Officine criminelle franc-maçonne Athanor: les assises demandées pour 23 personnes
Espions, franc-maçons, ex-policiers... Le parquet de Paris a demandé mercredi que 23 personnes comparaissent aux assises au terme d'une enquête de quatre ans sur les actes criminels, dont un assassinat...
Espions, franc-maçons, ex-policiers... Le parquet de Paris a demandé mercredi que 23 personnes comparaissent aux assises au terme d'une enquête de quatre ans sur les actes criminels, dont un assassinat, d'une officine liée à la franc-maçonnerie.
L'enquête a débuté fin juillet 2020 après l'arrestation à Créteil de deux hommes, militaires de la DGSE, suspectés d'être alors sur le point d'assassiner une figure du milieu du coaching en entreprise.
Complètement fortuites, ces arrestations ont permis, au fil des interrogatoires, de démanteler une officine criminelle présumée de grande envergure qui se serait nouée dans le secret entre différents frères d'une loge maçonnique nommée "Athanor", basée dans les Hauts-de-Seine et liée à la Grande Loge Alliance Maçonnique Française (GLAMF).
Les téléphones des deux hommes interpellés à Créteil ont en effet mis les enquêteurs sur la piste de Sébastien L., agent de protection rapprochée dans le privé depuis 2011.
Devant le juge d'instruction, celui-ci reconnaît avoir mandaté l'un des deux militaires pour tuer la "coach", puis met les enquêteurs sur de nouvelles pistes.
Après quelques mois de flottement, l'un de ses contacts est identifié : son supérieur présumé, Daniel B., ancien commandant du renseignement intérieur, au "réseau influent et étendu", selon des éléments des réquisitions dont l'AFP a eu connaissance jeudi.
Devant les enquêteurs, Daniel B. "s'affale d'une manière extraordinaire", raconte une source proche du dossier.
Il reconnaît d'abord avoir remis à Sébastien L. le contrat ciblant la coach, et explique qu'il l'a fait sur demande d'un autre membre d'Athanor au rôle présenté comme central, Frédéric V., spécialiste de la sécurité privée.
En bonus, Daniel B. évoque de lui-même le projet d'assassinat d'un "syndicaliste gênant" à Bourg-en-Bresse, qu'un couple à la tête de l'entreprise où ce membre de la CGT officiait est suspecté d'avoir demandé, mais surtout l'assassinat fin 2018, mené à terme cette fois, d'un pilote de rallye, Laurent Pasquali.
Son corps enterré avait été découvert en septembre 2019 par un promeneur dans un bois de Haute-Loire.
La juge d'instruction parisienne récupère le dossier Pasquali et met en cause un couple d'amateurs de voiture, créanciers du défunt, qui conteste avoir demandé qu'il soit tué.
En ce début d'année 2021, l'affaire prend alors une tournure hors du commun.
Faux accident
Interpellé à son tour, Frédéric V., confirme que la mission sur la coach lui vient d'un autre franc-maçon d'"Athanor", Jean-Luc B., spécialiste du conseil et de la formation continue. Puis accrédite l'existence de projets visant le syndicaliste de l'Ain et le pilote de rallye.
Sur près de quatre ans, l'enquête aura finalement mis au jour plusieurs projets plus ou moins violents attribués à la cellule, avec différents commanditaires aux mobiles variables, alternant entre différends financiers, vengeances privées, rivalités professionnelles ou encore politiques...
Sylvain Berrios, maire LR de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) depuis 2014, a par exemple fait l'objet d'un projet de "faux accident" plus ancien qui aurait pu le mener, selon des protagonistes, jusqu'à "la chaise roulante" voire le "cercueil".
La cellule travaillait aussi sur la "surveillance d'opposants africains" et sur d'autres "tabassages", "intimidations" ou "vols d'ordinateur"...
Au cours de l'enquête, commanditaires et exécutants présumés se sont fréquemment renvoyé la responsabilité des actes, les premiers évoquant souvent des demandes de pressions simples sur fond de "neutralisation", tandis que les seconds ont assuré qu'ils n'avaient fait qu'obéir à des ordres demandant des agressions voire des meurtres.
Surtout, certains membres du bas de l'organisation ont assuré que les commanditaires se présentaient comme missionnés par l'Etat pour des opérations secrètes.
La décision finale sur un procès, qui pourrait durer plusieurs mois, revient désormais à la juge d'instruction de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Paris chargée depuis le début de ce dossier tentaculaire dans lequel ces 20 hommes et trois femmes nés entre 1952 et 1994 sont mis en cause.
Cinq d'entre eux sont encore détenus à ce jour, dont Sébastien L., depuis l'été 2020.
"Si on était en matière de bowling, on pourrait dire que les magistrats ont réussi un strike... magistral ! Tout y est et tous auront à répondre de leurs actes dans le cadre d’un procès qui fera date !", a réagi Me Joseph Cohen-Sabban, avocat de la coach, première victime du dossier.
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