Négociations commerciales: un projet de loi symbole de la difficulté à faire baisser les prix

Le gouvernement a-t-il les moyens de faire baisser les prix en rayon? Les doutes des industriels et supermarchés à propos du projet de loi sur les négociations commerciales mettent en lumière la difficulté des responsables politiques à...

Les doutes des industriels et supermarchés à propos du projet de loi sur les négociations commerciales mettent en lumière la difficulté des responsables politiques à répondre aux problèmes de la chaîne alimentaire française © BERTRAND GUAY
Les doutes des industriels et supermarchés à propos du projet de loi sur les négociations commerciales mettent en lumière la difficulté des responsables politiques à répondre aux problèmes de la chaîne alimentaire française © BERTRAND GUAY

Le gouvernement a-t-il les moyens de faire baisser les prix en rayon? Les doutes des industriels et supermarchés à propos du projet de loi sur les négociations commerciales mettent en lumière la difficulté des responsables politiques à répondre aux problèmes de la chaîne alimentaire française.

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire annonce depuis des mois vouloir "casser la spirale inflationniste" à l'aide d'un texte de loi adopté par l'Assemblée nationale début octobre et qui sera examiné par le Sénat en séance publique le 26 du même mois.

Michel-Edouard Leclerc, porte-voix du leader de la grande distribution alimentaire E.Leclerc, s'est montré très pessimiste cette semaine sur BFMTV: "c'est très clair, il n'y aura pas de baisses de prix".

Le patron des Mousquetaires-Intermarché Thierry Cotillard a été plus optimiste auprès de l'AFP vendredi, estimant que des baisses de prix étaient possibles... Mais à condition que ses fournisseurs prennent "leurs responsabilités".

Selon eux, les fournisseurs agro-industriels entament les négociations en réclamant des hausses de prix, alors que l'objectif du texte législatif est d'avancer de quelques semaines le calendrier de négociations pour répercuter rapidement des supermarchés la baisse de certains coûts de fabrication (emballage ou énergie) ou de matières premières agricoles.

L'Ilec, organisation qui porte la voix des plus gros industriels, a déjà averti que l'issue des négociations serait "contrastée".

Originellement, d'autres pistes que le simple changement de calendrier de négociations avaient été évoquées par l'exécutif, à commencer par la possibilité de vendre à perte le carburant. Elle a été balayée en moins d'une semaine après une fin de non-recevoir des distributeurs.

Mission transpartisane

Preuve de l'insuffisance du texte, le gouvernement, par la voix de la ministre déléguée notamment au Commerce Olivia Grégoire, a annoncé vouloir lancer une "mission gouvernementale transpartisane pour réfléchir à la réforme du cadre global des négociations commerciales".

Ce qui fait dire à Dominique Schelcher, PDG de Système U, que la loi "n'est qu'une étape avant, espérons-le, une réforme en profondeur du système de négociations français".

Si cette mission aboutissait à un autre texte de loi, il s'agirait du cinquième modifiant les modalités de négociations depuis qu'Emmanuel Macron est président.

Peu après son arrivée au pouvoir, en juillet 2017, des États généraux de l'alimentation (EGALIM) avaient été lancés pour trouver une meilleure répartition des revenus entre acteurs de la chaîne alimentaire française.

Pas simple, car les relations entre acteurs sont souvent tendues. En outre sous l'étiquette générique des agro-industriels se regroupent des profils très divers, du petit fabricant de saucissons à des multinationales cotées à la Bourse de New York, en passant par des géants français comme Danone ou Lactalis ou de puissantes coopératives agricoles comme Agrial ou Sodiaal.

L'ensemble des acteurs, grands pourvoyeurs d'emplois y compris dans les régions plus rurales, disposent de porte-voix efficaces. La distribution constitue un des débouchés importants des producteurs agricoles, rendant le premier syndicat agricole, la FNSEA, sensible et sonore sur le sujet.

En outre, le contexte macroéconomique est aujourd'hui très différent d'en 2017, avec le retour d'une forte inflation, notamment sur les prix alimentaires.

Équation très complexe

De quoi compliquer l'équation alors que l'une des ambitions des autorités politiques était de protéger la rémunération des producteurs agricoles, qui pouvait servir de variable d'ajustement de la négociation entre les géants économiques de l'industrie et de la distribution.

Ce point fait aujourd'hui consensus, mais l'inflation a rendu les clients beaucoup plus sensibles au prix d'achat, conduisant les distributeurs à relancer une guerre des prix pour les attirer.

En conséquence, ils ont tendance à exiger de leurs fournisseurs des prix de gros aussi bas que possible.

Protéger les acteurs fragiles sans permettre aux plus puissants de gonfler leurs marges, éviter de rendre les produits français moins accessibles que des alternatives qui seraient produites à l'étranger de manière moins vertueuse... 

Pas simple, alors que les associations de lutte contre la pauvreté ne cessent d'alerter sur leurs difficultés à faire face à l'afflux de nouveaux demandeurs.

Seules certitudes: le texte actuel apparait très largement insuffisant et la forme actuelle des négociations ne semble pas convenir à grand monde. Mais un compromis répondant à l'ensemble des problématiques sera compliqué à faire émerger.

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