«Nous sommes une partie du ciment de la construction européenne»

Le Groupement européen de coopération transfrontalière (GECT) a fêté ses 15 ans le 21 janvier dernier. L’occasion de revenir sur un outil au service des pouvoirs publics des deux côtés de la frontière, mais aussi des citoyens. Rencontre avec Loïc Delhuvenne, directeur de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

Loïc Delhuvenne, directeur général de l’Eurométropole. © Eurométropole
Loïc Delhuvenne, directeur général de l’Eurométropole. © Eurométropole

L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est né d’un processus entamé il y a plus de 30 ans avec la Conférence Permanente Intercommunale Transfrontalière (COPIT). Et il a fallu 16 ans de plus pour que ce syndicat libre soit officiellement porté sur les fronts baptismaux par ses 83 représentants (dont 42 français) des états, des régions, des départements et des intercommunalités, mais aussi diverses agences publiques d’Outre-Quiévrain. En tout, 14 structures.

«Nous sommes la seule structure qui a absolument tout le monde à sa table, indique Loïc Delhuvenne, directeur de l’Eurométropole depuis 7 ans, avant d’ajouter : c’est une longue suite d’expériences. On a révélé que le GECT était d’abord un territoire, avec une mémoire. Le marché unique européen doit tenir compte des frontières.» 40% de la population européenne vit à moins de 30 km d’une frontière.

Le bassin de vie de l’Eurométropole forme un ensemble de 80 millions de personnes. On n’en a pas forcément conscience. Si la balance commerciale des Hauts-de-France est excédentaire, c’est notamment parce que les entreprises exportent majoritairement vers la Belgique. «Il y a une économie transfrontalière» enchaîne le cadre.

Des missions sur le long terme

«L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a pour mission principale de promouvoir et de soutenir une coopération transfrontalière efficace et cohérente au sein du territoire concerné», rappellent les statuts du GECT. Concrètement ?

«On est facilitateur du réflexe transfrontalier. On pointe les sujets dont les acteurs publics doivent s’emparer. L’eau, par exemple : l’eau de Tournai ou de Lille est franco-belge. Comment construisons-nous les mesures partagées pour la préserver, alors que la réglementation européenne est plus globale ? Ce sont des réalités, il nous faut les appréhender de manière transfrontalière. Sur le Covid, dès le début, nous avons réalisé un document sur les mesures en France, ça a été fortement relayé. La pollution est un sujet qui nous préoccupe beaucoup : nous sommes un seul et même bassin d’air.»

Multi-acteurs, multi-niveaux

Pour autant, l’Eurométropole n’a pas de compétences propres. Ce n’est pas un exécutif… L’outil au service des collectivités et des citoyens fait remonter les incohérences, les hiatus, et les propositions sur les thématiques travaillées comme la mobilité. «On a poussé au développement d’une ligne de bus transfrontalière entre Ypres et Armentières : la ligne 72 qui est en activité depuis septembre dernier. Le gouvernement flamand a été déclencheur sur ce sujet» argumente-t-il.

En acte, l’Eurométropole pratique la gouvernance multi-acteurs et multi-niveaux. Elle travaille au quotidien avec ses partenaires et joue des coudes à la Commission européenne : «Nous sommes les premiers GECT créés en Europe, nous sommes remarqués et cela peut aider pour les financements. On fait souvent le go-between quand les dossiers Interreg arrivent à échéance.»

Un mémorandum pour s’inscrire dans les problématiques des citoyens

Le mémorandum à suivre comprend des actions, des thématiques pour le quotidien du citoyen, comme la mobilité, la formation, les langues, la mise à l’emploi, ou encore la transition énergétique. L’Eurométropole affiche en outre un travail conséquent sur le Parc Bleu : vaste parcours le long de la Lys et de ses affluents entre les bords de Gand et ceux d’Armentières. «Ça a été 10 ans de travail ; les 5 400 km de voies navigables, les eaux souterraines, les multiples propriétaires, il faut travailler tout cela ensemble, avec le projet de Carré bleu et ses pistes cyclables pour favoriser la mobilité douce» explique encore Loïc Delhuvenne.

Avec un budget de 1,265 million d’euros (inchangé depuis 2011), 7 collaborateurs multilingues qui travaillent tantôt en droit belge, tantôt en droit français et toujours en droit européen, l’Eurométropole est en phase d’adolescence : «Il reste beaucoup de travail à faire auprès des citoyens, mais nous sommes une partie du ciment de la construction européenne» conclut le directeur.