Nouveau rebond dans l’affaire Tereos et la pollution de l'Escaut
La responsabilité environnementale du sucrier nordiste a été engagée par le préfet de région Michel Lallande. Une décision qui confirme la pollution d'avril dernier avec des conséquences financières pour l'entreprise.
Le 4 décembre 2020, un comité inédit de pilotage relatif à la restauration écologique de l’Escaut était organisé en préfecture de région à Lille, avec une cinquantaine d’acteurs du dossier : parcs régionaux, maires, associations environnementales, la Dreal agence régionale de l’environnement, ministres de l’Environnement wallon et flamand… Le préfet a annoncé qu’il engageait la responsabilité environnementale de l’entreprise nordiste à la suite des résultats d’analyses d’octobre par le laboratoire mandaté par la préfecture et l’OFB (Office français de biodiversité). Ils confirment les dommages sur la population piscicole du canal.
Selon Emilie Ledein, directrice régionale adjointe de l’OFB, chargé de surveiller la population piscicole de l’Escaut depuis 2006, «le canal a perdu 70% de ses poissons en aval de la pollution. Mais, plus grave, une espèce de poissons carnassiers, le gobie à tâches noires, provenant de l’Europe de l’Est, est en train de coloniser le milieu, risquant de le déséquilibrer». Selon l’OFB, le canal a retrouvé une eau de qualité même si certaines associations craignent la présence de résidus polluants qui pourraient expliquer encore la faible population piscicole actuelle.
Nouvelle échéance en juin 2021
Cette décision du préfet induit une poursuite de l’enquête administrative sur les six prochains mois. Elle permettra de définir les mesures à prendre pour restaurer la biodiversité du canal de l’Escaut et de les chiffrer financièrement d’ici l’été prochain : des réparations à la charge de Tereos. Un comité d’experts va se constituer d’ici janvier 2021 pour travailler sur ces mesures. Leurs avancées seront publiées sur le site de la préfecture. D’un point de vue pénal, l’OFB et la Gendarmerie poursuivent leurs enquêtes judicaires sous l’autorité du parquet de Cambrai. Les rapports des auditions en cours des responsables de Tereos et d’autres parties prenantes du dossier devraient être transmises au parquet début 2021. La Dreal a fermé 9 bassins de décantation sur 17 de Tereos, ce qui n’a pas empêché le sucrier de lancer tout de même sa campagne de betteraves 2020-2021.
Du côté des associations environnementales présentes lors du comité du 4 décembre, elles demandent la mise en place de capteurs déclencheurs d’alerte sur le canal comme ils en existent dans la partie belge. Mais Thierry Dereux, représentant Hauts-de-France de France nature environnement, regrette «la faible mobilisation des élus et la discrétion de Tereos. Mais je salue le courage du préfet d’engager la responsabilité de l’entreprise». Pour l’heure, le préfet de Région n’est pas en mesure de chiffrer le montant des réparations que devra supporter l’entreprise. Mais Michel Lalande reste ferme : «Si j’engage la responsabilité environnementale, ce n’est pas pour que le contribuable paye. Et si l’entreprise méconnaît ses responsabilités, cela pourra avoir un impact sur son autorisation d’exploitation.»
Pour rappel, le 9 avril 2020, près de Cambrai, une rupture de digue d’un des bassins de décantation situé à Thun-Saint-Martin, de l’usine Tereos d’Escaudœuvres, a entraîné le déversement de 100 000 m3 de pollution organique, soit 300 conteneurs, dans le canal mais aussi dans des maisons et des champs avoisinants. Le plus grave accident environnemental depuis 20 ans dans la région, éradiquant la population piscicole sur 70 km en aval, en France et Belgique. De nombreux maires, associations environnementales, la Wallonie et la Flandre ont porté plainte contre X et contre Tereos qui n’a pas donné suite à notre demande d’interview.