Pascal Vanhelder, l’avocat et les entreprises

Bâtonnier pour deux ans, il revient sur ce qui change en ce moment dans le rôle de l’avocat. Et notamment sous l’effet des assouplissements apportés par la loi Macron.

Pascal Vanhelder à son cabinet de Valenciennes.
Pascal Vanhelder à son cabinet de Valenciennes.
D.R.

Pascal Vanhelder à son cabinet de Valenciennes.

Pascal Vanhelder, avocat depuis 42 ans, a pris, le 1er janvier 2016, ses fonctions de bâtonnier de l’ordre des avocats de sa ville. Pendant deux ans, il va donc assurer des fonctions de représentation, de discipline ; il va veiller au respect des règles, de la déontologie et au bon fonctionnement du Conseil de l’ordre local dont il est aussi le président. Pascal Vanhelder exerce, par ailleurs, des fonctions locales (conseiller municipal délégué de sa ville, conseiller communautaire, vice-président du Syndicat intercommunal des transports urbains du Valenciennois…). Le barreau de Valenciennes, ce sont, dit-il, 110 avocats, dont la moitié ont moins de 35 ans et où les femmes sont majoritaires.

La Gazette. Comment voyez-vous évoluer le rôle de l’avocat auprès des chefs d’entreprise ?

Pascal Vanhelder. En tant que libéral, je tiens à dire, tout d’abord, que l’avocat est lui-même chef d’entreprise et qu’il gère aussi du personnel. Bien sûr, son activité est particulière puisqu’il participe au fonctionnement de la justice. Concernant les entreprises, l’avocat peut intervenir à toutes les étapes de leur vie : de la rédaction des statuts à la cession, en passant par les augmentations de capital. Nous n’avons pas de monopole en la matière et je rappelle qu’il y a un débat national actuellement avec l’ordre des experts-comptables… Pour l’instant, disons que le chiffre et le droit restent, en principe, séparés. En revanche, sa mission principale commence, elle, bien sûr, à la porte du tribunal.

Quelle est la valeur ajoutée d’un avocat ?

La valeur ajoutée d’un avocat, c’est sa formation juridique, la durée de ses études, ses stages, sa formation continue… C’est comparable à un médecin. Autres atouts : son code de déontologie et le secret professionnel. Souvent, le chef d’entreprise vient nous trouver à l’occasion d’un contentieux. Il peut s’agir d’un différend relevant des prud’hommes ; d’un conflit entre deux entreprises arrivant devant le tribunal de commerce ; d’un litige concernant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comme dans le cas de l’amiante, des autres maladies professionnelles, des accidents du travail…. L’avocat intervient aussi dans des dossiers de contrôle fiscal ou de droit public devant le tribunal administratif, quand, par exemple, une entreprise conteste les circonstances d’une délégation de service public. Je peux citer encore le droit des sociétés, le droit pénal des affaires… En volume, la tendance est à la baisse de ces missions judiciaires et à la progression d’autres champs de compétences qui s’ouvrent. Et, bien sûr, la valeur ajoutée d’un avocat, c’est sa réputation qui tient aux résultats obtenus…

Le rôle de l’avocat est-il méconnu des entrepreneurs ?

Pour être l’interlocuteur des entreprises, la profession doit évoluer vers le développement de sociétés interprofessionnelles et de structures où le chef d’entreprise pourra trouver toutes les compétences dont il a besoin : avocats spécialisés, huissiers, experts-comptables, commissaires-priseurs… Petite remarque : il est dommage que les entreprises de notre secteur fassent appel à des avocats parisiens alors qu’elles ont toutes les compétences ici.

Envisagez-vous, étant donné le développement de l’économie libérale, une évolution à l’américaine de votre métier, où les transactions seraient plus fréquentes que les procès. Les médiations et conciliations qui évitent le contentieux, ça existe déjà. Un autre dispositif est prévu par la loi : la convention de procédure participative qui permet de régler un différend à l’amiable. Le problème, c’est qu’en France, on a plutôt la culture du conflit et du procès. Dans les pays anglo-saxons, on a davantage celle du compromis et du contrat. Mais je pense que le rôle de l’avocat pourrait bien se développer de ce côté. C’est une piste.

Voyez-vous d’autres axes de développement de votre profession dans le domaine économique ?

J’en viens à la loi Macron qui élargit le périmètre d’intervention de l’avocat et apporte de la souplesse. Elle rend possible ces cabinets interdisciplinaires dont je parlais. Un avocat peut aussi, maintenant, devenir mandataire immobilier ou conseil et représentant d’un sportif professionnel… Dans mes discours de rentrée, j’ai insisté sur les nouveautés dans l’exercice territorial de la profession. Avec la loi Macron, il n’est plus limité au ressort du tribunal de grande instance. Le rôle de l’avocat va s’étendre. Même si, pour l’instant, l’organisation des juridictions ne suit pas le même rythme.

Bernard KRIEGER