Pap Ndiaye, ministre en sursis, laissé sous le feu roulant des droites

Accablé par la droite et l'extrême droite après sa charge contre CNews, le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye, régulièrement donné partant en cas de remaniement, affronte une énième épreuve...

Le ministre de l'Education Pap Ndiaye, à l'Assemblée nationale, le 11 juillet 2023 © Geoffroy VAN DER HASSELT
Le ministre de l'Education Pap Ndiaye, à l'Assemblée nationale, le 11 juillet 2023 © Geoffroy VAN DER HASSELT

Accablé par la droite et l'extrême droite après sa charge contre CNews, le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye, régulièrement donné partant en cas de remaniement, affronte une énième épreuve, sous le regard indifférent de la majorité.

Invité surprise du gouvernement Borne en 2022, celui qui faisait figure de symbole, premier ministre noir de l'Education nationale, universitaire reconnu et étiqueté à gauche, poursuit son rude apprentissage de l'univers politico-médiatique.

Réputé peu politique malgré ses affirmations - "je ne suis plus un néophyte", disait-il fin juin à l'AFP -, Pap Ndiaye, 57 ans, a pris la foudre en qualifiant sur Radio J dimanche, la chaîne CNews "d'extrême droite".

"Quand vous regardez CNews, quand vous regardez ce qu'est devenu Europe 1, quand vous regardez cet ensemble-là, la conclusion s'impose. Oui, CNews c'est très clairement d'extrême droite. Je pense qu'ils font du mal à la démocratie, il n'y a aucun doute", a affirmé le ministre ciblant Vincent Bolloré, un "personnage manifestement très proche de l'extrême droite la plus radicale".

Au tollé des journalistes de la branche média du groupe Bolloré, sont venues s'ajouter les attaques de la droite et de l'extrême droite contre un ministre devenu leur cible favorite.

"Le ministre de l'Education nationale est nullissime (...) et essaie de faire diversion en s'attaquant à la liberté de la presse", a lancé le chef des LR Eric Ciotti sur France 2 mercredi.

Procès en +wokisme+

Interpellé mardi à l'Assemblée nationale lors des questions au gouvernement, M. Ndiaye s'est étonné des réactions sur "des constats banals que je fais sur l'évolution d'une chaîne de télévision".

La nomination inattendue au ministère de l'Education de ce spécialiste de l'histoire sociale des Etats-Unis et des minorités, était censée incarner une rupture de ton par rapport à son prédécesseur Jean-Michel Blanquer, qui s'était mis à dos une grande partie du monde enseignant.

Cependant, si la forme a changé, le fond reste le même, critiquent les syndicats d'enseignants qui jugent que le seul décisionnaire en matière éducative se trouve à l'Elysée.

La feuille de route de M. Ndiaye apparait en effet largement dictée par Emmanuel Macron qui lui laisse peu de place, se réservant la primauté de toutes les grandes annonces, par exemple sur la revalorisation salariale des enseignants.

Autant de couleuvres à avaler pour un ministre qui a dû aussi en rabattre sur son plan sur la mixité sociale et scolaire.

Le chef de l'Etat est en revanche beaucoup plus en retrait lorsqu'il s'agit de défendre son ministre face à la droite et l'extrême droite qui instruisent un procès systématique en "wokisme".

"Pap Ndiaye n'est pas dans les trucs tordus. Mais il n'a pas réussi à se départir de l'image de +wokiste+ en chef, alors qu'objectivement il n'a rien fait pour accréditer la thèse", commente un ministre.

Injuste

"Le Maire, Darmanin, vu les résultats… ils s’en sortent bien alors qu’on ne va rien laisser passer à Ndiaye car il n’a pas été élu. C’est soi-disant un +wokiste+ ! C’est particulièrement injuste", juge un cadre de la majorité à l'Assemblée.

Un communicant proche du pouvoir résume: "C'est comme Agnès Buzyn (ex-ministre de la Santé issue de la société civile), ce monde politique est trop dur pour eux".

Face à une nouvelle salve de critiques alors qu'il est particulièrement fragilisé, Pap Ndiaye aura pu mesurer la faiblesse de ses soutiens dans son propre camp. Pour une députée comme Caroline Janvier (Renaissance), qui soutient que Pap Ndiaye "a raison" de rappeler que "CNews est bien un média d’extrême-droite", combien de députés gardent un prudent silence?  

Invité mardi d'Europe 1, Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a paru prendre ses distances avec son homologue de la rue de Grenelle: "Si je pensais qu'Europe 1 était une station d'extrême-droite, je ne serais pas venu à votre antenne ce matin".

Quant à la Première ministre Elisabeth Borne, interrogée mercredi sur la situation au JDD où la rédaction est en grève contre l'arrivée de Geoffroy Lejeune, journaliste marqué à l'extrême droite, puis sur les propos de son ministre, elle a répondu à la seule première interpellation: "il n'appartient pas au gouvernement d'interférer dans la gestion des médias, quels qu'ils soient".

Le MRAP lui, dénonce dans un communiqué mercredi "avec la plus grande fermeté les attaques ignobles" et "aux relents incontestatblement racistes" dont fait l'objet le ministre de l'Education.

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