Natran se tourne vers le transport de gaz moins carbonés
Du gaz naturel à l'hydrogène et au dioxyde de carbone. Le transporteur de gaz Natran (ex GRT-Gaz) veut faire évoluer son activité. Un changement de modèle qui repose sur la nécessité de décarboner les activités industrielles.

Faire évoluer le modèle… À l'heure de la décarbonation de l'énergie et des tensions poussant à la souveraineté énergétique, Natran (ex GRT-Gaz) fait évoluer ses activités. "Notre ambition, c'est de devenir un transporteur de gaz dans leur globalité", explique, ce 18 mars, Pierre Monin, délégué territorial pour le Val de Seine chez Natran. Détenteur de plus de 2 100 kilomètres de canalisation en Normandie, l'opérateur gère le transport des gaz sous haute-pression, déplaçant des volumes depuis et vers les réseaux basse-pression gérés par les producteurs et les distributeurs (comme GRDF).
Cette évolution du modèle, pour le présent, se traduit surtout dans l'incorporation de davantage de gaz "renouvelables" dans les réseaux. "D'ici 2030, nous avons l'objectif de multiplier par cinq le volume de gaz renouvelables dans nos réseaux", assure le cadre régional. Ainsi, sur les 21 millions d'euros investis en 2024 en Normandie, 8,8 millions ont été fléchés sur cette transition énergétique. Cette part devrait augmenter dans les prochaines années pour atteindre 50 % des investissements à l'horizon 2030.
Accompagner le développement de la méthanisation
Ce gaz est principalement issu de la méthanisation, qui se développe en Normandie. Cinquante-neuf unités y étaient en service en 2024 (notamment dans l'Orne) produisant 1,2 TWh (+43 % par rapport à 2023). Et pas moins de 136 projets sont actuellement en cours de développement. "Mais cette émergence ne peut se faire que si on dispose des capacités de raccordements aux réseaux", insiste Pierre Monin.
Si Natran compte sur les réseaux "distributeurs" pour raccorder les derniers kilomètres, elle doit aussi investir de manière conséquente pour absorber ces flux. Cela passe par l'investissement dans des "unités de rebours" qui réorientent le gaz vers les réseaux de transport haute-pression. La Normandie compte déjà trois de ces unités à Argentan et Ceton dans l'Orne, et à Mandres dans l'Eure. Et cinq sont en cours de réalisation, pour un montant d'investissement de 14,8 millions d'euros. De quoi réinjecter dans le réseau de transport l'équivalent de 800 GWh par an.
Natran s'engage aussi auprès d'autres sources d'approvisionnement. De nouvelles technologies font leur apparition : comme la pyro-gazéification ou la gazéification hydrothermale (dont un dans la Manche). Et ces nouvelles filières pourraient rebattre les cartes en termes de flux de gaz. "Il nous faut anticiper et planifier les renforcements de réseaux, pour accompagner ces filières émergentes", poursuite Pierre Monin.
Hydrogène et dioxyde de carbone :
de nouveaux réseaux ?
Enfin (et peut être surtout), Natran compte bien diversifier son activité en transportant d'autres gaz que le méthane. L'émergence de la filière hydrogène et les projets de captation et valorisation du dioxyde de carbone semblent à sa portée. "Nous avons une expertise unique dans le transport de gaz sous pression, qui est reconnue mondialement, insiste le délégué Val de Seine. Nous nous appuyons dessus pour tester le transport d'autres gaz." Ainsi un banc d'essai "dihydrogène" est à l'œuvre sur le site d'Alfortville (93) de l'entreprise. Il s'agit notamment de tester la possibilité ou non de réutiliser des réseaux existants pour ces gaz. "Mais il faut pour cela que ces réseaux soient rendus disponibles, précise toutefois Pierre Monin. Cela ne pourra pas se faire partout, il faudra probablement doublonner certains tracés."
Et si Natran est un partenaire engagé dans le projet Socrate, centralisé sur la Zone Bas Carbone de la vallée de Seine, l'entreprise sait aussi que la perspective est européenne. Disposer d'un maillage de transport (et de distribution) suffisamment dense est en effet la condition à atteindre pour construire un système résilient, à l'image de l'actuel réseau de gaz naturel.
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre
La consommation de gaz stable en Normandie
En 2024, 38,2 TWh de gaz ont été consommés en Normandie. La destination des gaz est principalement industrielle (60 % du total). Les industries chimiques et pétrochimiques ont consommé, à elles seules, 22,07 TWh en 2024. Cette spécificité industrielle fait que la consommation normande est plutôt stable - bien que légèrement inférieure à celle de la période avant Covid - quand elle a tendance à baisser dans d'autres régions françaises, Ile-de-France en tête). La Normandie représente 10 % de la consommation nationale.