Égalité salariale
On s’y met… vraiment ?
Les entreprises d’au moins 50 salariés doivent calculer et publier leur index de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes au plus tard ce 1er mars. L’Union des Entreprises 57 en informe actuellement ses adhérents. Le dispositif est né en 2018. Pour tenter de résorber le retard conséquent pris par notre pays en la matière. Quand la loi sert à faire bouger les lignes. Cette impérieuse nécessité d’égalité dépasse largement le cadre des rémunérations.
La France est souvent considérée comme un mauvais élève en termes d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, à poste égal. Une enquête internationale récente nous classait à 133e place sur 153 pays. L’Observatoire des inégalités note que, pour les 10 % les moins rémunérées, la différence de salaire entre les femmes et les hommes était de 7 % (1 171 € contre 1 262 €). Alors que chez les 10 % les plus rémunérées, une femme percevra en moyenne 21 % de moins qu’un homme. Cela représente un écart de 3 149 €. En France, les disparités des salaires nets femmes-hommes sont évocatrices de notre retard sur le sujet : cadres (- 19 %), professions intermédiaires (- 13 %), employés (- 7 %), ouvriers (- 15 %). Soit un global de - 18 %, tout métier pris en compte (- 16 % pour les pays de l’Union européenne).
Déceler les points perfectibles
L’Insee indique que les inégalités salariales se creusent au fil du temps. Avec ce constat : la naissance d’un enfant affecte la carrière professionnelle d’une femme, laquelle voit baisser son salaire de 25 % en moyenne, cinq ans après la naissance du premier enfant. Ce chiffre peut aller jusqu’à 38 % après la venue au monde d’un enfant pour les femmes les moins rémunérées, contre 5 % pour les femmes ayant les salaires les plus élevés. Pour faire évoluer les mentalités et les pratiques, le législateur s’est emparé de la question. En 2018, le gouvernement a lancé l’index de l’égalité professionnelle salariale femmes-hommes, dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Dispositif en vigueur depuis le 1er janvier 2019. Chaque entreprise de plus de 50 salariés doit s’autoévaluer tous les ans sur 100 critères, comme l’écart de rémunération, la répartition des promotions, la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations, le nombre de salariées augmentées à leur retour de maternité… Si la note est en-dessous de 75/100, l’entreprise doit prendre des mesures correctives dans les trois ans, sous peine de sanctions financières. Ces pénalités peuvent atteindre 1 % de la masse salariale (de même si l’entreprise ne publie pas son index).
L’Union européenne se saisit du sujet
Ce 1er mars est la date limite de la publication de cet index. Lequel se détermine grâce à un simulateur-calculateur et doit ensuite être déclaré à l’inspection du travail, via le site web Index Egapro. La troisième étape consiste à publier la note obtenue sur le site internet de l’entreprise (ou, à défaut de plateforme, la transmettre aux salariés) et à communiquer le détail des résultats atteints au Comité social et économique, par la base de données économiques et sociales. L’objectif est de mettre en évidence les points de progression sur lesquels travailler et agir quand ces différences sont injustifiées. En ce mois de janvier, les députés européens ont débattu des moyens à mettre en œuvre pour réduire cet écart salarial entre les deux sexes. Le rapport fait 73 pages. Parmi les propositions les plus fortes : baisser l’impôt sur le revenu des femmes, augmenter les salaires des professions les plus féminisées, renforcer la transparence dans les entreprises, conditionner les fonds européens au respect de l’égalité salariale, multiplier les services de garde d’enfants de qualité, faciliter le retour des femmes à l’emploi après une grossesse, développer par l’apport de statistiques précises des vraies politiques de prévention… Quand l’actualité nous ramène à la crise sanitaire, l’une des conclusions de ce travail des députés européens évoquait la digitalisation et les nouveaux métiers du numérique : «Actuellement, ces nouveaux métiers sont à 70 % masculins. Il ne faudrait pas que les 750 milliards d’euros du plan de relance fassent à la fin que la situation professionnelle des femmes soit pire que ce qu’elle est aujourd’hui.»
Des luttes au quotidien
Le renforcement des droits des femmes n’a finalement jamais cessé, il en perpétuel mouvement. Et jamais gagné ad vitam aeternam. Car derrière le travail des femmes, il y a également leur choix d’avoir ou pas une famille. Dans certains pays, en Europe, des médecins utilisent leur clause de conscience pour refuser l’avortement. Enfin, ce rapport aborde les violences faites aux femmes, tant dans la sphère professionnelle que privée, déclinant plusieurs mesures, comme la prévention de la violence sexiste, de la violence domestique, la cyberviolence, la violence issue des minorités ou encore celle liée au handicap. Avec ce leitmotiv, sonnant comme une évidence : «Si on est dans un environnement où on subit de la violence, il paraît difficile d’avoir une journée de travail épanouie et bien remplie, et de pouvoir réaliser une carrière qui fonctionne correctement.» On le voit, au-delà de l’égalité salariale, c’est bien un ensemble d’enjeux sociétaux qui est devant nous. Le monde de l’entreprise n’y échappe pas car il n'est pas un monde hermétique aux questions et évolutions sociétales. Tout le contraire. La responsabilité est individuelle et collective. Comme l’engagement à participer à une indispensable évolution. L'enjeu, de taille, ne mérite ni populisme, ni postures extrêmes, mais une hauteur de vue, un volontarisme partagé allant dans le sens du progressisme et du respect de l'humain.