Entretien avec Alain Asquin coordonnateur du «Plan Esprit d’Entreprendre»
«Nous aidons les jeunes à se révéler à eux-mêmes grâce à l’entrepreneuriat»
Grâce au statut national d’étudiant-entrepreneur (SNEE), créé en 2014, le réseau national des étudiants-entrepreneurs Pépite France accompagne des porteurs de projets. Entretien avec Alain Asquin coordonne depuis trois ans le «Plan Esprit d’Entreprendre», au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Pourquoi
avoir créé le Statut national d’étudiant-entrepreneur ?
A
l’issue de leur diplôme, beaucoup de jeunes, n’étant plus
couverts par le régime général des étudiants, n’avaient d’autre
choix que de se tourner vers le salariat pour avoir un statut. Pour
ceux qui étaient encore en études, le système et le contexte
organisationnel (horaires, stages…) ne favorisaient pas
l’entrepreneuriat. En 2013, le ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche s’est interrogé, lors des assises de
l’entrepreneuriat, sur la
question de savoir comment accompagner les étudiants qui
souhaitaient entreprendre. L'objectif du gouvernement était de
stimuler l'intention entrepreneuriale des jeunes et d’éviter les
abandons de projet pour de mauvaises raisons, qu’elles soient
d’ordre pratique ou financière. Nous
aidons les jeunes à se révéler à eux-mêmes grâce à
l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, 5 600 jeunes
bénéficient du SNEE, chaque année.
Quels
sont les avantages de ce statut ?
Notre
métier est de sécuriser le parcours de ces jeunes en les aidant à
faire émerger leur projet entrepreneurial, en leur offrant un
accompagnement et les faisant rencontrer l’écosystème
entrepreneurial. Les jeunes sont souvent un public qui n’a ni le
réseau, ni les contacts, ni l’assise financière pour se lancer.
Ce statut national, régi par une circulaire du ministère de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche, donne droit à
plusieurs prérogatives, comme la possibilité de rester boursier
pour les jeunes diplômés qui l'étaient, de pouvoir aménager leurs
horaires pour ceux qui sont encore en études, de travailler sur leur
propre projet, lors de leur stage, à condition toutefois que la
thématique soit cohérente au niveau pédagogique avec leur
formation.
Ce statut permet simplement de reconnaître un étudiant,
de lui permettre de travailler à son projet entrepreneurial et
d’être accompagné pour acquérir les compétences nécessaires,
pendant un an, renouvelable. Les étudiants sont sélectionnés
pour leur potentiel et leur conviction par un comité d’engagement
constitué d’universitaires et d’acteurs du monde
socio-économique. Nous ne sommes pas là d'abord pour évaluer un
projet, mais avant tout pour reconnaître la personne qui veut
s’engager.
Comment
sont-ils accompagnés ?
Suite
à l’appel à projets lancé par le ministère, 33 pôles Pépite
(Pôle étudiant pour l’innovation, le transfert et
l’entrepreneuriat) ont été créés sur l’ensemble du
territoire, y compris en outre-mer, avec pour mission principale
d’accompagner les étudiants porteurs d’un projet
entrepreneurial. Les équipes de
ces pôles ont des spécialistes de l'accompagnement. Mais
pour assurer la cohérence avec leur parcours académique, les jeunes
sont également suivis par un référent entrepreneuriat au sein
de l’université ou de leur école. Le dispositif est complété
par un mentor, un dirigeant ou un cadre dirigeant. A date, le
dispositif Pépite compte
800 mentors référencés, engagés à l’année auprès des jeunes.
Objectif ? Leur permettre de discuter de pair à pair, partager
les difficultés et les joies de l'aventure entrepreneuriale. On ne
naît pas entrepreneur, on le devient : l’entrepreneuriat
est une histoire faite d’essais et d’erreurs. Il faut être
capable de créer et de transformer une idée en valeur et de la
faire rencontrer un marché. C'est particulièrement complexe et,
parfois, peu de choses séparent la réussite ou l'arrêt d'un
projet. C'est pour cela que notre mission est avant tout de les aider
à acquérir le référentiel de compétences que nous avons
identifiées, dont beaucoup
sont comportementales.
Ce
référentiel est désormais inscrit au registre spécifique du
répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Cela
nous permet d'attribuer un certificat de compétences
professionnelles aux étudiants qui ont montré leurs aptitudes, que
le projet ait pu aboutir ou non. Le fait que ce certificat ait été
validé par le Medef et la CPME permet à ces jeunes de valoriser ces
compétences lorsqu'ils recherchent un emploi salarié. On sait
combien les dirigeants sont à la recherche de ces compétences
entrepreneuriales.
Concrètement,
le réseau compte 200 collaborateurs directs répartis dans les 33
pôles Pépite en charge d'animer la sensibilisation, l'initiation et
l'accompagnement des étudiants entrepreneurs. A ces équipes
s'ajoutent une centaine de personnes en soutien administratif par les
établissements, mais aussi les référents évoqués précédemment,
des mentors et des partenaires experts – juristes, avocats,
fiscalistes… – pour aider les jeunes sur des questions très
concrètes. Nous leur proposons
plusieurs prestations, par exemple au niveau communication, avec le
prix national Pépite qui permet de valoriser les projets en local et
au national, ou pour trouver des dispositifs de prototypage, via à
des laboratoires, mais aussi des lycées professionnels. Par la
suite, pour assurer une continuité de prise en charge, nous pouvons
également les accompagner vers d’autres structures.
Quels
sont les types de projets accompagnés ?
Nous
accompagnons toutes formes d’entrepreneuriat et donc différents
types de projets en création. Ce peut-être pour créer des
associations ou des entreprises. Tous les secteurs sont concernés,
que ce soit pour du service aux entreprises ou aux personnes. Ils
peuvent poursuivre des engagements social ou environnemental ou avoir
pour finalité principale une dimension stratégique. L'innovation
est toujours présente, mais elle n'est pas systématiquement
technologique et notre Ministère veut valoriser la pluralité des
formes d'innovation. Nous accompagnons également des intrapreneurs,
soit des salariés entrepreneurs. Certains étudiants peuvent enfin
ne pas avoir de projet ficelé ou pas de proposition claire, mais
simplement l’envie de vivre l’expérience d’essayer de créer
une activité qui répond à leur passion ou de travailler pour une
cause ou un engagement. C’est la posture entrepreneuriale qui nous
intéresse.
Quels
sont les grands défis à relever pour demain ?
Notre
premier défi est de soutenir les efforts d’inclusion que nous
devons tous faire. Nous devons travailler sur les freins que peuvent
subir ou se donner les jeunes eux-mêmes et convaincre de nouveaux
publics, comme certains étudiants qui se sentiraient «empêchés»
d’entreprendre, notamment à cause de leur origine sociale ou de
leur genre. Nous comptons, par exemple, seulement 39% de femmes qui
bénéficient
du SNEE (contre
31%, il y a trois ans). Nous devons également sensibiliser plus de
jeunes chercheurs, et notamment des doctorants, sur les enjeux de
l'entrepreneuriat. Il nous faut aussi
renforcer notre maillage territorial.
Notre volonté est d’être au
plus près des territoires. Si aujourd’hui les grandes métropoles
sont bien couvertes, nous ne sommes pas assez présents dans beaucoup
de villes. En ce sens, nous devons déplacer nos équipes et
travailler main dans la main avec les collectivités territoriales.
Nous devons, enfin, créer une communauté d’alumnis pour qu’ils
deviennent les mentors de demain.