Conférence
Nesle : Jérôme Kerviel invité du Club des acteurs économiques de l’Est de la Somme
Julien Burlat, président de l’association, regroupant, après deux ans d’existence, 57 membres, a reçu en juin l’ancien opérateur de marchés Jérôme Kerviel. Ce dernier a défrayé la chronique financière internationale au début des années 2000, au moment de l’une des plus grandes crises financières du début du XXIe siècle. Il a raconté par le menu son combat contre la Société générale devant 400 personnes.
Aujourd’hui, âgé de 46 ans, encore très marqué psychologiquement par cette affaire, le trader, originaire de Bretagne, est passionné depuis l’enfance par les chiffres. Il a suivi des études économiques et financières. « À la fin de mes études, en 2000, j’ai été embauché à la Société générale et suis rentré par la petite porte, au secrétariat de la salle des marchés, où je suis resté deux ans. J’ai intégré cette dernière en 2002 où j’ai passé deux ans dans une ambiance très forte, très violente. Le film de Christophe Baratier, L’outsider, reflète parfaitement ce climat. La devise était : on peut tricher pour gagner pas pour perdre. »
En
2005, la banque lui propose de devenir trader. Il apprend le métier
sur le tas. Ses supérieurs hiérarchiques trouvent qu’il n’est
pas assez rapide pour atteindre le gain de placement fixé. Il finit
par réussir, mais il connaît une période d’inertie et son
supérieur direct lui demande de se ressaisir. Son objectif passe de
trois à six millions d’euros en 2006. Il s’est pris au jeu et se
sent beaucoup plus à l’aise en 2007. En mars de la même année,
il entend parler de subprime, il commence à perdre de l’argent
chaque jour
pendant deux mois et demi. Néanmoins, plusieurs mois après, il
réussit à gagner deux milliards et demi d’euros.
« Or, les marchés se portent mal, donc on perd de l’argent. Je décide de quitter la banque, mais celle-ci me rappelle pour me poser des questions. L’interrogatoire dure 36 heures. Mon supérieur direct me lâche, le 23 janvier 2008, je décide de prendre un avocat, le lendemain l’affaire éclate. » Dans toute la presse est relatée la perte de 4,9 milliards d’euros, à cause du trader Jérôme Kerviel. En 2010, il est condamné à cinq ans de prison, dont trois fermes et doit rembourser 30 millions d’euros.
Jérôme
Kerviel décide avec ses avocats de faire une contre-enquête pour
démontrer qu’il n’était pas responsable de cette perte. Des
plaintes sont déposées et elles ont permis de découvrir de
nouveaux éléments. L’affaire est donc rouverte par la police et
une des enquêtrices a reconnu s’être trompée cinq ans
auparavant. Finalement, le 7 juin 2016, la Société Générale est
condamnée à payer 450 mille euros de dommages et intérêts pour
licenciement abusif, sans cause réelle. La même banque a été
reconnue pour avoir diffamé son salarié.
Après son séjour, il décide de rentrer en France à pied, faisant de cette marche une lutte contre la tyrannie des marchés. « Cela a été pour moi quelque chose de libérateur, j’ai rencontré beaucoup de gens. Arrivé à la frontière française à Menton, la police m’attendait et m’a incarcéré très peu de temps. Le commandant de police a appuyé une demande de révision de mon procès. Aujourd’hui l’instruction est toujours en cours. »
Actuellement,
Jérôme Kerviel, après avoir écrit un livre, a des projets
artistiques, plus précisément des fictions pour la télévision. Il
est aussi invité à des conférences, et des tables rondes sur le
fonctionnement et les écueils du système financier et du
capitalisme international.