Mort à Venise
Plus gros succès de l’art lyrique italien entre Aida (1871) et Otello (1887) de Verdi, La Gioconda est une œuvre rarement jouée car stylistiquement si hétérogène et exigeante, tant d’un point de vue scénique que vocal, que peu de maisons d’opéra s’y aventurent aujourd’hui. La Monnaie relève pourtant le défi avec le chef d’orchestre Paolo Carignani et le metteur en scène Olivier Py afin de ressusciter ce grand opéra méconnu.
Unique succès international de Ponchielli, cette œuvre flamboyante est une commande des Éditions Ricordi en 1874, puis créée au Teatro alla Scala de Milan en avril 1876 avant d’être plusieurs fois retouchée par le compositeur italien jusqu’à son retour à La Scala en 1880. Le livret de Tobia Gorrio, anagramme d’Arrigo Boito avec lequel il signe certains de ses travaux, est tiré d’Angelo, tyran de Padoue de Victor Hugo. Si le librettiste vénère l’écrivain français, il apporte cependant plusieurs corrections qui vont assurer la crédibilité de l’intrigue. Il va en particulier donner plus de profondeur à deux des protagonistes, la Gioconda elle-même et le traître Barnaba, personnage fascinant du répertoire lyrique de l’époque.
Grande
machine au chœur omniprésent, l’œuvre est à la croisée des genres. Elle peut
être considérée comme une version italienne du Grand opéra à la française avec
foules et ballet (rappelons que la Danza
delle ore fit partie des sept séquences du Fantasia de Walt Disney !), et le drame romantique verdien par sa
structure et ses situations dramatiques. Ponchielli réserve la plus belle part
aux chanteurs et les idées mélodiques sont magistralement développées,
exploitant tous les registres de la voix.
«J’aime les grandes voix… La question du
chant est centrale dans mon œuvre de poète et dans mon travail de metteur en
scène.» Cette déclaration d’Olivier Py, faite il y a quelques années, éclaire
l’intérêt du metteur en scène français à monter La Gioconda. L’attrait du chant est en effet irrésistible dans la
pièce de Ponchielli, et les difficultés de certaines scènes, parfois
rocambolesques, n’effraient pas celui qui a déjà monté Les Huguenots ou Lohengrin
à la Monnaie. Aidé de ses complices de toujours, Pierre-André Weitz pour les
décors et les costumes et Bertrand Killy pour les lumières, il propose une
lecture contemporaine où la dimension métaphysique de Barnaba devient centrale,
lequel effectue le choix conscient du mal et le rationnalise. Un personnage idoine
pour cette Venise décadente où la civilisation s’enfonce dans les intrigues et
où la mort se profile au détour de chaque ruelle.
Aux
commandes de l’Orchestre symphonique de la Monnaie, Paolo Carignani dirigera
une superbe distribution réunissant, entre autres, la soprano française
Béatrice Uria-Monzon dont le rôle de La Gioconda correspond parfaitement à
l’évolution de sa voix. Elle l’incarnera en alternance avec la soprano chinoise
Hui He.
Représentations
les 1er, 5, 6, 8 & 12 février à 19h, les 3 & 10 février à 15h au
Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles. Renseignements et réservations au 00
32 22 29 12 11 ou sur www.lamonnaie.be