MyFerryLink prend sa place sur le transmanche
La coopérative ouvrière des ex-marins de SeaFrance va fêter sa première année d’activité. Le 25 juin dernier, c’était opération "soutes ouvertes" d’un de ses navires. Reportage.
Après moult péripéties, depuis près d’une année, les ex-SeaFrance réoccupent le Détroit. Le Berlioz, pour ce voyage au départ du poste 6, navigue par un temps splendide ; dans le ciel bleu, un hélicoptère commence un exercice avec le Berlioz qui s’apprête, le temps de la traversée, à l’accueillir sur son H le temps d’un exercice de sauvetage en mer avec mannequin et treuil. Assez lentement (économie de mazout oblige), le Berlioz traverse le rail. «Avec quatre voyages dans la journée, un navire consomme 30 à 35 tonnes de mazout par voyage. On traverse en 1 heure et demie au lieu d’1 heure. La vitesse a un prix», explique Jean-Michel Giguet, directeur de MyFerryLink et de la Scop.
Retour sur un montage… et un succès. Le manager de cette épopée nautique veut lever les ambiguïtés et les incompréhensions : non, Eurotunnel ne s’occupe pas des affaires maritimes même si un de ses cadres est dirigeant de MyFerryLink, structure de commercialisation des offres de traversées maritimes ; Jean-Michel Giguet en est le directeur. «La séparation des activités commerciales d’Eurotunnel et de MyFerryLink est totale ; elle est régulièrement contrôlée.» Non, la vie avec un conseil de surveillance composé de syndicalistes ne ressemble pas à un goulag de patrons : «Nous avons parfois des échanges francs et directs, mais nous trouvons toujours le chemin ensemble.» Le montage reste cependant complexe : Eurotunnel, acquéreur des deux bateaux de SeaFrance, les a logés dans trois sociétés différentes qui les louent à MyFerryLink, entreprise qui commercialise les offres (une autre société de droit britannique fait la même chose de l’autre côté du Channel). MyFerryLink charge la SCOP de faire fonctionner la ligne. «Veut-on la fin du pavillon français sur le Détroit ?», répond l’homme quand on évoque la décision de la commission de la concurrence britannique qui a donné deux mois à Eurotunnel pour arrêter son activité maritime pour entrave à la concurrence. Aujourd’hui, l’entreprise affiche ses premiers résultats : avec 533 salariés, elle a réduit l’impact d’un chômage massif dans le Calaisis. Même si la rentabilité n’est prévue qu’à l’horizon 2014, MyFerryLink a pris 10% des parts du marché fret entre septembre 2012 et mai 2013… Sur le trafic passagers, elle atteint déjà 8% sur les neuf premiers mois. Avec deux navires, DFDS, bien qu’arrivé quatre mois plus tôt, est le principal perdant face à l’arrivée de MFL. Sur le fret, le géant des trafics maritimes mondiaux perd 2 points de parts de marché sur la ligne Calais-Douvres et 5 points sur la ligne Dunkerque-Douvres. P&O connaît des variations globalement moins prononcées devant la montée en puissance de MFL. Chez les «scopiens», rien n’a changé : ils naviguent toujours sur «leurs» navires et les Britanniques seraient bien imprudents de réveiller les ardeurs syndicales d’antan.