Ouverture du procès du déraillement mortel d'un TGV en Alsace
La SNCF et Systra, la société en charge des essais à grande vitesse, ont commencé lundi à se renvoyer la balle concernant leurs responsabilités respectives au premier jour du procès du déraillement de la rame d'un TGV d'essai qui avait causé la mort...
La SNCF et Systra, la société en charge des essais à grande vitesse, ont commencé lundi à se renvoyer la balle concernant leurs responsabilités respectives au premier jour du procès du déraillement de la rame d'un TGV d'essai qui avait causé la mort de 11 personnes en Alsace le 14 novembre 2015.
"Systra n'est pas à l'origine de l'accident", a affirmé à la barre du tribunal correctionnel de Paris le président de cette société, Pierre Verzat.
Interrogé à sa suite, l'ancien PDG de la SNCF Guillaume Pepy, à la tête de l'entreprise au moment de l'accident, a souligné que "la responsabilité de tous les essais" incombait à Systra. "Systra est devenu le seul acteur des expertises sur les essais à grande vitesse", a indiqué M. Pepy.
"Il y a une responsabilité morale entière de la SNCF", a admis son ancien patron mais, a-t-il ajouté, "la responsabilité judiciaire ce n'est pas à moi de l'établir".
"La vérité judiciaire est extraordinairement attendue", a-t-il souligné dans une salle d'audience comble.
"L'accident était impensable mais le fait qu'il soit survenu signifie forcément que des erreurs ont pu être commises", a dit M. Pepy, rappelant au passage qu'il n'était "pas d'accord" avec la division de la SNCF en plusieurs entités.
La SNCF, ses filiales Systra (commanditaire des essais) et SNCF Réseau (gestionnaire des voies) ainsi que trois personnes physiques (Denis T., 57 ans, le conducteur titulaire, Francis L., 64 ans, un cadre de la SNCF chargé de lui donner les consignes de freinage et d'accélération et Philippe B., 65 ans, un ingénieur de Systra, chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie) sont sur le banc des prévenus.
Ils sont poursuivis devant le tribunal correctionnel de Paris pour "homicides et blessures involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité".
Les trois personnes physiques, qui comparaissent libres, encourent chacune trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Les trois sociétés risquent une amende maximum de 225.000 euros.
Visiblement ému, Denis T., qui ne sera interrogé sur les faits que début avril, s'est dit "marqué" par cet accident. "Je trouve injuste de me retrouver ici comme prévenu mais je me tiens à la disposition du tribunal pour répondre à toutes les questions", a-t-il dit.
Comme l'a fait remarquer la présidente de la 31e chambre à l'ouverture de l'audience, "on a peu l'habitude d'avoir des catégories - témoins, parties civiles, prévenus - qui se confondent à ce point. Certains témoins sont parties civiles, des prévenus sont parties civiles mais tous font partie d'une catégorie polymorphe, celle de victime".
"Nous sommes dans un procès où chacun a perdu quelque chose, parents, amis, travail, santé, parfois tout à la fois", a rappelé la magistrate.
Vitesse excessive et freinage trop tardif: les causes principales de l'accident ont été identifiées. Mais la justice devra déterminer les responsabilités de chacun dans l'enchaînement des événements qui ont mené à l'accident, occulté par les 131 morts, la veille, des attentats du 13-Novembre au Bataclan, au Stade de France et des terrasses parisiennes.
Oubli collectif
"Ce procès va déjà permettre de sortir ce drame de l'oubli collectif", a confié à l'AFP l'avocat Gérard Chemla, conseil d'une cinquantaine des 89 parties civiles recensées avant l'ouverture du procès. Mes clients "attendent de l'honnêteté et du courage de la part des protagonistes", a-t-il ajouté.
Le 14 novembre 2015, 53 personnes, salariés du secteur ferroviaire et membres de leurs familles, dont quatre enfants, avaient pris place à bord de la rame pour l'ultime test du tronçon de la nouvelle Ligne à grande vitesse Est européenne (LGVEE) entre Baudrecourt (Moselle) et Vendenheim (Bas-Rhin).
A 15H04, au niveau d'Eckwersheim (Bas-Rhin), à 20 km de Strasbourg, le train a abordé une courbe à 265 km/h, très largement au-dessus des 176 km/h prévus à cet endroit. Il a déraillé 200 mètres plus loin à une vitesse de 243 km/h, avant de percuter un pont et de basculer dans le canal de la Marne au Rhin.
Onze personnes ont perdu la vie et 42 autres ont été blessées, dont une vingtaine gravement.
La rame accidentée était une rame d'essai, de type TGV classique. Au moment de l'accident, elle circulait en survitesse pour tester l'infrastructure de la voie en vue de son raccordement prochain au réseau ferré.
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