans l’agglomération en étant le premier exemple.
Car décarboner, c’est amener de nouvelles filières sur le territoire, notamment celle des énergies renouvelables ou du captage du CO2. C’est aussi intéresser des industries issues de la décarbonation. C’est entrer dans un cercle vertueux qui prouve que la compétitivité des industries ne vient pas seulement de leur process mais surtout de l’écosystème dans lequel elles se trouvent.
Cette ambition de faire de Dunkerque un laboratoire de l’industrie de demain, vous en récoltez aujourd’hui les annonces d’implantations industrielles et les 16 000 emplois attendus dans les dix années à venir ?
Oui, toutes les annonces qui se sont succédé en début d’année montrent que nous ne nous sommes pas trompés. Il aura fallu huit ans pour notre travail de fond porte ses fruits. Si Verkor a décidé d’implanter sa première gigafactory de composants pour batteries électriques qui va amener la création de 2 000 emplois d’ici 2030, c’est aussi parce qu’il sait, à terme, pouvoir disposer sur le territoire de chaleur décarbonée pour son process grâce au réseau de chaleur. La décarbonation du process de fabrication de l’acier d’ArcelorMittal conduit aussi à l’émergence de plusieurs projets d’implantations de sites de fabrication d’hydrogène vert sur le territoire mais aussi d’une véritable filière de captage et de stockage du CO2.
Du fait de la décarbonation, les besoins en électricité vont exploser. Notre territoire y est plus que jamais préparé avec l’implantation à venir d’un champ éolien off-shore au large de Dunkerque et l’arrivée de deux réacteurs EPR nouvelle génération sur le site nucléaire de Gravelines. Tous ces projets mis bout-à-bout vont effectivement conduire à la création de 16 000 emplois directs et indirects sur le territoire dans les 10 ans. C’est du jamais-vu !
Ces 16 000 emplois conduisent le territoire à relever plusieurs défis, notamment ceux de la formation et du logement. Comment s’y prépare-t-il ?
Dès à présent, grâce au Pacte éducatif dunkerquois que le territoire a signé en septembre avec le Rectorat de Lille, la formation des jeunes devient l’une de nos priorités. De nouveaux BTS, en lien avec les futurs besoins des employeurs, sont notamment attendus dès la rentrée 2023. Nous souhaitons aussi revaloriser les métiers de l’industrie pour que nos jeunes, et plus particulièrement les filles, s’y engagent par choix et non par dépit. Les habitants ne comprendraient pas que les nouveaux emplois à venir ne leur profitent pas en priorité.
Et puis, pour les postes qui ne pourront pas être dévolus aux locaux, nous devons aussi préparer le territoire à accueillir de nouveaux habitants. D’ici 2030, ce sont 4 000 nouveaux logements qui devront être construits. Il faudra aussi des crèches, des services publics… Bien au-delà de l’industrie, c’est le territoire dans son ensemble qui se trouve face à une transformation inédite.