Entretien avec Joffrey Zbierski, président de l'AMN59
«Nous voulons davantage de marge de manœuvre sur nos territoires»
Rendez-vous intournable des maires et des présidents d'EPCI (établissement public de coopération intercommunale), le 66e congrès des maires du Nord aura lieu le vendredi 30 septembre prochain à Gayant Expo. Joffrey Zbierski, président de l'Association des maires du Nord, évoque les enjeux des élus à l'heure de l'inflation et de la sobriété énergétique.
La Gazette Nord - Pas-de-Calais : Après une édition 2021 placée sous le signe des retrouvailles, dans quel état d'esprit sont les maires pour ce crû 2022 ?
Joffrey Zbierski : Les relations entre les maires et services de l'Etat sont au cœur de nos préoccupations, et d'ailleurs on le voit d'autant plus aujourd'hui avec le lancement, en septembre dernier par le Président de la République, du Conseil national de la refondation (CNR). En ce qui nous concerne, à l'Association des maires du Nord, on estime que le dialogue est indispensable avec les services de l'Etat.
Nous avions de nouveau craint une
certaine verticalité des décisions de l'Etat... Certes, je joue
parfois aux équilibristes entre les maires mécontents et les
services de l'Etat, mais la priorité est de conserver le lien entre
les deux parties. Ce sera d'ailleurs l'objet des restitutions des
conclusions des six réunions d'arrondissement – Dunkerque, Lille,
Douai, Cambrai, Valenciennes et Avesnes-sur-Helpe –, «Maires-services
de l'Etat» par
Georges-François Leclerc, préfet de Région, préfet du Nord, dès
14h30.
Ce dialogue est-il encore plus
indispensable depuis la période Covid, où les maires ont souvent dû
prendre des décisions à la hâte ?
Je comprends le ras-le-bol des maires qui doivent faire face à de plus en plus de responsabilités mais avec de moins en moins de moyens. La fonction de maire évolue, nous sommes contraints financièrement ! Cela nécessite une gestion de chef d'entreprise mais toujours en gardant en tête la qualité du service public à apporter aux administrés.
D'ailleurs, je tire mon chapeau à tous
les maires élus en 2020, qui débutent un mandat avec deux années
de Covid, sans aucune manifestation avec la population, tout en
devant prendre des décisions sans en avoir l'expérience... À
l'heure d'aujourd'hui, les manifestations reprennent, les programmes
sont lancés, mais on ne pourra peut-être pas les tenir en totalité.
Par manque de moyens ?
Chaque commune doit prendre des mesures contraignantes. Pour augmenter les recettes, il n'y a pas 36 000 solutions : soit on augmente la taxe foncière, soit les tarifs périscolaires, et on essaie de compenser les charges supplémentaires. Résultat, ce sont les administrés qui en pâtissent.
Néanmoins nous restons confiants puisque l'AMF (Association des maires de France) aurait obtenu du Président de la République la garantie que les dotations pour les collectivités seraient stables cette année. Sinon, imaginez un peu la triple peine : des recettes qui baissent, des dépenses qui explosent et une capacité d'investissement qui, de fait, se réduit. Si on n'investit pas, ce sont les entreprises locales qui vont en pâtir. Je ne veux pas noircir le tableau mais nous sommes là, avec l'AMN, pour faciliter le quotidien des maires.
Vous subissez d'ores et déjà
l'inflation ?
Nous ressentons surtout l'augmentation du prix des matériaux pour les investissements locaux. La capacité d'investissement des communes va être inévitablement réduite parce que les mesures de compensation ne compenseront pas la totalité de la hausse, et donc on investira moins...
Nous avons conscience que les finances
de l'Etat sont aussi gérées d'une manière très contrainte. Mais
peut-être faudrait-il nous donner un peu plus de liberté dans notre
action de maire, sans avoir à chaque fois à rendre des comptes au
mille-feuille administratif ? En somme, nous laisser de la marge de
manœuvre pour gérer nos territoires, y compris en ce qui concerne
l'artificialisation des sols car ce sont des rentrées
d'investissement que l'on peut réinjecter dans l'économie.
Comment résoudre cette équation,
entre l'augmentation de la population, le besoin de
logements/activités commerciales et l'objectif du «zéro
artificialisation nette»
souhaitée par le Gouvernement ?
Si on ne peut plus construire dans une ville ou un village, la population baisse, c'est mathématique... D'où nos relations indispensables avec les services de l'Etat. Le développement de nos communes passent par celui de nos commerces, de nos activités, des habitations... Pouvoir conserver un parcours résidentiel dans nos communes est important.
L'Etat et le Gouvernement doivent
associer les maires dans leurs décisions et je regrette profondément
que depuis 2017, il ne soit plus possible d'être député-maire.
Etre élu local permet d'appréhender plus facilement la
problématique des Français et donc les propositions de loi. J'en
suis intiment convaincu. C'est le seul cumul qu'il aurait fallu
conserver.
À l'heure où la sobriété
énergétique est devenu l'un des axes forts du Gouvernement, quelles
mesures avez-vous prises en tant que maire de Provin ?
Comme de nombreuses communes, dès le 26 septembre, nous allons couper l'éclairage public entre minuit et 5h. La sobriété énergétique est forcément au cœur de notre politique environnementale, mais c'est aussi une variable financière.
Quand on baisse d'un degré la température, c'est en moyenne une économie de 8% de la facture d'énergie. A l'échelle de Provin, couper l'éclairage public la nuit représente plus de 10 000 € annuels d'économie. Nous subissons déjà une augmentation de 135 000 € du coût énergétique global rien qu'entre janvier et septembre, c'est colossal !
Surtout qu'à côté de cela, il faut
aussi faire face à l'augmentation du point d'indice des
fonctionnaires à 3,5% – et qui ne sera compensé par l'Etat que
pour les communes les plus fragiles – , l'augmentation des prix des
repas de la restauration collective, la flambée des matières
premières, le retour à la normale des contrats aidés... Tout un
ensemble de problématiques mises bout à bout et pour lesquelles il
faut faire preuve de pédagogie.
Qu'attendez vous de l'intervention
des ministres Gérald Darmanin et Agnès Pannier-Runacher, vendredi
matin ?
Qu'ils puissent nous garantir des moyens, pas forcément financiers, mais pour pouvoir fonctionner plus librement, et que les promesses de campagne en matière de sécurité et de décentralisation soient tenues. Et surtout, que les décisions soient prises en concertation. Aujourd'hui, et à juste titre, les maires se demandent ce qu'il est advenu des cahiers de doléances et des débats publics mis en place au premier mandat du Président dans le cadre du Grand Débat national. Nous n'avons eu aucun retour.
En ce qui concerne les questions
sécuritaires, sociales, environnementales, nous avons des solutions
à proposer, qui répondent aux spécificités des territoires. Nous
demandons de la liberté d'action, on ne peut pas agir partout avec
la même loi, les mêmes prérogatives. Il faut du sur-mesure.
Les JO 2024, quel enjeu pour les
communes nordistes ?
«Le Nord est base arrière de proximité. Cela aura des retombées directes. Le Département a montré ces dernières années qu'il était capable d'accueillir de grandes manifestations, qu'il s'agisse du handball, du basket-ball, du départ du Tour de France et bientôt du rugby... La MEL, le Département mais aussi la Région sont évidemment concernés par ces JO parce que ce sera la fête du sport, à portée de main !
Concernant Provin, on a lancé une
politique de promotion du sport dans la commune dès 2018 – 'Provin
2024' –, où on veut
rendre le sport accessible à tous. Le sport est une politique
d'ajustement, qui, selon moi, n'est pas reconnu à sa juste valeur :
c'est un enjeu de santé public, un vecteur de lien social,
d'attractivité économique, accessible à tous et le Graal, ce sont
les JO ! Il faut une appétence au sport au quotidien, dans les
écoles, les collèges, les villes... Tout le monde est prêt ! Le
Comité international olympique a lancé 'Terre
de jeux', un label dans
les communes pour favoriser la pratique du sport et on s'inscrit
pleinement dans ce label.»