Nouvelle-Calédonie: Macron écarte un "passage en force", donne du temps aux négociations

"Pas de passage en force" mais l'exigence d'un retour à l'ordre. Emmanuel Macron, en visite expresse jeudi en Nouvelle-Calédonie après plus d'une semaine d'émeutes d'une extrême violence, a donné environ un mois aux responsables politiques locaux pour montrer leur...

Des voitures incendiées dans le quartier de Magenta, à Nouméa, le 21 mai 2024 en Nouvelle-Calédonie © Delphine Mayeur
Des voitures incendiées dans le quartier de Magenta, à Nouméa, le 21 mai 2024 en Nouvelle-Calédonie © Delphine Mayeur

"Pas de passage en force" mais l'exigence d'un retour à l'ordre. Emmanuel Macron, en visite expresse jeudi en Nouvelle-Calédonie après plus d'une semaine d'émeutes d'une extrême violence, a donné environ un mois aux responsables politiques locaux pour montrer leur capacité à s'entendre sur un accord politique global.

Avant de reprendre l'avion pour Paris à l'issue d'un déplacement de 17 heures sur le Caillou, il a assuré à ses interlocuteurs --indépendantistes et non indépendantistes-- qu'il n'imposerait pas la réforme controversée du corps électoral, un texte constitutionnel qu'il voulait jusqu'ici soumettre au Congrès du Parlement d'ici au 30 juin.

Pour autant, la réforme n'est ni retirée, ni suspendue, et la réunion des parlementaires à Versailles n'est pas formellement reportée. "Je me suis engagé à ce que cette réforme ne passe pas en force", a déclaré Emmanuel Macron lors d'un point presse à Nouméa.

Le texte, adopté séparément par le Sénat et l'Assemblée nationale, a mis le feu aux poudres sur l'archipel. Six morts, dont deux gendarmes, et des dégâts considérables sont à déplorer.

Il est rejeté par les indépendantistes car il consacre un "dégel" du corps électoral qui intègrerait ainsi les personnes installées sur le territoire depuis au moins 10 ans. Les Kanaks craignent que leur influence ne soit diluée.

Il faut que "nous nous donnions quelques semaines afin de permettre l'apaisement, la reprise du dialogue en vue d'un accord global" sur l'avenir institutionnel de l'archipel, a déclaré Emmanuel Macron jeudi à Nouméa. Cette large entente sur les institutions, si elle se dessinait ou se matérialisait, rendrait inutile la réforme électorale.

"Mon souhait est que cet accord puisse être soumis au vote des Calédoniens" par voie référendaire, a-t-il ajouté, s'engageant à faire un point d'étape "d'ici un mois" à condition toutefois que l'ordre soit rétabli.

Il s'est de nouveau montré intransigeant sur cette question, exigeant une levée des barrages "dans les heures qui viennent" pour mettre fin à l'état d'urgence. Ce dispositif exceptionnel, qui renforce les moyens des forces de sécurité, avait été mis en place le 15 mai. Il prévoit, parmi tout un éventail de mesures (couvre-feu etc), un blocage de TikTok, auquel ne s'est pas opposé le Conseil d'Etat dans une décision rendue jeudi.

Ce "mouvement d'insurrection est absolument inédit", "personne ne l’avait vu venir avec ce niveau d’organisation et de violence", a jugé, dans la matinée le président de la République lors de la visite d'un commissariat du centre de Nouméa. 

Il a promis une "aide d'urgence" pour réparer les dommages "colossaux" provoqués par les émeutiers, notamment pour le tissu économique du territoire.

Le chef de l'Etat a fait ces déclarations après une série de rencontres avec les forces politiques locales. A la nuit tombée, il a d'abord reçu les non-indépendantistes, dont Sonia Backès, cheffe de file de la branche radicale des loyalistes, et Philippe Dunoyer, figure de Calédonie Ensemble.

Puis il s'est entretenu avec toutes les composantes des partis favorables à l'indépendance. Étaient notamment autour de la table plusieurs dirigeants de l'Union calédonienne (UC) et des cadres du parti Palika. Assigné à résidence, Christian Tein, membre de l’UC et chef de file de la CCAT, collectif indépendantiste qui organise la contestation, était aussi présent. 

Au niveau sécuritaire, le président a assuré que les quelque 3.000 membres des forces de sécurité déployés "resteront aussi longtemps que nécessaire, même durant les Jeux olympiques et paralympiques" de Paris organisés de fin juillet à début septembre.

calme précaire

Le chef de l'Etat était accompagné dans sa visite par trois hauts fonctionnaires qui auront pour mission dans les prochains jours de renouer le dialogue avec les indépendantistes et non indépendantistes.

Sur le terrain, la nuit précédant l'arrivée d'Emmanuel Macron "a été calme", a indiqué le Haut-commissaire Louis Le Franc à l'AFP. 

"Il n'y a pas eu de dégâts supplémentaires mais il y a tellement de choses qui sont détruites", a-t-il encore fait valoir. Selon une source judiciaire, 281 personnes ont été placées en garde à vue depuis le 12 mai, à une écrasante majorité pour des atteintes aux biens.

La situation reste précaire. Dans le quartier populaire de Montravel, majoritairement peuplé par les communautés kanak et océanienne, des groupes de jeunes circulaient le visage masqué, avec en main des lance-pierres faits de bric et de broc, a constaté un journaliste de l'AFP.

Sur la route qui relie Dumbéa, au nord de la capitale, de nombreux barrages filtrants et des carcasses de voitures incendiées continuent de hacher la circulation.

Darmanin assassin

Dans le Grand Nouméa, ces barrages se sont même renforcés dans la nuit. 

Les indépendantistes y ont hissé leurs drapeaux et tendu des banderoles: "Non au dégel", "Darmanin assassin".

"Le texte (de réforme du corps électoral, NDLR) pour nous, il n'existe plus puisqu'il y a des morts, ce n'est même plus un sujet de discussion", explique à l'AFP Lélé, une mère de famille indépendantiste de 41 ans.

Un retour à la vie normale s'est amorcé dans le centre de Nouméa, quadrillé par une forte présence policière, où de nombreux magasins ont rouvert leurs portes.

Pour ajouter à l'instabilité, l'archipel a aussi été visé par une cyberattaque "d'une force inédite" visant à "saturer le réseau calédonien", mais qui a été stoppée, a annoncé Christopher Gygès, membre du gouvernement collégial calédonien.

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