Montélimar : Sur la route du nougat
Le nougat de Montélimar connaît une notoriété au-delà des frontières. Comment cette confiserie, assez simple de prime abord, a-t-elle pu susciter l’engouement des Français et gagner les palais étrangers ? L’emplacement géographique, un savoir-faire particulier, un Président français d’origine montilienne et fan de nougat, et une stratégie de groupe de l’ensemble des nougatiers encore présents forgent l’histoire de cette douceur connue depuis le Moyen Âge.
Le mot nougat trouve son origine chez les Phéniciens : Nux Gatum (littéralement gâteau aux noix). Ces commerçants hors pairs ont propagé leur spécialité jusque sur le pourtour méditerranéen, et notamment à Marseille. La noix se faisant rare voire inexistante à Marseille et alentours, celle-ci fut remplacée par l’amande, de culture facile à l’époque. C’est à partir du Moyen Âge que le nougat de Marseille - à base d’amandes, de miel, et de blancs d’œufs - connaît ses premiers succès au point d’être fabriqué par les confiseurs dans toute la Provence, jusque Montélimar.
Montélimar, indissociable du nougat
Mais c’est à Montélimar que la fabrication du nougat sera florissante pour deux raisons principales : la culture de l’amande et le Mistral. Le vent Mistral ou du nord, particulièrement puissant dans cette partie de la vallée du Rhône, fait baisser l’hygrométrie laquelle a un impact sur la cristallisation du nougat. «Le miel est un grand capteur d’eau. Si l’atmosphère est trop humide, le nougat n’aura pas la consistance désirée», explique Marie-Claude Stoffel, présidente du Groupement d’Intérêt Économique InterNougat qui rassemble les 13 nougatiers(*) de Montélimar encore en activité. C’est encore de Montélimar que le Président de la République Française Emile Loubet (1899-1906) était originaire. Il fut le meilleur ambassadeur de cette confiserie dont il était féru puisqu’il en distribuait partout où il allait, ainsi qu’à tous les chefs d’État en visite. C’est encore à Montélimar que les locomotives de la ligne ferroviaire Paris-Lyon-Marseille rechargeaient le charbon et l’eau au 19e siècle. Les vendeuses des confiseurs de la ville proposaient un assortiment de nougats et autres confiseries pour faire patienter les voyageurs en douceur. Enfin, c’est à Montélimar que les premiers vacanciers post-guerre empruntant la Route Bleue (la RN7) s’arrêtaient, soit volontairement pour faire le plein de carburant, soit involontairement prisonniers des bouchons qui, déjà, faisaient la réputation de cette partie de la vallée du Rhône. Dans les années 1950, ils étaient une centaine d’artisans fabricants de nougat sur la place montilienne, l’activité était foisonnante. Aujourd’hui ils ne sont plus que 13.
On the road again
Comment expliquer tel un déclin de l’activité ? «C’est la construction de l’autoroute A7 dans les années 1970 qui a décimé les nougatiers, pour la plupart artisans confiseurs. Pierre Chabert, l’un des plus gros fabricants du coin, s’est alors mobilisé pour créer une société destinée à défendre les intérêts des nougatiers et plaider leur cause auprès des instances publiques de l’époque.» Le dirigeant obtient ainsi l’autorisation d’avoir un point de vente de tous les nougats de Montélimar sur l’aire de l’A7 pour 1 franc symbolique. Aujourd’hui, la société devenue le GIE InterNougat, regroupant les 13 nougatiers encore en activité, a conservé et développé - pour plus d’un franc symbolique… - cette opportunité de vente en implantant 2 boutiques (500 m2 et 300 m2), une de chaque côté de l’A7. Dénommées L’Aventure du Nougat de Montélimar, elles proposent non seulement des nougats et dérivés à la vente, mais aussi des produits régionaux, un parcours pédagogique, des animations, une scénographie, … Avec 40 000 véhicules/jour, l’aire de l’A7 Montélimar, la plus grande d’Europe (35 ha) est aussi la plus fréquentée de France et arrive en 2e position en Europe. Les ventes estimées avec ces nouvelles boutiques, ouvertes au printemps dernier, devraient doubler par rapport à 2019 (240 000 kg vs 120 000 kg, dont 8 0 % de nougat). Quant au chiffre d’affaires (3 à 4 millions d’euros avec les anciennes boutiques), il devrait lui aussi suivre la même tendance… «L’histoire du nougat est intrinsèquement liée au transport et à l’émotion positive concrétisée par l’achat-souvenir d’un paquet de nougat de Montélimar qui rappelle la route des vacances», concluait Marie-Claude Stoffel.
(*) 13 nougatiers et 14 marques : Arnaud Soubeyran, Charbert & Guillot, La Compagnie d’Ancône, Escobar, Le Chaudron d’Or, Diane de Poytiers, Doulce France, Le Gavial, La Ruche d’Or, Au rucher de Provence, Les Ruches Montiliennes, Suprem’Nougat, Les Trois Abeilles, Le Val Roubion.
Corinne Legros (L’Echo Drôme-Ardèche) pour Réso Hebdo Éco - www.facebook.com/resohebdoeco.
La composition du Nougat de Montélimar
Le Nougat de Montélimar, à la différence des autres nougats, a un code des usages très précis et rigoureux : 28 % d’amandes et 2 % de pistaches au minimum, ou 30 % d’amandes au minimum. Sucre. Blanc d’œuf. 19 % de miel au minimum, lesquels doivent compter pour 25 % des matières sucrantes. Les miels peuvent varier en fonction de leur origine, de la période de l’année, et des goûts que le fabricant veut donner à son nougat. Vanille naturelle.