Musées et mécènes explorent le potentiel des technologies
Guide interactif qui accompagne les visiteurs lors d’une exposition, lunettes 3D pour découvrir des œuvres sous toutes leurs coutures… Dans le cadre d’opérations de mécénat, institutions muséales et entreprises spécialisées dans les technologies testent de nouvelles façons d’approcher la culture.
Au Louvre Lens, la moitié des visiteurs déambulent équipés d’un guide multimédia qui leur est confié à titre gratuit. «C’est énorme», se réjouit Raphaël Wolff, directeur de la communication du musée. Fin mai, à Paris, il présentait ce dispositif lors des rencontres «patrimoine, numérique et mécénat», organisées par Clic France, Club innovation et culture, qui réunit des institutions culturelles sur les sujets du numérique, Admical, regroupement d’entreprises mécènes et la plateforme de crowdfunding, MyMajorCompagy. Plusieurs institutions culturelles et leurs mécènes, entreprises spécialisées dans les technologies de l’information, ont présenté des projets réalisés ensemble, et raconté la manière dont ils ont été conduits. Certains dispositifs numériques sont déployés sur place, pour améliorer la visite, d’autres visent à permettre un accès au patrimoine à distance. Au Louvre Lens, pour concevoir le projet, «l’avantage, c’est que le terrain était vierge», se souvient Raphaël Wolff : le guide numérique a été conçu en même temps que le musée voyait le jour. Cet outil a été conçu dans le cadre d’un partenariat avec Orange, qui apporte son expertise technologique au Louvre Lens depuis 2007. L’objectif, c’est bien d’«améliorer la visite», insiste Raphaël Wolff.
Des enjeux d’ancrage et d’innovation
Côté entreprise, les enjeux du mécénat se situent à de multiples niveaux. Tout d’abord, le mécénat «est lié à l’ancrage d’Orange dans cette région», explique Armelle Pasco, directrice des partenariats culturels et institutionnels chez Orange. L’opération est ainsi susceptible de toucher les salariés mêmes de l’entreprise et la population locale dans son ensemble. Par ailleurs, il y a aussi l’idée «de travailler sur le musée du 21e siècle, sur une nouvelle façon d’appréhender le rapport avec le public», ajoute Armelle Pasco, pour qui l’accord avec le Louvre Lens représente, en quelque sorte, «la Rolls du partenariat». Compétences des muséographes, des scientifiques, des ergonomes, des ingénieurs … se conjuguent dans un même projet. Actuellement, un groupe de travail explore le potentiel de la gestuelle en 3D, qui permet d’attraper des œuvres virtuelles et de les examiner sous tous les angles.
Lutèce en 3D
À Paris, la restauration de la crypte archéologique du parvis Notre-Dame a donné lieu à la mise en place d’un dispositif conçu avec Dassault Systèmes, inauguré en 2012. Concrètement, les ingénieurs de l’entreprise ont élaboré en 3D des bâtiments supposés être ceux de Lutèce. «Nous voulions rendre plus lisible ce que ce lieu avait été», commente Rose-Marie Mousseaux, à l’époque conservateur au musée Carnavalet et commissaire de l’exposition. Dans le projet, les équipes du musée ont fourni la documentation sur les vestiges dans Paris, et celles de Dassault, leur expertise sur la 3D. «Un échange de visibilité contre un apport scientifique», juge Rose-Marie Mousseaux. Le projet a été conclu en un an. «Les dispositifs 3D ne sont pas très interactifs, car il y a trop de visiteurs», précise-t-elle. Parmi les institutions qui ont déployé des dispositifs numériques à l’aide d’un mécène, figure également le château de Versailles. Comme au Louvre Lens, les visiteurs peuvent agrémenter leur visite de compléments numériques, notamment grâce à l’application gratuite qui accompagne la visite, avec des commentaires du sculpteur italien Giuseppe Penone, ou encore d’un guide numérique, lui aussi distribué gratuitement. Les outils multimédia peuvent également permettre des projets hors sol. Pour les scolaires, «on fait venir Versailles dans la classe», illustre Christine Albanel, ancienne ministre de la Culture, présidente déléguée de la Fondation Orange. Ainsi, plus d’une centaine de classes ont bénéficié d’une conférence filmée dans le château avec une Webcam, dans le cadre des projets pédagogiques de la fondation. Par ailleurs, le mécène prépare un projet de mise en ligne et partage de plusieurs dizaines de milliers d’heures de vidéo ou d’audio de conférences avec la RMN, la Réunion des musées nationaux. «Il s’agit de donner accès à tous ces savoirs. Nous préparons ces contenus qui seront disponibles sur une plateforme spécifique», précise Christine Albanel.